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03/05/2018 | FRANCE | N°16LY04368

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 03 mai 2018, 16LY04368


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C...E...a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 et 2009, ainsi que des pénalités y afférentes et, subsidiairement, de le décharger à hauteur de 3 933 euros au titre de l'année 2008 et 1 850 euros au titre de l'année 2009.

Par un jugement n° 1405300 du 28 novembre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant

la cour

Par une requête enregistrée le 16 décembre 2016, M. E..., représenté par Me D..., ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C...E...a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2008 et 2009, ainsi que des pénalités y afférentes et, subsidiairement, de le décharger à hauteur de 3 933 euros au titre de l'année 2008 et 1 850 euros au titre de l'année 2009.

Par un jugement n° 1405300 du 28 novembre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 16 décembre 2016, M. E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 novembre 2016 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités y afférentes, subsidiairement, de le décharger à hauteur de 3 933 euros au titre de l'année 2008 et 1 850 euros au titre de l'année 2009 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. E... soutient que :

- l'avis d'imposition du 13 décembre 2012 portant sur ses revenus de l'année 2008 est entaché de nullité du fait de l'extinction du droit de reprise ;

- l'opération économique réalisée par la société Tantra a été un désastre et n'a généré aucun profit ;

- l'administration a fait état de documents obtenus auprès de tiers qu'elle n'a pas annexés à la proposition de rectification ni communiqué, notamment les chèques relatifs au fournisseur Abou Peinture et la déclaration de la société Tip Top ;

- la comptabilité n'a pas été rejetée de façon claire par l'administration ;

- la société Tantra a procédé à des paiements pour le compte de la société Fleur de Lys en raison d'une absolue nécessité ;

- si certaines factures n'ont pu être produites, il existe une présomption d'existence de ces documents dans la mesure où le notaire a dû fournir un relevé de compte et il existe des charges nécessairement engagées sur un tel chantier ;

- s'agissant de construction vente, la question de charges afférentes à un autre exercice est sans objet ;

- les prestations de plomberies étaient nécessaires, et donc réelles, sur les sept appartements constituant le chantier ;

- l'engagement de caution souscrit par la banque Laydernier démontre que le montant du marché le 24 octobre 2007 était d'un montant de 112 497 euros ;

- la société ACR a facturé la mise à disposition de personnel à la société Tantra, laquelle avait nécessairement des besoins administratifs pour la réalisation de son projet ;

- eu égard à la faiblesse du coût de la prestation, le contrat passé par la société ACR avec l'entreprise Dejos ne peut être regardé comme fictif, sans que ne puisse avoir d'incidence le fait que le chantier n'ait pas commencé ;

- le simple fait que l'assujetti soit en possession d'une facture établie à un autre nom ne fait pas, en soit, obstacle au droit à déduction ;

- le chantier Fleur de Lys n'était pas antérieur aux notes de frais déduites en charges ;

- la société ACR s'est acquittée de la TVA qu'elle a facturée et la neutralité qui gouverne cette taxe commande de lui accorder, si la position du service était maintenue, le remboursement de la TVA indument versée ;

- la TVA concernant l'opération a fait l'objet d'une déclaration au mois de février 2009, selon la déclaration effectuée par l'expert-comptable ;

- il n'est pas établi que la société Tantra aurait poursuivi l'exécution de travaux au sein d'appartements acquis par deux de ses associés ;

- s'agissant de l'insuffisance de prix, la société Tantra a communiqué le certificat d'expertise ;

- les pénalités sont contestées, notamment en ce qu'elles concernent les factures Le Bon Tuyau, eu égard à la faiblesse des montants en cause, et le dépôt tardif des déclarations procède d'une simple erreur sur le régime spécifique des sociétés de construction vente, assujetties de plein droit aux bénéfices industriels et commerciaux, et alors que la société a effectué le dépôt des liasses propres à l'impôt sur les sociétés ;

- l'administration ayant prononcé des dégrèvements partiels, ses avis d'imposition doivent être annulés à due proportion.

