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07/06/2018 | FRANCE | N°15LY01323

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 07 juin 2018, 15LY01323


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'office public de l'habitat de Chambéry, " Chambéry Alpes Habitat ", a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner solidairement la communauté d'agglomération Chambéry Métropole et les sociétés Ginger CEBTP Démolition, Franki Fondation et Arnaud Démolition à lui verser la somme de 186 919,69 euros HT en remboursement des frais qu'il a exposés pour réparer les conséquences des dommages causés à une conduite d'eaux usées, rue des Combes à Chambéry, et de mettre définitivement à le

ur charge les frais et honoraires d'expertise liquidés à la somme de 12 630,19 euros...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'office public de l'habitat de Chambéry, " Chambéry Alpes Habitat ", a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner solidairement la communauté d'agglomération Chambéry Métropole et les sociétés Ginger CEBTP Démolition, Franki Fondation et Arnaud Démolition à lui verser la somme de 186 919,69 euros HT en remboursement des frais qu'il a exposés pour réparer les conséquences des dommages causés à une conduite d'eaux usées, rue des Combes à Chambéry, et de mettre définitivement à leur charge les frais et honoraires d'expertise liquidés à la somme de 12 630,19 euros ainsi que la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par le jugement n° 1104799 du 16 février 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de Chambéry Alpes Habitat, l'a condamné à verser à la société Arnaud Démolition la somme de 23 638,94 euros, outre les intérêts au taux légal majoré de deux points à compter du 26 mai 2009, capitalisés à compter du 26 mai 2010 et à chaque date anniversaire, et laissé à sa charge les frais d'expertise.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 17 avril 2015 et des mémoires enregistrés les 5 octobre, 12 novembre 2015 et 18 avril 2017, Chambéry Alpes Habitat, puis la SEML " Cristal Habitat " venant à ses droits, représentés par la SELARL ALCALEX, avocats, demandent à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 16 février 2015 ;

2°) de condamner solidairement la communauté d'agglomération Chambéry Métropole et les sociétés Ginger CEBTP Démolition, Franki Fondation et Arnaud Démolition à lui verser la somme de 186 919,69 euros HT, soit 224 303,62 euros TTC en remboursement des frais exposés à la suite des dommages causés à une conduite d'eaux usées, outre les intérêts au taux légal depuis le 15 septembre 2011 date de la requête introductive d'instance ;

3°) de mettre à leur charge les frais et honoraires d'expertise liquidés à la somme de 12 630,19 euros ;

4°) de mettre également à leur charge la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Chambéry Alpes Habitat soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a retenu que la réception des travaux pouvait être étendue à l'ensemble des constructeurs ; le procès-verbal de réception du 10 juin 2008 et celui de levée des réserves du 7 août 2008 n'ont pu mettre fin qu'à la relation contractuelle avec la société Arnaud Démolition ;

- les frais dont le remboursement est demandé ont été engagés de février à mars 2008, les désordres ne pouvaient faire l'objet de réserves en juin 2008 puisqu'ils avaient été réparés ;

- les discussions amiables ayant toujours porté sur les responsabilités de chaque intervenant, les parties ont renoncé à se prévaloir des conséquences liées à la régularisation du procès-verbal de réception ;

- il appartenait à Ginger CEBTP Démolition, en sa qualité de professionnel et eu égard à son obligation de conseil, d'émettre toute réserve utile quant au sinistre et aux sommes engagées par le maître d'ouvrage ; sa responsabilité contractuelle doit s'appliquer aussi bien en ce qui concerne les dommages causés à l'ouvrage que ceux causés aux tiers ;

- la demande tendant à ce que la société Ginger CEBTP Démolition soit condamnée à réparer son préjudice sur le fondement de la signature fautive du procès-verbal de réception sans émettre la moindre réserve en rapport avec le présent litige ne peut être considérée comme nouvelle en appel ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a écarté la responsabilité du maître d'oeuvre en raison de la réception sans réserve des travaux ; il appartenait à la société Ginger CEBTP Démolition, au titre de sa mission complète et générale, de faire toutes diligences pour identifier précisément les réseaux et les protéger ; en tant que rédacteur du CCTP, le maître d'oeuvre ne pouvait ignorer que le maître d'ouvrage n'avait pas les compétences techniques pour superviser les travaux et aurait dû en prévoir l'exécution par une entreprise spécialisée ;

