Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. et MmeA... D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 14 mai 2014 par lequel le maire de la commune de Chignin a délivré un permis de construire à l'EARL La Savoyarde en vue de la réalisation de travaux sur les bâtiments de son exploitation viticole au lieu-dit Tormery.
Par un jugement n° 1404238 du 18 octobre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 16 décembre 2016 et 10 novembre 2017, M. et Mme D..., représentés par la SCP d'avocats Cabinet Denarié-Buttin-Bern et associés, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18 octobre 2016 ;
2°) d'annuler le permis de construire du 14 mai 2014 ;
3°) de mettre une somme de 3 500 euros à la charge de la commune de Chignin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils justifient d'un intérêt pour agir en tant que voisins immédiats du projet, qui induit une augmentation des nuisances qu'ils subissent ;
- leur requête, introduite dans le délai de recours et régulièrement notifiée, est recevable ;
- le dossier de demande de permis de construire est incomplet au regard des articles R. 431-5 et suivants du code de l'urbanisme et n'est pas cohérent en ce qui concerne les surfaces déclarées ;
- le permis critiqué méconnaît la destination de la zone ainsi que l'article UA2 du règlement du plan local d'urbanisme qui interdit les installations classées pour la protection de l'environnement ainsi que les constructions à usage agricole créant des nuisances ;
- le projet méconnaît les articles UA3, UA4, UA7, UA11 et UA12 du règlement du plan local d'urbanisme ;
- les conclusions formées au titre de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme ne sont pas fondées dès lors qu'ils ont un intérêt légitime à contester le permis de construire en litige, et que l'EARL La Savoyarde ne démontre pas avoir subi un préjudice excessif à raison de leur action, la réalité des préjudices et le lien de causalité allégués n'étant pas établis.
Par des mémoires en défense enregistrés les 29 juin et 29 novembre 2017, l'EARL La Savoyarde, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable, faute pour les requérants de justifier d'un intérêt pour agir ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- l'article UA2 du règlement du plan local d'urbanisme ne peut en tout état de cause lui être opposé dès lors qu'il interdit illégalement de manière générale les installations classées.
Par un mémoire distinct enregistré le 29 juin 2017, l'EARL La Savoyarde, représentée par Me F..., demande à la cour de condamner les requérants à lui verser la somme de 215 916,92 euros de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme, et qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le préjudice que lui a causé le recours présenté par M. et Mme D... est constitué de la perte d'une subvention de 174 940 euros, du paiement d'une amende de 17 494 euros, de frais de caution à hauteur de 32 euros de frais de dossier et d'un montant trimestriel de 313,72 euros, d'un préjudice moral qui devra être évalué à 5 000 euros, du préjudice subi par ses salariés qui peut être évalué à 10 000 euros et de l'absence de valorisation des vins qui peut être évaluée à 5 000 euros ;
- le recours excède la défense des intérêts légitimes de M. et Mme D..., compte tenu de leur absence d'intérêt à agir, de l'absence de moyen sérieux et du caractère dilatoire de leur demande.
Par des mémoires enregistrés les 10 novembre et 5 décembre 2017, la commune de Chignin, représentée par la Selarl CDMF-Avocats Affaires Publiques, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable, faute pour les requérants de justifier d'un intérêt pour agir ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 11 mai 2018 par une ordonnance du 27 avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le décret n° 2012-1304 du 26 novembre 2012 modifiant la nomenclature des installations classées ;
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public ;
- les observations de Me B... pour M. et Mme D..., celles de Me C... pour la commune de Chignin ainsi que celles de Me E... pour l'Earl La Savoyarde.
Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré présentée pour l'EARL La Savoyarde, enregistrée le 24 mai 2018 ;
1. Considérant que par un arrêté du 14 mai 2014, le maire de la commune de Chignin a délivré un permis de construire à l'EARL La Savoyarde pour la rénovation et l'extension des installations de son exploitation viticole situées, au lieu-dit Tormery, en zone UA du plan local d'urbanisme (PLU) ; que M. et Mme D... relèvent appel du jugement du 18 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la légalité du permis de construire du 14 mai 2014 :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du règlement de la zone UA du PLU de Chignin : " La zone UA correspond aux secteurs d'habitat ancien aggloméré et d'activités viticoles sous forme de hameaux ou villages et à leur environnement immédiat. / Elle est réservée à l'habitation, aux activités viticoles et aux activités compatibles avec la destination de la zone (...) " ; que l'article UA2 du règlement de ce PLU range les constructions à usage agricole "nuisant" ainsi que les installations classées pour la protection de l'environnement parmi les occupations et utilisations du sol interdites en zone UA ; qu'aux termes de l'article 4 des dispositions générales de ce même règlement : " lorsqu'un immeuble bâti existant n'est pas conforme aux règles édictées par le règlement applicable à la zone, le permis de construire ne peut être accordé que pour des travaux qui ont pour objet d'améliorer la conformité de ces immeubles avec lesdites règles ou qui sont sans effet à leur égard " ;
3. Considérant que les travaux autorisés par le permis de construire en litige, emportant la création d'une surface de plancher de 258 m², consistent dans la rénovation et l'extension d'un bâtiment existant et de caves enterrées, ainsi que la fermeture d'un auvent ; que si ces travaux permettent à l'EARL La Savoyarde d'augmenter ses capacités de stockage de vin, il ne ressort pas des pièces du dossier que ceux-ci seraient de nature à entraîner une augmentation des nuisances liées à son exploitation ; que ces travaux ne portent pas sur les espaces affectés aux activités de préparation et de conditionnement du vin qui sont seules visées par la rubrique n° 2251 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement annexée à l'article R. 511-9 du code de l'environnement dont relève l'exploitation de l'EARL La Savoyarde ; que, dans ces conditions, les travaux autorisés par le permis de construire en litige doivent être regardés comme étant sans effet à l'égard des règles de l'article UA2 du règlement du PLU au sens des dispositions générales de l'article 4 de ce même règlement ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cet article UA2 doit être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article UA12 du règlement du PLU, relatif au stationnement des véhicules : " 1. Le stationnement des véhicules correspondant aux besoins des constructions et installations doit être assuré en dehors des voies publiques dans des parkings de surface ou des garages. / 2. La superficie à prendre en compte pour le stationnement d'un véhicule est de 25 m² accès compris. / 3. Pour les constructions neuves et rénovations à usage d'habitation, il est exigé 1 place de stationnement par logement. / 4. Pour les autres constructions, il est exigé : (...) / Pour les locaux à usage artisanal : - 1 place pour 25 m² de SHON / (...) " ;
5. Considérant que, le projet critiqué ne portant pas sur la création de tels locaux, M. et Mme D...ne sauraient utilement se prévaloir de la méconnaissance des exigences de création de places de stationnement relatives aux locaux à usage artisanal ; que si les requérants font valoir que la superficie de chacun des dix emplacements de stationnement prévus par le projet en litige s'établit entre 12 et 15 m², qu'aucun emplacement n'est prévu pour les camions de livraison et que le déchargement des remorques en période de vendanges compromet la disponibilité des emplacements prévus, les circonstances dont il est fait état ne permettent cependant pas d'établir la méconnaissance des dispositions précitées de l'article UA12 du règlement du PLU de Chignin ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article UA3 du règlement du PLU de Chignin : " 3. Les accès doivent être adaptés à l'opération et aménagés de façon à apporter la moindre gêne à la circulation publique. Ils doivent permettre de satisfaire les exigences de la sécurité, de la défense contre l'incendie, et du déneigement " ; que l'exploitation viticole de l'EARL La Savoyarde est desservie par la voie communale n° 201 qui la borde ; que les conditions d'accès de cette exploitation à la voie ne sont pas modifiées par le projet en litige ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la configuration et la largeur de cette voie ne permettraient pas d'assurer une desserte satisfaisante des installations de l'EARL La Savoyarde au regard des exigences de l'article UA3 précité ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les dispositions de cet article ont été méconnues ;
7. Considérant, en quatrième lieu, qu'au soutien de leur requête, M. et Mme D... réitèrent sans les assortir d'éléments nouveaux leurs moyens de première instance tirés du caractère incomplet du dossier de demande de permis de construire au regard des articles R. 431-5 et suivants du code de l'urbanisme, en particulier ses articles R. 431-8 et R. 431-10, de l'inexactitude des renseignements fournis dans ce dossier et de la méconnaissance des articles UA4, UA7 et UA11 du règlement du PLU ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par les premiers juges ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions de l'EARL La Savoyarde présentées sur le fondement de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme :
9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme : " Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire (...) est mis en oeuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel." ;
10. Considérant qu'alors que les requérants sont propriétaires de terrains situés à proximité du siège de l'exploitation de l'EARL La Savoyarde, il ne résulte pas de l'instruction que l'action de M. et Mme D... aurait été mise en oeuvre en vue de nuire à cette société ou dans des conditions excédant la défense de leurs intérêts légitimes ; que, par suite, les conclusions indemnitaires présentées par l'EARL La Savoyarde sur le fondement des dispositions précitées doivent être rejetées ;
Sur les frais liés au litige :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions que M. et Mme D... présentent sur le fondement de celles-ci à l'encontre de la commune de Chignin, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par l'EARL La Savoyarde et par la commune de Chignin ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme D..., les conclusions de l'EARL La Savoyarde, et les conclusions de la commune de Chignin tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... D..., à la commune de Chignin et à l'EARL La Savoyarde.
Délibéré après l'audience du 15 mai 2018 à laquelle siégeaient :
M. Antoine Gille, président,
M. Thierry Besse, premier conseiller,
Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 juin 2018.
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N° 16LY04177
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