Par un mémoire en défense, enregistrés le 10 mai 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'économie et des finances soutient que :

- la proposition de rectification afférente aux revenus 2008 ayant été notifiée le 23 août 2011, le droit de reprise de l'administration n'était pas expiré ;

- par courrier du 17 octobre 2011, le vérificateur a communiqué à la société Tantra l'intégralité des documents obtenus suite à l'exercice du droit de communication ;

- la société Tantra n'a pas respecté ses obligations comptables et la vérification de sa comptabilité a révélé des anomalies de facturation, la non-présentation de certaines factures et la comptabilisation de charges afférentes à d'autres exercices ou correspondant à des opérations économiques non justifiées ;

- en l'absence de devis ou de facture, la réalité et le montant des charges déduites n'ont pu être établis et les erreurs ou doubles comptabilisation s'agissant de certaines factures sont un indice supplémentaire de l'absence de caractère effectif des opérations retracées en comptabilité au profit du fournisseur le Bon Tuyau sans aucun justificatif produit ;

- le vérificateur a remis en cause la seule facture du 24 septembre 2007 émise par l'entreprise F...alors que la société Tantra ne pouvait ignorer que le marché avait été repris par la société BVR, créée par M. F...qui avait cessé son activité individuelle ;

- les rectifications relatives aux factures de la société ACR ayant été abandonnées, les arguments de M. E...sur ce point sont sans objet ;

- la comptabilité de la société Tantra n'était donc pas probante ni régulière ;

- les moyens soulevés afférents à la taxe sur la valeur ajoutée collectée et déductible sont inopérants s'agissant de l'imposition de M. E...à l'impôt sur le revenu à hauteur de sa quote-part de résultats de la société Tantra dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ;

- la société Tantra a poursuivi des travaux dans des appartements qu'elle avait vendus à deux de ses associés sans les leur refacturer ensuite et la vente s'est donc effectuée à un prix inférieur à leur valeur vénale réelle, ce qui constitue un acte anormal de gestion justifiant la réintégration de la différence de prix dans les résultats de la société ;

- il n'est pas démontré que les flux financiers entre la société Tantra et la société Fleur de Lys constitueraient des avances de trésorerie et pourraient être comptabilisés comme charges ;

- le compte du fournisseur Abou Peinture a été utilisé par la société Tantra pour comptabiliser des charges fictives, correspondant à des prélèvements financiers effectués par certains associés ;

- les paiements attribués au fournisseur Le Bon Tuyau ont été en réalité libellés au nom de M. E...et la société Tantra n'a pu présenter des factures à hauteur de 30 930,04 euros ;

- s'agissant des pénalités, la société Tantra n'a pas déposé les déclarations de bénéfices industriels et commerciaux malgré une mise en demeure en ce sens ;

- la majoration de 80 % critiquée par M. E...concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée notifiés à la société Tantra et il ne peut donc utilement la critiquer.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B..., première conseillère,

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La société civile Tantra, qui exerce une activité de promotion immobilière, a pour associés à part égales MM.G..., E...et A...qui sont également associés dans les mêmes proportions de la société Fleur de Lys et de la société ACR. La société Tantra a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, donnant lieu à une proposition de rectification du 23 août 2011 rectifiant le résultat de la société au titre des exercices clos en 2008 et 2009 et mettant à sa charge des rappels de taxe sur la valeur. Des rectifications au titre du bénéfice industriel et commercial au titre de l'exercice clos en 2008 et 2009 ont été notifiées à M. E...en sa qualité d'associé de la société Tantra, par proposition de rectification en date du 8 novembre 2011. Ces redressements, confirmés par courrier du 22 décembre 2011, ont été mis en recouvrement pour un montant total de 78 261 euros le 31 décembre 2012. La réclamation présentée par M. E...le 15 février 2013 reprenant l'argumentation développée par la société Tantra a fait l'objet d'une décision d'admission partielle en date du 3 février 2014, l'administration ayant prononcé un dégrèvement total de 5 783 euros. M. E...a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande devant être regardée comme tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2008 et 2009, ainsi que des majorations correspondantes pour un montant total de 72 479 euros, et à titre subsidiaire la décharge partielle à hauteur des dégrèvements accordés par l'administration. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur l'expiration du délai de reprise s'agissant de l'impôt sur le revenu de l'année 2008 :

2. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce (...) jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due (...) " et aux termes de l'article L. 189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de redressement (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 53 dudit livre : " En ce qui concerne les sociétés dont les associés sont personnellement soumis à l'impôt pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société, la procédure de vérification des déclarations déposées par la société est suivie entre l'administration des impôts et la société elle-même ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la notification régulièrement faite à une société, dont les associés sont, en application de l'article 8 du code général des impôts, personnellement soumis à l'impôt pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société, des redressements apportés à ses résultats déclarés, interrompt la prescription à l'égard des associés personnes physiques de la société redressée.

