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07/06/2018 | FRANCE | N°17LY03959

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 07 juin 2018, 17LY03959


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2017 du préfet de l'Ain portant obligation de quitter sans délai le territoire français, désignation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1708133 du 15 novembre 2017, le magistrat désigné par le président de ce tribunal a rejeté sa demande comme tardive.

Procédure devant la cour

I. Par une requête enregistrée le 2

2 novembre 2017 sous le n° 17LY03959, M. D... C..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2017 du préfet de l'Ain portant obligation de quitter sans délai le territoire français, désignation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1708133 du 15 novembre 2017, le magistrat désigné par le président de ce tribunal a rejeté sa demande comme tardive.

Procédure devant la cour

I. Par une requête enregistrée le 22 novembre 2017 sous le n° 17LY03959, M. D... C..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et de renvoyer l'affaire au tribunal administratif de Lyon ou à tout le moins d'annuler l'arrêté contesté ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Ain, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai de 8 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation administrative ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titres des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- sa demande était recevable en l'absence de notification effective et certaine des voies et délai de recours ;

- l'arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente ;

- son insuffisante motivation en droit et en fait révèle un défaut d'examen complet de sa situation personnelle ;

- les dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 et celles de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ont été méconnues ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement et de l'interdiction de retour sur sa situation personnelle ;

- il a commis une erreur de droit et une erreur de fait en décidant son éloignement sans délai motivé par le risque qu'il se soustraie à cette mesure compte tenu de la menace à l'ordre public constituée par son comportement ;

- les décisions portant refus de tout délai de départ volontaire et désignation du pays de renvoi sont illégales en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- la décision portant interdiction de retour est illégale en conséquence de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus de délai de départ volontaire.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 avril 2018, le préfet de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.

II. Par une requête enregistrée le 22 novembre 2017 sous le n° 17LY03961, M. D... C..., représenté par MeA..., demande à la cour d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement n° 1708133 du 15 novembre 2017 du magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titres des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la mise à exécution de l'obligation de quitter le territoire français contestée le privera de la possibilité de demeurer auprès de son épouse qui est enceinte ;

- les moyens qu'il invoque sont sérieux ; en effet, sa demande était recevable en l'absence de notification effective et certaine des voies et délai de recours ; l'arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente ; son insuffisante motivation en droit et en fait révèle un défaut d'examen complet de sa situation personnelle ; les dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 et celles de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ont été méconnues ; le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement et de l'interdiction de retour sur sa situation personnelle ; il a commis une erreur de droit et une erreur de fait en décidant son éloignement sans délai motivée par le risque qu'il se soustraie à cette mesure compte tenu de la menace à l'ordre public constituée par son comportement ; les décisions portant refus de tout délai de départ volontaire et désignation du pays de renvoi sont illégales en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ; la décision portant interdiction de retour est illégale en conséquence de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus de délai de départ volontaire.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 avril 2018, le préfet de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas sérieux.

Par décisions du 6 décembre 2017, M. C...n'a pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Michel ;

- et les observations de Me B..., représentant M.C... ;

1. Considérant que les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'une même décision ;

2. Considérant que M.C..., ressortissant kosovare, a déclaré être entré en France en 2015 ; que sa demande d'asile a été définitivement rejetée par un arrêt du 9 octobre 2017 de la Cour nationale du droit d'asile ; qu'à l'issue de son placement en garde à vue pour des faits de conduite sans permis, le préfet de l'Ain a pris à son encontre un arrêté du 10 novembre 2017 portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, désignation du pays de renvoi et interdiction pour deux ans de retour sur le territoire français ; que, par un arrêté du même jour, le préfet l'a assigné à résidence en application de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par sa requête n° 17LY03959, M. C... relève appel du jugement du 15 novembre 2017 par lequel le magistrat délsigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté comme tardive sa demande d'annulation de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, désignation du pays de renvoi et interdiction pour deux ans de retour sur le territoire français ; que, par sa requête n° 17LY03961, M. C...demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement ;

