Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 30 novembre 2012 par laquelle l'inspectrice du travail de la 3ème section de la Drôme a autorisé son licenciement et la décision du 11 juin 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social a rejeté son recours hiérarchique contre cette décision.
Par un jugement n° 1304036 du 13 juin 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2016, et un mémoire enregistré le 9 mai 2018, présentés pour M. B..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 13 juin 2016 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) de mettre à la charge de la société Billon la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de l'inspectrice du travail du 30 novembre 2012 est insuffisamment motivée ;
- les recherches de reclassement n'ont pas été diligentées de manière loyale et sérieuse par la société Billon.
Par un mémoire, enregistré le 3 mai 2018, présenté pour la société Billon, elle conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. B... d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.
La requête a été communiquée au ministre chargé du travail qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Seillet, président,
- les conclusions de Mme Bourion, rapporteur public,
- et les observations de Me Magnin, avocat de M. B..., ainsi que celles de Me Bonnefoy-Claudet, avocat de la société Billon ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., embauché le 1er septembre 2005 par la société Billon, spécialisée dans les travaux d'installation d'équipement thermique et de climatisation, pour occuper le poste d'électricien sur son site de Portes-lès-Valence, a été élu délégué du personnel le 28 février 2011. A compter du 30 septembre 2011, il a été placé en arrêt de travail consécutif à une maladie non professionnelle et, à la suite de deux avis médicaux rendus les 6 et 21 février 2012, le médecin du travail a déclaré M. B... inapte à reprendre son poste mais apte à un reclassement. Après avoir consulté les délégués du personnel et fait état d'une impossibilité de reclassement de l'intéressé, la société Billon a saisi, le 23 avril 2012, l'inspection du travail d'une demande d'autorisation de licenciement de M. B... pour inaptitude. Le 25 juin 2012, l'inspectrice du travail a refusé cette demande au motif que l'employeur n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement. Après lui avoir proposé un poste à temps partiel, refusé par l'intéressé, la société Billon a saisi une seconde fois l'inspection du travail d'une demande d'autorisation de licenciement de M. B... pour inaptitude. Le 30 novembre 2012, l'inspectrice du travail a fait droit à cette demande et M. B... s'est vu notifier, par une lettre du 3 décembre 2012, son licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement. Le 28 janvier 2013, il a formé un recours hiérarchique contre la décision de l'inspectrice du travail. Le 11 juin 2013, le ministre du travail a confirmé cette décision. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
2. En premier lieu, la décision de l'inspectrice du travail du 30 novembre 2012, qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est, dès lors, régulièrement motivée au regard des exigences de l'article R. 2421-12 du code du travail.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. ".
4. En vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement envisagé, compte tenu des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi, et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise.
5. Contrairement aux allégations du requérant, la lettre recommandée le convoquant à un premier entretien préalable à son licenciement, le 29 mars 2012, lui a été adressé non pas le 20 février 2012 mais le 20 mars 2012 ainsi qu'il ressort du certificat de dépôt auprès des services postaux et de l'avis de réception du 21 mars 2012.
6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment du courrier de la société Billon adressé à M. B... le 15 mars 2012, que le directeur administratif et financier de ladite société a procédé à une analyse des emplois de l'entreprise situés sur ses quatre sites de Portes-lès-Valence, Saint Martin d'Hères, Cournon d'Auvergne et Saint-Priest en indiquant que les postes existants étaient soit " pourvus et non susceptibles de se libérer dans les mois à venir ", soit soumis à des " contraintes physiques ", telles que le " port de charge variant de 5 kg à 50 kg ", le " travail en position agenouillée, accroupie ou en élongation, les bras au dessus du plan des épaules ", le " travail en hauteur ", les " manutentions manuelles répétitives ", contraires aux restrictions médicales imposées par son état de santé, émises par deux avis des 6 et 21 février 2012, ayant déclaré l'intéressé apte sur un poste ne comportant " pas de charges lourdes et répétitives ", " pas de contraintes posturales de type antéflexion et torsion du buste " et " pas d'efforts brusques et violents ".