3. Il résulte de la combinaison des articles 8, 34, 35 et 239 ter du code général des impôts que les sociétés civiles qui ont pour objet la construction d'immeubles en vue de la vente sont soumises au même régime que les sociétés en nom collectifs, et que l'article 8 du code général des impôts est applicable aux associés de ces sociétés, quand bien-même elles se livreraient à une exploitation ou des opérations générant des bénéfices industriels et commerciaux. Il s'ensuit que la proposition de rectification adressée à la société Tantra le 23 août 2011 et à laquelle elle a répondu le 28 septembre 2011, a interrompu la prescription à l'égard de M. E...pour la part des bénéfices correspondant à ses droits dans la société Tantra. En tout état de cause, l'administration lui a adressé une proposition de rectification en date du 8 novembre 2011, qu'il a indiqué en première instance avoir contestée le 14 décembre suivant. Le moyen tiré de l'expiration du droit de reprise de l'administration pour les revenus de l'année 2008 doit donc être écarté.

Sur la régularité de la procédure :

4. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ".

5. Suite à la notification de la proposition de rectification à la société Tantra le 23 août 2011, cette dernière a, par courrier reçu le 30 septembre 2011, demandé la communication des documents que l'administration avait obtenus auprès de tiers dans le cadre de son droit de communication. Par courrier du 17 octobre 2011 reçu par la société le 19 octobre 2011 et produit à l'instance, l'administration a communiqué lesdits documents, et notamment les chèques communiqués par la caisse fédérale de crédit mutuel, au nombre desquels figuraient, d'après l'administration non contredite sur ce point, ceux concernant le client Abou Peinture. Le moyen tiré de ce que l'administration n'aurait pas communiqué les éléments fondant la proposition de rectification adressée à la société Tantra doit, par suite, être écarté.

6. A l'appui de ses conclusions, M. E...reprend les mêmes remarques que celles présentées en première instance et tirées de ce que sa comptabilité n'a pas été clairement écartée par l'administration, qui n'a d'ailleurs pas procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires et de ce que l'administration ne pouvait choisir de retenir certaines écritures comptables et d'en rejeter d'autres. En admettant que ces remarques doivent être analysées en des moyens de procédure, il résulte de l'instruction qu'elles doivent être écartées par les mêmes motifs que ceux retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu pour la cour d'adopter.

Sur le bien-fondé des impositions :

7. Pour considérer que la comptabilité de la société Tantra n'était pas régulière, l'administration a considéré que la société n'avait pas respecté ses obligations comptables, faute de présentation d'un certain nombre de documents comptables recensés dans un procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité, établi le 29 avril 2011 par le vérificateur. L'administration a également constaté des anomalies de facturation, consistant pour la société Tantra à avoir acquitté, comptabilisé et fait facturer à son nom des charges afférentes à la société Fleur de Lys avec laquelle elle n'a aucune relation juridique ou financière matérialisée, ainsi que la non présentation de factures comptabilisées en charges pour un montant de 269 228,44 euros TTC. Le vérificateur a également relevé la comptabilisation de charges afférentes à un autre exercice et de charges correspondant à des opérations économiques dont la réalité n'a pu être justifiée, en particulier les factures des fournisseurs Abou Peinture, Le Bon Tuyau etF.... L'administration a qualifié l'ensemble de ces anomalies d'irrégularités graves et répétées devant conduire à écarter le caractère probant et sincère de la comptabilité présentée.

