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29/05/2018 | FRANCE | N°16LY02804

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 29 mai 2018, 16LY02804


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 20 juillet 2015 par lesquelles le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé, d'enjoindre sous astreinte au préfet, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire, à titre subsidiaire, de réexaminer sa

situation et de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 20 juillet 2015 par lesquelles le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé, d'enjoindre sous astreinte au préfet, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 1507460 du 25 mai 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 4 août 2016, M. A... B..., représenté par Me Shibaba, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1507460 du 25 mai 2016 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 20 juillet 2015 par lesquelles le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

s'agissant du refus de titre de séjour,

- il est illégal du fait du contrat de travail qu'il a signé avec la société Iss Propreté ;

- il méconnaît le 4° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît l'article 2.3.4. de l'accord-cadre du 28 avril 2008 relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie, qui prévoit la délivrance du titre de séjour " travailleur saisonnier " chaque année à 2 500 ressortissants tunisiens ;

- le préfet ne pouvait, en méconnaissance l'article 2.3.3. du protocole de cet accord-cadre du 28 avril 2008 et des articles R. 5221-15 et R. 5221-16 du code du travail, légalement lui opposer l'absence de visa de long séjour ;

- le préfet ne pouvait, en méconnaissance l'article 2.3.3. du protocole de cet accord-cadre du 28 avril 2008 et des articles R. 5221-15 et R. 5221-16 du code du travail, légalement être fondée sur la décision de refus d'autorisation de travail prise par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ;

- le refus de titre de séjour contesté est fondé sur un refus illégal d'autorisation de travail ; en effet,

d'une part, ce refus d'autorisation de travail est de la compétence du préfet et non de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ;

d'autre part, il est entaché d'incompétence de son signataire ;

enfin, le préfet s'est estimé à tort lié par l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ;

s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français,

- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 et l'article L. 313-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

s'agissant de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire, elle est entachée de défaut de base légale, dès lors qu'elle est fondée sur l'article L. 533-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui est incompatible avec la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi,

- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle porte atteinte à sa vie privée, dès lors qu'il a tissé des liens sociaux, professionnels et culturels depuis son arrivée en France en 2011.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 janvier 2018, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable en l'absence de moyen d'appel ;

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 juin 2016.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié relatif au séjour et au travail des personnes ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Hervé Drouet, président assesseur a été entendu au cours de l'audience publique ;

Sur le refus de titre de séjour :

1. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance du 4° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, en tout état de cause, être écarté comme dépourvu de précisions suffisantes permettant d'en apprécier la portée ;

2. Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que M. B... ait signé un contrat de travail avec la société Iss Propreté n'est pas en elle-même de nature à imposer à l'autorité préfectorale la délivrance du titre de séjour en qualité de salarié qu'il a sollicité ;

3. Considérant, en troisième lieu, que si l'article 2.3.4. de l'accord-cadre du 28 avril 2008 relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie prévoit la délivrance du titre de séjour " travailleur saisonnier " chaque année à 2 500 ressortissants tunisiens, cette stipulation n'est pas opposable au préfet dans le cadre de l'instruction d'une demande de titre de séjour en qualité de salarié présentée par un ressortissant tunisien ;

4. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié relatif au séjour et au travail des personnes : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention " salarié ".;

5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la délivrance à un ressortissant tunisien d'un titre de séjour en qualité de salarié est subordonné à l'octroi d'une autorisation de travail par l'autorité administrative ; que, par suite, doit être écarté le moyen tiré de ce que la décision en litige refusant à M. B... la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié ne pouvait légalement être fondée sur la décision de refus d'autorisation de travail ;

6. Considérant, en cinquième lieu, que le requérant excipe, à l'encontre du refus de titre de séjour en litige du 20 juillet 2015, de l'illégalité du refus d'autorisation de travail qui lui a été opposé le 29 juin 2015 ;

7. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier de première instance, et notamment des mentions de la décision du 29 juin 2015 rejetant la demande d'autorisation de travail de M. B..., que cette décision a été prise au nom du préfet du Rhône par le secrétaire général de la préfecture du Rhône et non, comme le fait valoir l'appelant, par les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ;

8. Considérant, d'autre part, que, par arrêté du 2 avril 2015 publié au recueil des actes administratifs spécial n° 32 d'avril 2015 de la préfecture du Rhône, le préfet du Rhône a donné à M. Xavier Inglebert, secrétaire général de la préfecture du Rhône et signataire de la décision contestée de refus d'autorisation de travail, délégation à l'effet de signer notamment tous actes, arrêtés, décisions relevant des attributions de l'Etat dans ce département, à l'exception de certains actes parmi lesquels ne figure pas la décision en litige ; que, par suite, le refus d'autorisation de travail opposé à M. B... n'est pas entaché d'incompétence de son signataire ;

9. Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces des dossiers de première instance et d'appel que le préfet, en refusant la délivrance d'une autorisation de travail à M. B..., se serait estimé lié par l'avis du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, comme le soutient le requérant ;

10. Considérant qui résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus d'autorisation de travail qui lui a été opposé le 29 juin 2015 ;

11. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le préfet du Rhône aurait pris la même décision sur la demande de titre de séjour en qualité de salarié présentée par M. B..., s'il s'était fondé seulement sur le motif tiré du refus d'autorisation de travail qui lui a été opposé le 29 juin 2015 ; qu'il suit de là que doit être écarté le moyen tiré de ce que la décision en litige de refus de titre de séjour ne peut légalement être fondée sur l'absence de visa de long séjour ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

12. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 1 à 11 que M. B... n'est pas fondé à exciper, à l'encontre de la décision en litige, de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

13. Considérant, en deuxième lieu, que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles concernent la délivrance de cartes de séjour temporaires, doivent être écartés à l'encontre de la décision en litige portant obligation de quitter le territoire français ;

14. Considérant, en dernier lieu, que le moyen tiré de l'erreur manifestation doit être écarté comme dépourvu de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ;

Sur la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours :

15. Considérant que le moyen tiré du défaut de base légale en ce que l'article L. 533-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile serait incompatible avec la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, doit être écarté, dès lors que la décision en litige n'est pas fondée sur cet article ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

16. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 1 à 14 que M. B... n'est pas fondé à exciper, à l'encontre de la décision en litige, de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;

17. Considérant, d'autre part, que M. B... n'établit pas, comme il le soutient, qu'il aurait tissé des liens sociaux, professionnels et culturels depuis son arrivée en France en 2011 ; que, par suite, doit être écarté le moyen tiré de ce que la décision contestée porterait atteinte à sa vie privée ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet du Rhône à la requête de M. B..., que celui-ci n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et de mise à mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens dans les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Shibaba et au ministre d'Etat ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 7 mai 2018, à laquelle siégeaient :

M. Hervé Drouet, président de la formation de jugement,

M. Marc Clément, premier conseiller,

Mme Nathalie Peuvrel, premier conseiller.

Lu en audience publique le 29 mai 2018.

6

N° 16LY02804

mg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY02804
Date de la décision : 29/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. DROUET
Rapporteur ?: M. Hervé DROUET
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SHIBABA

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-05-29;16ly02804 ?
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