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14/06/2018 | FRANCE | N°16LY02742

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 14 juin 2018, 16LY02742


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 24 mai 2013 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement pour inaptitude physique.

M. B... est décédé le 28 janvier 2016. Son épouse, Mme E... B... -G..., et ses enfants, Mme C... B... et M. D... B..., ont déclaré reprendre l'instance.

Par un jugement n° 1303837 du 13 juin 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une req

uête enregistrée le 29 juillet 2016, Mme B... -G... et ses enfants, représentés par Me Germain-Phi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 24 mai 2013 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement pour inaptitude physique.

M. B... est décédé le 28 janvier 2016. Son épouse, Mme E... B... -G..., et ses enfants, Mme C... B... et M. D... B..., ont déclaré reprendre l'instance.

Par un jugement n° 1303837 du 13 juin 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 29 juillet 2016, Mme B... -G... et ses enfants, représentés par Me Germain-Phion, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 13 juin 2016 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté susmentionné ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la décision est insuffisamment motivée, en droit et en fait ;

- l'employeur n'a pas procédé à une recherche suffisante de reclassement ;

- quatre postes disponibles dans le reste de la France ne lui ont pas été proposés.

Par des mémoires présentés le 17 mars 2017 et le 24 mars 2017, la SAS Schenker France conclut au rejet de la requête et à ce que les requérants lui versent solidairement la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par Mme B... -G... et autres ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée au ministre du travail, qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Savouré, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., substituant Me Etiembre, avocat de la société Schenker France ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été embauché le 1er décembre 2003 par la SAS Schenker-Joyau, devenue depuis la SAS Shenker France, en qualité de conducteur routier, pour l'agence d'Annecy. Il y exerçait également les fonctions de délégué du personnel et de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). M. B... ayant contracté une maladie d'origine non professionnelle, le médecin du travail l'a déclaré inapte au poste qu'il occupait et a indiqué que son temps de travail ne devait pas excéder deux heures par jour sans contrainte physique. M. B... ayant refusé quatre offres de reclassement, l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement par une décision du 24 mai 2013. M. B..., qui avait saisi le tribunal administratif de Grenoble d'un recours pour excès de pouvoir contre cette décision, est décédé en cours d'instance devant cette juridiction. Son épouse, Mme B... -G..., et ses deux enfants, Mme C... B... et M. D... B..., ont déclaré la reprendre. Ces derniers interjettent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision litigieuse.

2. En premier lieu, aux termes des articles R. 2421-12 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée (...) ".

3. Pour autoriser le licenciement pour inaptitude physique de M. B..., l'inspecteur du travail a visé les articles L. 2421-3 et R. 2421-8 à R. 2421-16 du code du travail et mentionné les avis émis par le médecin du travail ainsi que le refus par l'intéressé de deux offres de reclassement. Ainsi, pour regrettable que soit l'absence de mention des dispositions relatives au licenciement pour inaptitude, la décision en litige est suffisamment motivée, en droit comme en fait.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. "

5. En vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que l'employeur a, conformément aux dispositions citées ci-dessus de l'article L. 1226-2 du code du travail, cherché à reclasser le salarié sur d'autres postes appropriés à ses capacités, le cas échéant par la mise en oeuvre, dans l'entreprise, de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. Le licenciement ne peut être autorisé que dans le cas où l'employeur n'a pu reclasser le salarié dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, menée tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.

6. Dans un premier temps, M. B... a refusé deux postes d'employé administratif d'exploitation à temps partiel, à raison de deux heures par jour, au sein de l'agence d'Annecy (Haute-Savoie). L'inspecteur du travail ayant refusé d'autoriser le licenciement à la suite de ces deux refus, l'employeur a proposé deux autres postes d'employé administratif d'exploitation à l'agence de Cran Gevrier (Haute-Savoie), l'un comprenant des horaires de six heures à huit heures le matin, l'autre comprenant des horaires de seize heures à dix-huit heures. M. B... ayant également refusé ces postes, l'inspecteur du travail, de nouveau saisi, a autorisé le licenciement.

7. Si les requérants font valoir que les quatre postes proposés correspondent à des fonctions identiques, le type de poste proposé était nécessairement limité par les préconisations du médecin du travail qui avait mentionné que " le temps de travail ne doit pas excéder deux heures par jour sans contrainte physique. Un poste à deux heures par jour de type administratif peut être proposé ".

8. Les requérants affirment aussi que des recherches de reclassement auraient pu être effectuées dans d'autres agences et sociétés du groupe DB Shenker, qui possède une centaine d'agences en France et plus de deux mille agences à l'étranger et qu'il existait au moins quatre autres postes disponibles dans le reste de la France, qui n'ont pas été proposés à M. B.... Toutefois, compte tenu notamment de ce que l'intéressé a motivé ses quatre refus par la fragilité de sa santé qui faisait obstacle, selon lui, à ce qu'il puisse travailler deux heures par jour de façon répétée, l'employeur pouvait légitimement considérer que les autres postes susceptibles d'être proposés dans le reste de la France ou dans le monde ne lui conviendraient pas davantage.

9. Il résulte de ce qui précède que l'inspecteur a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, considérer que les recherches de reclassement effectuées par la SAS Schenker-Joyau étaient sérieuses.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme B... -G... et ses enfants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants une somme au titre des frais exposés à l'occasion du présent litige par la SAS Schenker France.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... -G... et autres est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la SAS Schenker France tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B... -G..., à Mme C... B..., à M. D... B..., à la SAS Schenker France et au ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2018 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

Mme Dèche, premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 juin 2018.

5

N° 16LY02742


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY02742
Date de la décision : 14/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: M. Bertrand SAVOURE
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : SCP LAURE GERMAIN-PHION ET ESTELLE SANTONI

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-06-14;16ly02742 ?
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