- les sociétés Arnaud Démolition et Franki Fondation ont également commis une faute en ne s'informant pas sur le réseau d'assainissement endommagé et en ne le vérifiant pas, en méconnaissance notamment du CCTP ;

- c'est à tort également que le tribunal administratif a jugé que la responsabilité sans faute de Chambéry Métropole ne pouvait être recherchée, alors que cette dernière était bien gardienne et gestionnaire des réseaux de collecte des eaux ; au surplus, elle était seule détentrice des plans et documents permettant de les identifier ;

- subsidiairement, il conviendrait de retenir la responsabilité de Chambéry Métropole en raison des fautes retenues dans le rapport d'expertise ; ces fautes avaient déjà été invoquées en première instance ;

- s'agissant de la demande reconventionnelle de la société Arnaud Démolition portant sur des travaux supplémentaires liés notamment au sinistre, cette demande est irrecevable, infondée et injustifiée ; aucun avenant n'a jamais été régularisé ; la société Arnaud Démolition n'a pas notifié dans les temps son mémoire en réclamation ; la société Arnaud Démolition avait renoncé à solliciter le règlement de travaux supplémentaires ;

- les parties n'ont nullement discuté, dans le cadre des opérations d'expertise, le bien-fondé et le montant des dépenses engagées pour remédier aux désordres ; elles ne sont plus recevables désormais ni fondées à discuter cette somme en réparation de son préjudice.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 septembre 2015, la société Arnaud Démolition, représentée par la SELARL Beal, A..., Sounega et associés, avocats, demande à la cour :

1°) de rejeter toutes les demandes de condamnation formulées à son encontre par Chambéry Alpes Habitat s'agissant de l'incident de perforation de la conduite d'eaux usées et de confirmer sur ce point le jugement attaqué ;

2°) de condamner Chambéry Alpes Habitat à lui verser la somme de 230 818 euros HT soit 276 058,33 euros TTC et d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a limité à 23 638,94 euros la condamnation de Chambéry Alpes Habitat ;

3°) à titre subsidiaire, en cas de condamnation au titre de l'incident de perforation de la conduite d'eaux usées, d'opérer une compensation entre les sommes dues de part et d'autre par chacune des parties ;

4°) de rejeter toutes les demandes formulées à son encontre sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de rejeter la demande de Chambéry Alpes Habitat au titre de la prise en charge des frais d'expertise ;

6°) de mettre à la charge de Chambéry Alpes Habitat la somme de 8 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Arnaud Démolition fait valoir que :

- les prétentions de Chambéry Alpes Habitat ne peuvent qu'être rejetées en application du principe d'intangibilité et d'unicité du décompte ; Chambéry Alpes Habitat a renoncé à toute prétention au titre du règlement financier du marché de démolition en ne prévoyant aucun poste d'indemnisation à son profit pour l'incident de perforation de la canalisation ; l'absence de mention des conséquences financières de cet incident dans le décompte qui lui a été notifié est dans la droite ligne de l'absence totale de formalisation de réserves sur ce point dans le cadre des opérations de réception ;

- aucune condamnation ne peut être prononcée à son encontre puisqu'elle n'a contribué ni à la survenance du dommage ni à ses conséquences ; les entreprises chargées de la démolition ne pouvaient pas supposer l'existence d'une autre canalisation que celle trouvée par la société Franki lors du creusement avant forage ; la théorie des sujétions imprévues doit donc s'appliquer, sa responsabilité doit être écartée, et elle a droit en revanche à réparation de l'entier préjudice subi, d'autant que Chambéry Alpes Habitat a commis une faute dans l'exercice des missions qui lui incombaient ; c'est en vain que Chambéry Alpes Habitat se fonde sur le contenu du mémoire technique qui n'est pas une pièce contractuelle et le CCTP pour soutenir qu'elle aurait manqué à ses obligations s'agissant de l'identification de la canalisation perforée ; la responsabilité du maître d'oeuvre, chargé de la rédaction du DCE, doit être également prise en compte ;