8. Pour contester cette analyse, M. E...se borne à invoquer, comme en première instance, l'absolue nécessité de procéder à des avances en faveur de la société Fleur de Lys, la présomption d'existence de certains documents liée à la présence d'un notaire dans certaines opérations et au fait qu'un chantier entraine nécessairement des charges. D'une façon générale, M. E...invoque la réalité économique des opérations en cause et le caractère plausible de certaines charges compte tenu de leur montant ou du contexte général existant entre les sociétés Tantra, Fleur de Lys et ACR. S'agissant des erreurs de rattachement à certains exercices, il indique, sans le justifier, que s'agissant de construction vente, la question de charges afférentes à un autre exercice est sans objet. En se prévalant de ces éléments généraux et dépourvus de toute justification, M. E...ne conteste pas sérieusement l'existence des irrégularités et anomalies constatées par l'administration, laquelle doit être regardée comme justifiant du caractère irrégulier et non probant de la comptabilité de la société Tantra.

9. S'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée fondés sur la remise en cause de la déductibilité de la taxe mentionnée sur les factures visées au paragraphe 7 ci-dessus, qui ont conduit le vérificateur à écarter la comptabilité comme non probante, M. E...présente en partie une argumentation identique à celle par laquelle il conteste le rejet de la comptabilité de la société Tantra, et tirée notamment du contexte particulier existant entre les sociétés Tantra et Fleur de Lys. Pour les mêmes raisons que celles indiquées au point 8, il ne peut être regardé comme contestant sérieusement l'absence de facture régulière ayant ouvert un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée pour la société Tantra. Par ailleurs, si en l'absence de factures régulières, notamment libellées au nom de la société Tantra, il pourrait démontrer le caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée en litige, il ne rapporte pas cette preuve en n'apportant aucune précision ni justification se rapportant aux opérations en litige. Pour le reste, M. E... se prévaut, là encore, du caractère plausible de certaines charges, en faisant valoir le caractère nécessaire de certaines prestations déduites sans aucun justificatif d'aucune sorte, d'un engagement de caution souscrit par un établissement bancaire qui attesterait du montant total d'un chantier exécuté à son bénéfice, sans assortir cet argument des précisions permettant d'en apprécier la portée, ainsi que l'a déjà relevé le tribunal administratif, et de ce que le simple fait qu'un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée soit en possession d'une facture établie à un autre nom ne fait pas, en soit, obstacle au droit à déduction. En faisant valoir ces différents arguments, sans apporter de justificatifs ni même d'explications circonstanciées, M. E...ne conteste pas sérieusement l'absence de droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée pour la société Tantra au titre des opérations visées par l'administration.

10. S'agissant des charges d'exploitation, M. E...renvoie à son argumentation en matière de rejet de la comptabilité et de taxe sur la valeur ajoutée. La charge de la preuve du caractère déductible des charges litigieuses pesant sur le contribuable, cette argumentation doit, a fortiori, être écartée pour les mêmes motifs que ceux indiqués aux paragraphes 8 et 9 ci-dessus et M. E...n'établit pas plus qu'en première instance que les sommes litigieuses correspondraient à des charges effectives, exposées dans l'intérêt direct de l'entreprise et appuyées de justifications suffisantes.

11. S'agissant de la vente de deux appartements à deux associés de la société Tantra, MM. E...etA..., l'administration a constaté que des travaux d'achèvement, effectués avant l'acquisition effective de ces appartements par les associés, avaient été payés par la société Tantra. Elle en a déduit que le prix de vente avait été minoré, la vente portant en réalité sur des appartements achevés. Elle en a tiré des conséquences en matière de taxe sur la valeur ajoutée et de bénéfices industriels et commerciaux au titre de l'année 2009. M. E...conteste que la vente ait en réalité porté sur des immeubles achevés et l'existence d'un acte anormal de gestion consistant en la vente à un prix minoré de ces biens.

12. Aux termes de l'article 8 du code général des impôts, applicable aux associés des sociétés ayant pour objet la construction d'immeubles en vue de la vente en vertu de l'article 239 ter du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société.(...). En vertu des dispositions de l'article 38 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale. Dans la mesure où ces dernières ont eu pour effet de diminuer le bénéfice net de la société en réduisant ses profits ou en augmentant ses charges, il y a lieu de procéder aux réintégrations correspondantes pour la détermination du bénéfice net imposable. La cession des biens immeubles à un tiers à un prix notablement inférieur à leur valeur réelle ne relève pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant un tel avantage l'entreprise a agi dans son propre intérêt. S'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que l'avantage consenti sans contrepartie à l'occasion de cette cession constitue, à concurrence de l'insuffisance du prix stipulé, un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette société n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties.