7. Après avoir, dans un premier temps, conclu à l'impossibilité de reclasser M. B..., la société Billon, par un courrier du 7 août 2012, lui a proposé un poste ayant pour objet l'identification et l'étiquetage d'éléments électriques sur chantiers, correspondant à un temps partiel de 60 % annualisé, rattaché au site de Portes-lès-Valence, avec maintien de ses avantages salariaux et affectation d'un véhicule de service. Cette proposition de reclassement était suffisamment précise et constituait une création de poste, alors que la société Billon n'était pas tenue, à cette occasion, de créer un nouvel emploi, et en particulier le nouvel emploi de câbleur au sein de l'atelier " électricité " suggéré par les délégués du personnel, et aurait pu se limiter à rechercher la possibilité du reclassement de M. B... sur un poste dont la libération n'impliquait pas l'éviction d'un autre salarié de la société, sans être tenue d'apporter la preuve qu'elle était dans l'impossibilité de l'employer sur ce poste à temps complet.
8. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment du registre du personnel établi au 28 février 2013, communiqué par la société Billon, que plusieurs salariés ont été embauchés, pendant la période de reclassement de M. B..., sur un poste d'assistant chargé d'affaires, le 3 juillet 2012, sur un poste d'agent technique, le 1er août 2012, et des postes d'assistant conducteur de travaux et de technicien étude de prix, le 1er octobre 2012, dans le cadre de contrats à durée indéterminée. De même, quatre postes de plombier chauffagiste ont été pourvus les 2 avril, 2 mai, 1er juin et 10 septembre 2012, ainsi qu'un poste d'étancheur, le 3 septembre 2012, un poste d'électricien chef d'équipe, le 1er octobre 2012, et un poste de manoeuvre, le 5 novembre 2012, par contrats à durée déterminée. Toutefois, ces différents postes, qui impliquent pour la plupart une manutention de charges lourdes, des efforts physiques et/ou présentent des contraintes posturales, n'étaient pas compatibles avec les contre-indications médicales émises par le médecin du travail alors, au demeurant, qu'à l'exception du poste d'électricien chef d'équipe mais pour lequel il avait été déclaré inapte, ces postes ne pouvaient pas être proposés à l'intéressé au titre du reclassement dès lors que, compte tenu de sa qualification d'électricien, il ne disposait pas des compétences requises pour les occuper.
9. En cinquième lieu, si la société Billon n'a pas communiqué la liste des emplois pourvus en intérim entre février et décembre 2012, il n'est pas établi pas que ces emplois auraient été compatibles avec l'aptitude physique et les qualifications professionnelles de M. B....
10. En sixième lieu, la circonstance que la société Billon a finalement proposé à M. B... un seul poste de reclassement ne suffit pas à démontrer une insuffisance des efforts de reclassement de son employeur eu égard aux emplois disponibles compatibles à son aptitude physique et à ses qualifications professionnelles.
11. En dernier lieu, si le requérant soutient que l'inspectrice du travail qui a diligenté une enquête contradictoire le 16 octobre 2012 aurait dû solliciter la communication des registres uniques du personnel de l'ensemble des établissements de la société Billon pour vérifier que celle-ci avait bien effectué des recherches de reclassement sur l'ensemble des quatre sites de la société, aucune disposition législative ou réglementaire ne lui impose une telle communication alors, au demeurant, qu'à l'occasion d'une seconde enquête contradictoire réalisée le 20 mars 2013 dans le cadre du recours hiérarchique formé par M. B..., un registre du personnel commun aux quatre sites de la société a été examiné lequel, ainsi qu'il a été déjà dit, mentionne l'embauche de salariés en contrat à durée indéterminée et en contrat à durée déterminée, mais ne permet pas d'identifier des postes qui auraient pu être proposés au requérant au titre du reclassement.
12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Billon, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse une somme à M. B... au titre des frais exposés à l'occasion du litige. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de M. B... une somme au titre des frais exposés par la société Billon.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Billon tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à la société Billon et au ministre du travail.
Délibéré après l'audience du 24 mai 2018 à laquelle siégeaient :
M. Seillet, président,
Mme A... et M. C..., premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 14 juin 2018.
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N° 16LY02735