- ses demandes reconventionnelles sont recevables, elle a retourné l'ordre de service (OS) n° 3 daté du 2 mars 2009 portant notification du décompte général accompagné du mémoire en réclamation à la société Ginger CEBTP Démolition le 10 avril 2009, dans le délai imparti par le CCAG Travaux ; le maître d'ouvrage ne lui ayant pas notifié de décision expresse sur la réclamation, elle n'était enfermée dans aucun délai pour demander devant le tribunal administratif les sommes correspondant à sa réclamation ; aucune dérogation spécifique n'était prévue par le CCAP s'agissant de la procédure de contestation du décompte ;

- ses demandes reconventionnelles sont fondées, qu'il s'agisse du surcoût généré par le non-détournement des fluides et l'absence d'autorisation d'occupation du domaine public, des surcoûts générés par l'OS n° 2 suspendant le délai d'exécution pour une durée de trois semaines, par le gardiennage de l'installation de chantier pendant le sinistre, par la mobilisation excessive de matériel, du surcoût des frais de décharge et de transport, enfin du paiement des travaux de terrassement, de mise en place de gabions et de la moins-value pour suppression de matériaux.

Par un mémoire enregistré le 30 septembre 2015, Chambéry Métropole, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) à titre principal, de déclarer irrecevable la demande de Chambéry Alpes Habitat fondée sur sa responsabilité pour faute, de confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions et de mettre à la charge de Chambéry Alpes Habitat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) subsidiairement, de constater qu'aucun manquement ne peut lui être imputé, de rejeter toutes les demandes présentées à son encontre, de laisser les frais et honoraires d'expertise à la charge de Chambéry Alpes Habitat et de mettre à sa charge la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) à " titre infiniment subsidiaire ", de limiter à 75 121,54 euros la somme susceptible d'être allouée à Chambéry Alpes Habitat dont la responsabilité devra être retenue au moins à hauteur de 22 % des conséquences dommageables du sinistre ; de condamner solidairement les sociétés Ginger CEBTP Démolition, Arnaud Démolition, et Franki Fondation à la garantir des condamnations prononcées à son encontre, à payer les frais et honoraires d'expertise et à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Chambéry Métropole fait valoir que :

- contrairement à ce que soutient Chambéry Alpes Habitat, la demande présentée dans le mémoire du 14 octobre 2014 était uniquement fondée sur sa responsabilité sans faute ; dans sa requête Chambéry Alpes Habitat ne précisait pas le fondement juridique de ses demandes ; ce n'est qu'en cause d'appel que Chambéry Alpes Habitat tente d'engager sa responsabilité pour faute et ces conclusions sont donc irrecevables ;

- sa responsabilité sur le fondement des dommages de travaux publics ne pourra qu'être écartée ; elle n'a pas la qualité de maître d'ouvrage, mais uniquement celle de concessionnaire du réseau d'assainissement ; les dommages ne sont pas imputables à ces réseaux mais aux travaux réalisés par Chambéry Alpes Habitat ;

- à titre subsidiaire, elle n'a commis aucune faute, quoi qu'en conclue le rapport d'expertise ; elle a réalisé une campagne de reconnaissance et produit un rapport d'inspection télévisé des réseaux d'assainissement qui a été adressé à Chambéry Alpes Habitat ; ce rapport identifiait bien la canalisation litigieuse ; il n'y a pas eu d'autre demande d'investigation et ses directives quant à la nécessité d'une nouvelle réunion technique n'ont jamais été respectées ;

- à titre infiniment subsidiaire, certaines sommes auraient dû en tout état de cause être supportées par Chambéry Alpes Habitat (bouchage des canalisations et coût d'intervention d'un robot) ; et les sociétés Ginger CEBTP Démolition, Arnaud Démolition et Franki Fondation ont manqué à leurs obligations.