Sur la requête 17LY03959 :

3. Considérant, d'une part, que le paragraphe II de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que l'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de celles refusant un délai de départ volontaire, mentionnant le pays de destination et d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant ; qu'aux termes du paragraphe II de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " Conformément aux dispositions du II de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification par voie administrative d'une obligation de quitter sans délai le territoire français fait courir un délai de quarante-huit heures pour contester cette obligation et les décisions relatives au séjour, à la suppression du délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour notifiées simultanément. " ; qu'en vertu de l'article R. 776-4 du même code, ce délai de recours contentieux, de quarante-huit heures, court également à compter de la notification par voie administrative en cas d'assignation à résidence en application de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742.3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger " ; que l'article L. 512-2 figurant au livre V du même code précise que : " Dès notification de l'obligation de quitter le territoire français, l'étranger auquel aucun délai de départ volontaire n'a été accordé est mis en mesure, dans les meilleurs délais, d'avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix. L'étranger est informé qu'il peut recevoir communication des principaux éléments des décisions qui lui sont notifiées en application de l'article L. 511-1. Ces éléments lui sont alors communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend. " ;

5. Considérant que comme l'a relevé le premier juge, l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'impose l'assistance d'un interprète, à défaut de formulaire écrit et si l'étranger ne parle pas le français ni ne sait le lire, que lorsque certaines dispositions du même code prévoient qu'une décision ou une information doit être communiquée à l'étranger dans une langue qu'il comprend ; qu'en outre, selon les mêmes dispositions, le recours à un interprète agréé ou figurant sur la liste prévue à l'article L. 111-9 n'est obligatoire que lorsque son assistance se fait par l'intermédiaire de moyens de télécommunication ; que l'article L. 512-2 du même code, pris pour la transposition de la directive 2008/115/CE visée ci-dessus dite " directive retour " n'impose pas non plus la présence d'un interprète lors de la notification d'une obligation de quitter le territoire français sans délai mais prévoit, d'une part, que l'administration doit informer l'intéressé qu'il peut recevoir communication des " principaux éléments " des décisions qui lui sont notifiées, d'autre part, que si l'étranger en a préalablement fait la demande, elle doit lui communiquer ces éléments dans une langue qu'il comprend ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté, portant mention des voies et délais de recours, a été remis M. C... le 10 novembre 2017 à 16 h 20, ainsi qu'une fiche d'informations en langue albanaise ; que si M. C..., qui ne parle ni ne lit la langue française, soutient sans être contesté que la mention du délai de recours contentieux de quarante-huit heures ne figure pas sur cette fiche, cette mention n'est pas rendue obligatoire par les dispositions combinées des articles L. 111-8 et L. 512-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ressort en tout état de cause des pièces du dossier que, lors de la notification de l'arrêté contesté, M. C...était assisté d'un interprète susceptible de l'instruire des voies et délais de recours contre l'arrêté qui lui était notifié ; qu'il s'ensuit que cette notification a fait courir le délai de recours contentieux non franc de quarante-huit heures, qui a commencé à courir dès le 10 novembre 2017 et était expiré lorsque la demande de M. C... a été enregistrée au greffe du tribunal administratif le 13 novembre 2017 à 17 h 57 ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande comme tardive ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles relatives aux frais liés au litige doivent également être rejetées ;

Sur la requête 17LY03961 :

8. Considérant que le présent arrêt statuant sur l'appel présenté contre le jugement n° 1708133 du magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon du 15 novembre 2017, les conclusions de la requête n° 17LY03961 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont ainsi privées d'objet ; qu'il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer ;

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 17LY03961.

Article 2 : La requête n° 17LY03959 est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2018, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président assesseur,

Mme Gondouin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 7 juin 2018.

5

Nos 17LY03959, 17LY03961


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY03959
Date de la décision : 07/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.

Procédure - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000 - Sursis à exécution d'une décision administrative.

Procédure - Incidents - Intervention - Recevabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Céline MICHEL
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : BESCOU

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-06-07;17ly03959 ?
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