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03/05/2018 | FRANCE | N°17LY03637

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 03 mai 2018, 17LY03637


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... E...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2017 du préfet du Rhône lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par l'article 3 d'un jugement n° 1706783 du 15 septembre 2017, le magistrat désigné du tri

bunal administratif de Lyon, après avoir renvoyé le jugement des conclusions tendant à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... E...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2017 du préfet du Rhône lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par l'article 3 d'un jugement n° 1706783 du 15 septembre 2017, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon, après avoir renvoyé le jugement des conclusions tendant à l'annulation de la décision refusant un titre de séjour à l'intéressé à une formation collégiale, a rejeté le surplus de sa requête.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 11 octobre 2017, M. E..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 3 de ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon du 15 septembre 2017 ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire est entachée d'erreurs de fait ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle a été prise sans examen préalable sérieux de sa situation et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire est insuffisamment, motivée et a été sans examen de sa situation particulière ;

- elle méconnaît le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'absence de risque de fuite et en présence de garanties de représentation suffisantes ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est privée de base légale du fait de illégalité de la mesure d'éloignement ;

- la décision lui interdisant de retourner sur le territoire pendant un an est privée de base légale du fait de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;

- prise par une autorité incompétente et sans examen de l'ensemble des critères légaux, elle méconnaît le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2018, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête en s'en rapportant à ses écritures de première instance.

Par ordonnance du 5 février 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 21 février 2018.

Par une décision du 9 janvier 2018, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. E....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Anne Menasseyre, présidente-assesseure ;

Considérant ce qui suit ;

1. M. E..., né le 18 novembre 1975 et ressortissant de la République Démocratique du Congo, est entré en France, selon ses déclarations, au cours de l'année 2010. Il a formé une demande d'asile qui a été définitivement rejetée en novembre 2011, tout comme la demande de réexamen de sa demande d'asile, définitivement rejetée en mars 2012. Sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade a également été rejetée en février 2012. Le 12 septembre 2017, le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, et lui a interdit de retourner en France pendant une durée d'un an. Le 15 septembre 2017, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a, après avoir renvoyé le jugement de la contestation dirigée par M. E... contre le refus de titre de séjour à une formation collégiale, rejeté le surplus de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 septembre 2017. M. E... relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, ni l'existence d'une demande de titre restée sans réponse illustrée par la production d'un récépissé daté du 21 décembre 2011, ni les termes de la décision attaquée, ni aucune autre pièce du dossier, ne permettent de considérer que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier et complet de la situation personnelle de M. E....

3. En deuxième lieu, il ressort de la lecture de la décision qu'elle indique que M. E... s'est déclaré célibataire et sans enfant, ce qui correspond effectivement à ses déclarations auprès des services de police telles qu'elles résultent des procès-verbaux qui ont été versés aux débats. La décision, qui se borne à reproduire les déclarations de l'intéressé n'est donc entachée d'aucune erreur de fait sur ce point. Par ailleurs, l'arrêté indique que le 651 avenue d'Ecully, où M. E... a déclaré loger, est une adresse inconnue de l'administration. En se bornant à indiquer que le n° 561 de l'avenue d'Ecully existe, l'appelant ne démontre pas que ces mentions seraient factuellement inexactes. En outre, et en toute hypothèse, une éventuelle erreur de fait sur l'adresse indiquée par l'intéressé ne saurait aucunement affecter la légalité de l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire.

4. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

5. Pour démontrer l'intensité des liens qui le rattachent à la France, l'appelant a versé aux débats une attestation d'un agent travaillant à l'accueil de la mairie de Champagne-au-Mont-d'Or, certifiant que Mme F... est venue se renseigner sur la procédure à suivre en vue de la conclusion d'un pacte civil de solidarité, et la déclaration d'une personne assurant les fonctions de gardienne d'immeuble attestant que M. E...y vit avec l'intéressée ainsi que la carte de résident de l'intéressée, ressortissante de la République démocratique de Congo ayant le statut de réfugiée. Il indique entretenir avec elle une relation amoureuse depuis le mois de novembre 2016. M. E... ne produit par ailleurs aucun document justifiant d'une intégration sociale, professionnelle, amicale ou associative alors qu'il indique être en France depuis plus de cinq ans. Dans ce contexte, les documents produits par l'appelant ne permettent pas de considérer que les attaches qui le relient à la France sont telles, alors qu'il est âgé de 47 ans et a vécu durant la majeure partie de son existence dans le pays dont il a la nationalité, que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire aurait porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée au regard de l'objectif poursuivi par cette décision. Par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que la décision a méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le préfet du Rhône a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