Par des mémoires enregistrés le 1er octobre 2015 et le 19 avril 2017, la société Ginger CEBTP Démolition, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête de Chambéry Alpes Habitat ;

2°) à titre subsidiaire, si sa responsabilité était retenue, de retenir le partage de responsabilité préconisé par l'expert et de condamner Chambéry Métropole à la garantir à hauteur de 44 %, Franki Fondation à hauteur de 11 % et Arnaud Démolition à hauteur de 10 % ; d'imputer au maître d'ouvrage, Chambéry Alpes Habitat, une faute venant atténuer sa responsabilité à hauteur de 70 % des conséquences dommageables de la faute qu'elle aurait elle-même commise ;

3°) en toute hypothèse, de mettre à la charge de Chambéry Alpes Habitat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Ginger CEBTP Démolition fait valoir que :

- la demande de Chambéry Alpes Habitat à son encontre, fondée sur un manquement à son devoir de conseil lors de l'assistance aux opérations de réception, est nouvelle et de ce fait irrecevable ;

- les opérations de réception ont mis un terme à ses relations contractuelles avec le maître d'ouvrage et le devoir de conseil du maître d'oeuvre ne s'étend pas aux désordres causés à des tiers par l'exécution du marché ;

- aucun manquement ne peut lui être reproché en phase d'exécution des travaux ; Chambéry Alpes Habitat a pris en charge la neutralisation des réseaux hors intervention du maître d'oeuvre et des entreprises de démolition ; elle n'avait pas à intervenir en tant que maître d'oeuvre sur des travaux qui étaient sortis de son marché par une décision de Chambéry Alpes Habitat qui a omis de se rapprocher de Chambéry Métropole pour faire réaliser les travaux décidés en réunion ;

- si sa responsabilité était retenue, devraient être également retenus une faute imputable au maître d'ouvrage et un partage de responsabilité avec les autres intervenants ; le quantum sollicité par Chambéry Alpes Habitat ne correspond pas aux dépenses réellement induites par le seul sinistre.

Par des mémoires enregistrés le 2 octobre et le 12 novembre 2015, la société Franki Fondation, représentée par la SCP Aze Bozzi et associés, avocats, demande à la cour :

1°) de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de Chambéry Alpes Habitat à son encontre ;

2°) à titre subsidiaire, si sa responsabilité était retenue, de condamner solidairement les sociétés Ginger CEBTP Démolition et Arnaud Démolition ainsi que Chambéry Métropole à la garantir intégralement des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ou, à tout le moins, dans les proportions retenues par l'expert judiciaire, Chambéry Métropole à hauteur de 44 %, Ginger CEBTP Démolition à concurrence de 15 % et la société Arnaud Démolition à concurrence de 10 % et laisser en toute hypothèse à la charge de Chambéry Alpes Habitat 20 % des sommes dont il sollicite le remboursement ;

3°) en toute hypothèse, de rejeter l'appel en garantie des sociétés Ginger CEBTP Démolition et Arnaud Démolition ainsi que de Chambéry Métropole dirigé à son encontre ;

4°) de mettre à la charge de toute partie succombante la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) de condamner toute partie succombante aux entiers dépens.

La société Franki Fondation fait valoir que :

- la réception sans réserve de l'ouvrage a mis fin aux relations contractuelles avec Chambéry Alpes Habitat qui n'est plus recevable à agir à son encontre ; elle faisait partie d'un groupement avec la société Arnaud Démolition dont cette dernière était mandataire ; seule cette société avait le pouvoir de régulariser la réception des travaux, ce qu'elle a fait ;

- si, par impossible, la cour déclarait l'action en responsabilité contractuelle de Chambéry Alpes Habitat recevable, il y aurait lieu de faire droit à l'appel en garantie qu'elle forme à l'encontre des autres sociétés dont la responsabilité a été retenue par l'expert judiciaire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés publics de travaux passés par les collectivités locales et leurs établissements publics ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gondouin,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant Cristal Habitat, de MeA..., représentant la société Arnaud Démolition et de Me D... représentant Chambéry Métropole ;