13. En l'espèce, il est constant que les actes authentiques afférents à la vente des appartements en cause décrivaient les biens vendus comme étant inachevés, les travaux d'achèvement étant à la charge des acquéreurs. L'administration indique qu'elle a obtenu, par l'exercice de son droit de communication auprès de différentes entreprises, notamment les société Tip Top Elec et Beyssier, des éléments lui permettant d'affirmer que des travaux ont été réalisés par la société Tantra sur ces appartements, entre le mois de décembre 2008 et le mois de juin 2009, soit une période entièrement postérieure à la vente du bien à M. A...le 14 novembre 2008 et en grande partie postérieure à celle de la vente du bien à M. E...le 11 février 2009. Ces éléments ne sont donc pas de nature à établir que les biens vendus étaient, à la date de leur vente, d'une consistance autre que celle indiquée dans l'acte de vente. En tout état de cause, elle ne produit pas les factures qui attesteraient de la prise en charge de tels travaux par la société Tantra et du fait qu'ils portaient bien sur les appartements vendus à M. A...et M. E.... La seule circonstance que M. A...n'a pu justifier avoir fait réaliser des travaux à son compte ne permet pas d'établir rétrospectivement que l'acte notarié de vente comportait une erreur sur la consistance des biens vendus. Ainsi, l'administration n'établissant pas que la société Tantra a vendu des biens achevés à MM. A...etE..., elle n'établit pas que le prix de vente était inférieur, de façon anormale, à leur valeur vénale. Il suit de là que M. E...est fondé à demander la décharge des conséquences que l'administration en a tiré sur les résultats de la société Tantra et, par suite, sur son impôt sur le revenu et les majorations y afférentes mises à sa charge.

14. M. E...maintient, par ailleurs, ses conclusions subsidiaires, déjà présentées devant le tribunal administratif, tendant à obtenir une décharge partielle à hauteur des dégrèvements accordés par l'administration. Le tribunal administratif a rejeté ces conclusions comme irrecevables au motif que l'administration a accordé les dégrèvements en cause avant l'introduction de sa demande devant le tribunal administratif. M. E...ne critiquant pas ce motif d'irrecevabilité, ses conclusions subsidiaires doivent être rejetées.

Sur les pénalités :

15. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte. ".

16. La majoration de 80 % contestée par M. E...s'agissant des factures Le Bon Tuyau concernait les rectifications de taxe sur la valeur ajoutée et a été infligée à la société Tantra, sans que cela ne se traduise par des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu pour M.E.... Il ne peut donc utilement critiquer cette majoration dans le cadre du présent litige.

17. M. E...invoque par ailleurs une erreur commise par la société Tantra quant au régime de déclaration qui lui était applicable. Cette circonstance est toutefois sans incidence dans la mesure où une mise en demeure de régulariser a été adressée à la société Tantra et à laquelle il n'a pas été déféré.

18. Il résulte de ce qui précède que M. E...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu de l'année 2009 découlant de la qualification par l'administration d'acte anormal de gestion de la vente par la société Tantra de deux appartements à MM. A...etE..., ainsi que des intérêts de retard et majorations y afférents.

19. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Les bases d'imposition de la société Tantra au titre de l'année 2009 sont réduites à concurrence des sommes réintégrées à tort dans ses résultats, au titre de l'insuffisance de prix de la vente de deux appartements à MM. A...etE....

Article 2 : M. E... est déchargé de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à sa charge au titre de l'année 2009, des intérêts de retard et des pénalités afférents, à concurrence de la réduction des bases d'imposition de la société Tantra telle que définie à l'article 1 ci-dessus, au prorata de ses droits dans cette société.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à M. E...2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de M. E...est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 10 avril 2018, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, présidente assesseure,

Mme B..., première conseillère,

Lu en audience publique le 3 mai 2018.

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N° 16LY04368

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY04368
Date de la décision : 03/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : MOUGHLI AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-05-03;16ly04368 ?
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