6. Aux termes du f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'administration peut refuser d'octroyer à l'étranger auquel elle impose de quitter le territoire un délai de départ volontaire : " Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 ".

7. En premier lieu, la décision par laquelle le préfet du Rhône a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire à l'appelant vise ces dispositions et indique notamment qu'il ne démontre pas être titulaire d'un passeport. Elle comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est suffisamment motivée. Par ailleurs, il ne ressort pas des termes de la décision contestée que le préfet du Rhône n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle du requérant. Les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen particulier de la situation de M. E... doivent, par suite, être écartés.

8. En deuxième lieu, la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, a été entièrement transposée en droit interne par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 codifiée dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, l'intéressé ne saurait se prévaloir des dispositions de cette directive à l'appui de sa contestation de la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire.

9. En troisième lieu, la simple production d'une attestation émanant de la gardienne de l'immeuble où habite M. E... avec Mme F...ne saurait suppléer à l'absence de document de voyage en cours de validité, qui n'est pas contestée par l'appelant. Il en résulte qu'en refusant d'octroyer à l'intéressé un délai de départ volontaire, le préfet du Rhône n'a pas méconnu les dispositions précitées du 3° de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, le préfet du Rhône a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, considérer que les circonstances particulières dont il était fait état devant lui ne justifiaient pas que la présomption de risque de fuite posée par ces dispositions soit, au cas d'espèce, écartée.

10. En quatrième lieu, et pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5 du présent arrêt, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :

11. M. E... n'ayant pas établi que la décision l'obligeant à quitter le territoire serait entachée d'illégalité, il n'est, dès lors, pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de cette décision pour contester la décision fixant le pays de destination.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

12. En premier lieu, la décision attaquée, signée le 12 septembre 2017 par M. D..., en vertu d'une délégation accordée le 31 août 2017 et publiée le 1er septembre 2017 au recueil des actes administratifs de la préfecture, n'est pas entachée d'incompétence.

13. En deuxième lieu, pour les raisons exposées aux points précédents, M. E... n'est pas fondé à soutenir que cette décision serait privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

14. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) " .

15. Il résulte de ces dispositions que lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ volontaire, il doit assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1 précité. Au cas d'espèce, M. E... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français qui n'était assortie d'aucun délai de départ volontaire. Il n'a justifié d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français. C'est, par suite, à bon droit que le préfet du Rhône, a décidé de prendre à l'encontre de l'intéressé une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français. Contrairement à ce que soutien l'appelant, le préfet n'était pas tenu, pour ce qui concerne le principe de cette interdiction, de faire porter son examen sur les quatre critères énumérés par les dispositions précitées.

16. S'agissant de la durée de cette interdiction, la décision fait référence à la durée de présence de M. E...sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France. Le préfet n'était pas tenu de préciser expressément qu'il ne retenait pas l'existence d'une menace à l'ordre public ou d'une précédente mesure d'éloignement au nombre des motifs de sa décision dès lors qu'il a bien pris en compte ces critères, ainsi que cela résulte de la durée de la mesure, qui représente le tiers de la durée maximale prévue par les dispositions précitées. Dans les circonstances de l'espèce, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation ni méconnu les dispositions précitées en fixant à un an la durée de cette interdiction.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction.

D É C I D E :

Article 1er : La requête M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 10 avril 2018, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, présidente assesseure,

Mme B..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 3 mai 2018.

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N° 17LY03637

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY03637
Date de la décision : 03/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 15/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-05-03;17ly03637 ?
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