1. Considérant que, dans le cadre de la rénovation urbaine de Chambéry-le-Haut, l'OPAC de Chambéry, devenu Chambéry Alpes Habitat, a décidé de faire démolir partiellement l'immeuble " l'Arc en Ciel " et d'édifier sur ce site un nouveau bâtiment ; que la société Ginger CEBTP Démolition est intervenue comme maître d'oeuvre ; que le marché de démolition a été confié à un groupement solidaire composé des sociétés Franki Fondation et Arnaud Démolition, mandataire du groupement ; qu'au cours de l'exécution des travaux de mise en place des pieux, en février 2008, la société Franki Fondation a perforé une canalisation de raccordement des eaux usées du bâtiment sur le réseau public géré par la communauté d'agglomération Chambéry Métropole ; que le collecteur public d'eaux usées ayant été obstrué par le béton, les eaux usées se sont déversées dans le réseau eaux pluviales et l'ont pollué ; que les travaux nécessaires pour remédier aux désordres ont été pris en charge par Chambéry Alpes Habitat à hauteur de 186 818,69 euros HT ; qu'après avoir obtenu du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble l'organisation d'une expertise, Chambéry Alpes Habitat a demandé au tribunal administratif de condamner solidairement Chambéry Métropole ainsi que les sociétés Ginger CEBTP Démolition, Franki Fondation et Arnaud Démolition à lui verser la somme de 186 919,69 euros HT en remboursement des frais exposés et de mettre définitivement à leur charge les frais et honoraires d'expertise ; que la société Arnaud Démolition a présenté des conclusions reconventionnelles ; que Chambéry Alpes Habitat, aux droits duquel vient désormais la société d'économie mixte locale " Cristal Habitat " relève appel du jugement du 28 octobre 2015 qui a rejeté sa demande et l'a condamné à verser à la société Arnaud Démolition la somme de 23 638,94 euros outre intérêts et capitalisation de ceux-ci ; que cette société présente pour sa part un appel incident ;

Sur l'appel principal :

S'agissant des conclusions présentées contre les sociétés Arnaud Démolition, Franki Fondation et Ginger CEBTP Démolition :

2. Considérant que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve et qu'elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage ; que si elle interdit, par conséquent, au maître de l'ouvrage d'invoquer, après qu'elle a été prononcée, et sous réserve de la garantie de parfait achèvement, des désordres apparents causés à l'ouvrage ou des désordres causés aux tiers, dont il est alors réputé avoir renoncé à demander la réparation, elle ne met fin aux obligations contractuelles des constructeurs que dans cette seule mesure ; qu'ainsi la réception demeure, par elle-même, sans effet sur les droits et obligations financiers nés de l'exécution du marché, à raison notamment de retards ou de travaux supplémentaires, dont la détermination intervient définitivement lors de l'établissement du solde du décompte définitif ; que seule l'intervention du décompte général et définitif du marché a pour conséquence d'interdire au maître de l'ouvrage toute réclamation à cet égard ;

En ce qui concerne les conclusions présentées contre les sociétés Arnaud Démolition et Franki Fondation :

3. Considérant que, d'une part, comme l'ont relevé les premiers juges, Chambéry Alpes Habitat a prononcé, en juin 2008, la réception des travaux exécutés par les sociétés Arnaud Démolition et Franki Fondation qui ont donné lieu aux dommages en litige ; que les réserves alors émises, sans rapport avec ces dommages, ont été levées en août 2008 ; que Chambéry Alpes Habitat, désormais Cristal Habitat, ne peut utilement invoquer la circonstance que la responsabilité civile de la société Franki Fondation aurait été admise lors d'une réunion de mai 2008 ; que Cristal Habitat ne peut pas davantage soutenir que le procès-verbal de réception du 10 juin 2008 et celui de levée des réserves du 7 août 2008 n'ont pu mettre fin qu'à la relation contractuelle avec la société Arnaud Démolition et non avec la société Franki Fondation à l'origine du litige dès lors que ces deux sociétés faisaient partie d'un groupement solidaire dont Arnaud Démolition était le mandataire ;

4. Considérant que, d'autre part, la société Arnaud Démolition soutient, sans être contredite, que le décompte général qui lui a été notifié le 4 mars 2009 ne prévoyait aucun poste d'indemnisation pour l'incident de perforation de la canalisation ; qu'après la transmission au titulaire du marché du décompte général qu'il a établi et signé, le maître d'ouvrage ne peut réclamer à celui-ci, au titre de leurs relations contractuelles, des sommes dont il n'a pas fait état dans le décompte, nonobstant l'engagement antérieur d'une procédure juridictionnelle ou l'existence d'une contestation par le titulaire d'une partie des sommes inscrites au décompte général ; que, dès lors, en notifiant le décompte général à Arnaud Démolition, Chambéry Alpes Habitat doit être regardé comme ayant renoncé à demander réparation des frais qu'il a exposés lors de la survenance du sinistre en février 2008 ;

En ce qui concerne les conclusions présentées contre la société Ginger CEBTP Démolition :

5. Considérant que Chambéry Alpes Habitat recherche, d'une part, la responsabilité du maître d'oeuvre lors des opérations de réception en juin 2008 et soutient que la société Ginger CEBTP Démolition a commis une faute en s'abstenant d'appeler son attention sur les désordres affectant l'ouvrage ; qu'il résulte de l'instruction que Chambéry Alpes Habitat connaissait l'étendue des désordres dès le mois de février 2008 et a été amené non seulement à participer à de nombreuses réunions mais également à faire procéder aux travaux de réparation et en conséquence à régler les entreprises avant les opérations de réception ; qu'il a fait preuve, en tout état de cause, d'une imprudence grave en prononçant la réception des ouvrages en juin puis en août 2008 mais aussi en notifiant le décompte général à la société Arnaud Démolition, mandataire du groupement, sans prévoir de poste d'indemnisation pour les conséquences de la perforation de la canalisation ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la société Ginger CEBTP Démolition, les conclusions de Cristal Habitat fondées sur la faute du maître d'oeuvre lors des opérations de réception ne peuvent qu'être rejetées ;

6. Considérant que Chambéry Alpes Habitat recherche, d'autre part, la responsabilité du maître d'oeuvre pour des manquements à ses obligations contractuelles lors de la réalisation des travaux ; qu'il résulte du document intitulé " Mission de maîtrise d'oeuvre et d'ingénierie - Proposition technique et financière " à laquelle se réfère Chambéry Alpes Habitat que, notamment, CEBTP Démolition " recherchera et analysera avec le maître d'ouvrage les contraintes d'environnement de l'opération dans l'espace (en particulier, mitoyens, réseaux existants...) " et que cette phase devait comporter " une enquête auprès des concessionnaires de réseaux pour définir les travaux de dévoiement ou coupures " ; qu'il résulte également de l'article 1.4. du CCTP applicable à la démolition partielle de l'immeuble " L'Arc en ciel " que " l'entrepreneur est tenu d'obtenir, auprès des organismes concernés, administrations, services publics compétents, concessionnaires de réseaux tous les renseignements, autorisations et servitudes nécessaires à l'installation du chantier, à la réalisation de ses travaux en fonctions de la technique proposée dans son offre, de ses conséquences et implications, des protections nécessaires et se renseigner sur les conditions particulières qui pourraient lui être imposées pour l'exécution de ces travaux de démolition " ; qu'au surplus, il ressort notamment du compte-rendu de la réunion du 27 janvier 2006, produit par la société Ginger CEBTP Démolition, où étaient présents, outre le maître de l'ouvrage et le maître d'oeuvre, tous les représentants des concessionnaires, dont celui de Chambéry Métropole, que l'OPAC traitait les problèmes de réseaux directement avec les concessionnaires ; que Chambéry Alpes Habitat n'établit pas, par les pièces qu'il produit, que le maître d'oeuvre a commis une faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles ; que, dès lors, ses conclusions indemnitaires dirigées contre la société Ginger CEBTP Démolition fondées sur les manquements de celle-ci lors de la réalisation des travaux doivent être également rejetées ;

S'agissant des conclusions présentées contre Chambéry Métropole :

7. Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce que soutient Cristal Habitat, Chambéry Alpes Habitat n'avait pas recherché la responsabilité de la communauté d'agglomération Chambéry Métropole sur le fondement de la faute ; que les conclusions de Cristal Habitat présentées sur ce fondement sont irrecevables pour être nouvelles en appel et doivent, comme le demande Chambéry Métropole, être rejetées ;

8. Considérant, en second lieu, que Chambéry Alpes Habitat soutient que le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement ; que, toutefois, les dommages litigieux ne sont pas en l'espèce imputables à la seule existence des réseaux de la communauté d'agglomération Chambéry Métropole mais à l'exécution des travaux réalisés sous la maîtrise d'ouvrage de Chambéry Alpes Habitat par les entreprises titulaires du marché ; que Chambéry Alpes Habitat n'est pas fondé à rechercher la responsabilité sans faute de Chambéry Métropole en sa qualité de gardienne des réseaux de collecte des eaux ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Cristal Habitat, qui vient aux droits de Chambéry Alpes Habitat, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande dirigée contre les sociétés Arnaud Démolition, Franki Fondation et Ginger CEBTP Démolition et contre Chambéry Métropole ;

Sur l'appel incident présenté par la société Arnaud Démolition :

10. Considérant que les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en oeuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics ;

11. Considérant, en premier lieu, que les dépenses exposées en raison des sujétions imprévues ne peuvent, en outre, ouvrir droit à indemnité que si ces sujétions présentent un caractère exceptionnel, imprévisible et dont la cause est extérieure aux parties ; que, comme l'ont relevé les premiers juges, ne peuvent être regardées comme des circonstances extérieures aux parties, ni la transmission tardive par Chambéry Alpes Habitat des certificats de coupure des fluides et de l'autorisation d'occupation du domaine public délivrée par la ville, ni l'émission de l'ordre de service n° 2 du 26 février 2008 décidant de la suspension du délai d'exécution des travaux pendant trois semaines ; que ne peut pas davantage relever des sujétions imprévues le sinistre causé par l'entreprise Franki Fondation ; que, par suite, les demandes de la société Arnaud Démolition présentées sur le fondement des sujétions imprévues et tendant au remboursement par Chambéry Alpes Habitat des frais supportés à la suite de l'interruption des travaux et liés à l'installation et au gardiennage du chantier, à l'immobilisation d'une pelle mécanique et au surcoût subi pour la mise en décharge de matériaux doivent être rejetées ;

12. Considérant, en deuxième lieu, que la société Arnaud Démolition soutient qu'en transmettant tardivement les certificats de coupure des fluides ainsi que l'autorisation d'occupation du domaine public délivrée par la ville, Chambéry Alpes Habitat a commis des manquements à l'origine de certains de ses dommages ; qu'il en irait ainsi pour les frais de gardiennage et d'installation du chantier qu'elle a dû supporter à la suite de l'interruption des travaux du 18 décembre 2007 au 19 février 2008 ainsi que des frais de location pour la pelle mécanique ; que, toutefois, il ressort de la lettre du 26 février 2008 qu'elle a adressée à Ginger CEBTP Démolition que le retard qu'elle déplore est dû, non à une faute de Chambéry Alpes Habitat résultant de la transmission tardive de certains documents, mais aux conséquences des travaux de réparation du sinistre à l'origine du litige ;

13. Considérant, en troisième lieu, que l'ordre de service n° 2 du 26 février 2008 a prononcé la suspension du délai d'exécution des travaux pour une période de trois semaines, sans procéder à un ajournement selon les stipulations de l'article 48.1 du CCAG alors applicable ; que la société Arnaud Démolition n'est, dès lors, pas fondée à se prévaloir des stipulations précitées, qu'elle se borne à évoquer, pour demander la condamnation de Chambéry Alpes Habitat au remboursement des frais d'installation et de gardiennage du chantier qu'elle a exposés au cours de la période allant du 27 février au 19 mars 2008 ;

14. Considérant, en dernier lieu, que la société Arnaud Démolition demande le paiement des travaux supplémentaires de terrassement et de mise en place de gabions qu'elle a réalisés ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces prestations qui n'étaient pas comprises dans le marché initial ont été effectuées à la demande de Chambéry Alpes Habitat ; qu'en outre la société Arnaud Démolition ne peut prétendre qu'au paiement des seuls travaux indispensables à l'exécution du marché dès lors que son marché avait été conclu à un prix global forfaitaire ; qu'elle n'établit pas que les travaux de terrassement et de mise en place de ces gabions étaient indispensables à l'exécution de son marché ; que sa demande de paiement des travaux supplémentaires ainsi que sa demande de prise en compte de la moins-value pour la suppression de matériaux ne peuvent qu'être rejetées ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par Chambéry Alpes Habitat, que la société Arnaud Démolition n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions reconventionnelles tendant à ce que soit réintégrée à son profit, dans le solde du marché, la somme de 276 058,33 euros TTC ;

Sur les frais liés au litige :

16. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter l'ensemble des conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Cristal Habitat venant aux droits de Chambéry Alpes Habitat est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Arnaud Démolition sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Cristal Habitat, la société Arnaud Démolition, la société Franki Fondation, la société Ginger CEBTP Démolition, la communauté d'agglomération Chambéry Métropole.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2018 où siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Gondouin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 juin 2018.

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N° 15LY01323


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