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26/04/2018 | FRANCE | N°16LY02736

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 26 avril 2018, 16LY02736


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 168 224,66 euros, augmentée des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la non-transmission à la commission administrative paritaire nationale de sa candidature à un détachement dans un emploi fonctionnel de responsable d'unité locale de police (RULP) au titre de l'année 2013.

Par un jugement n° 130

4078 du 15 juin 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 168 224,66 euros, augmentée des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la non-transmission à la commission administrative paritaire nationale de sa candidature à un détachement dans un emploi fonctionnel de responsable d'unité locale de police (RULP) au titre de l'année 2013.

Par un jugement n° 1304078 du 15 juin 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 28 juillet 2016, 12 janvier et 26 mars 2018, dont le dernier n'a pas été communiqué, M. A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 juin 2016 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme globale de 168 224,66 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la faute commise par la direction départementale de la sécurité publique de l'Ardèche ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il remplissait la condition d'ancienneté pour pouvoir être nommé sur un emploi fonctionnel de responsable d'unité locale de police ainsi qu'en atteste notamment l'arrêté du préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est du 18 décembre 2017 portant reconstitution de sa carrière ; l'administration a commis une faute en ne transmettant pas sa candidature à un détachement sur ce poste fonctionnel au titre de l'année 2013, à la commission administrative paritaire nationale ; ce dysfonctionnement a porté atteinte aux principes d'égalité et d'égale admissibilité aux emplois publics ;

- cette non-transmission l'a privé de toute chance d'accéder au poste sollicité ; il justifiait d'une chance sérieuse de promotion ;

- il est fondé à demander la réparation de son préjudice financier résultant de la perte de rémunération et de la minoration de sa pension de retraite pour des montants qu'il estime à 41 494,16 et 100 590,50 euros ;

- il est également fondé à demander la réparation de son préjudice moral à hauteur de 26 240 euros ;

- le mémoire en défense du ministre n'est pas recevable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mars 2018, le ministre de l'intérieur, qui se réfère à ses écritures de première instance, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- M. A...ne remplissait pas les conditions requises d'accès à l'emploi fonctionnel de RULP ;

- la nomination au poste de RULP ne constitue pas une promotion mais un détachement dans un emploi fonctionnel ; que M. A...ne saurait prétendre à un droit à être nommé dans ce poste même s'il remplit les conditions statutaires.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le décret n° 95-657 du 9 mai 1995 ;

- le décret n° 2004-1032 du 30 septembre 2004 ;

- le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 ;

- le décret n° 2005-1622 du 22 décembre 2005 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lesieux,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;

1. Considérant que M. A..., brigadier-chef de la police nationale, relève appel du jugement du 15 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 168 224,66 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de la perte de chance sérieuse d'accéder, par la voie du détachement, au poste de chef de centre d'information et de commandement de la direction départementale de la sécurité publique de la Drôme, emploi fonctionnel de responsable d'unité locale de police (RULP) ;

Sur la faute :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er du décret du 22 décembre 2005 instituant des emplois fonctionnels de responsable d'unité locale de police : " Le présent décret fixe les règles applicables à l'emploi fonctionnel de responsable d'unité locale de police. / Les personnels nommés dans cet emploi exercent, sous le commandement d'officiers de police, des missions d'encadrement d'unités opérationnelles ou techniques les plaçant en relation directe avec l'autorité judiciaire ou avec des autorités locales investies de pouvoirs de police administrative./ La nomenclature des postes correspondant à ces missions et responsabilités est fixée par arrêté du ministre de l'intérieur./ Le nombre des emplois fonctionnels de responsable d'unité locale de police est fixé par un arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé du budget. " ; que l'article 2 de ce même décret prévoit que : " Peuvent être nommés à l'un des emplois fonctionnels mentionnés à l'article précédent, après avis de la commission administrative paritaire nationale compétente pour le corps d'encadrement et d'application de la police nationale, les majors de police qui, au 1er janvier de l'année de nomination, comptent vingt ans de services effectifs depuis leur titularisation dont trois ans dans ce grade ou sont titulaires de l'échelon exceptionnel du grade. / Cette nomination peut également bénéficier aux brigadiers-chefs de police ayant atteint le 5e échelon de leur grade et comptant, au 1er janvier de l'année de nomination, vingt-deux ans au moins de services effectifs depuis leur titularisation dont dix ans dans le grade de brigadier-chef. (...) " ;

3. Considérant, d'autre part, que dans sa rédaction antérieure à sa modification par le décret du 30 septembre 2004, le décret du 9 mai 1995 portant statut particulier du corps de maîtrise et d'application de la police nationale prévoyait, en son article 3, que ce corps comportait les grades de gardien de la paix, brigadier de police et brigadier-major de police ; que dans sa rédaction issue du décret du 30 septembre 2004, le décret du 9 mai 1995 prévoyait que ce corps comprend, en outre, le grade de brigadier-chef de police situé entre le grade de brigadier de police et celui de brigadier-major ; que l'article 2 du décret du 30 septembre 2004 prévoyait également le reclassement dans le grade de brigadier-chef de tous les titulaires de l'ancien grade de brigadier, en conservant l'ancienneté d'échelon acquise ; qu'il résulte de ces dispositions, qui ont fait disparaître l'ancien grade de brigadier au profit de celui de brigadier-chef, que pour l'application de l'article 2 du décret du 22 décembre 2005 précité, les années de services effectifs dans l'ancien grade de brigadier de police avant le 2 octobre 2004 doivent être prises en compte au titre des années de services effectifs dans le nouveau grade de brigadier-chef ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, que M. A..., affecté à la circonscription de Guilherand-Granges (07) en qualité de chef de la brigade de nuit, a présenté, le 18 septembre 2012, sa candidature au titre de l'année 2013 à un détachement au poste de chef du centre d'information et de commandement de la direction départementale de la sécurité publique de l'Ardèche, emploi fonctionnel de RULP ; que sa candidature n'a pas été transmise, par ses supérieurs hiérarchiques, à la direction des ressources et des compétences de la police nationale avant la date limite de dépôt des candidatures fixée au 19 septembre 2012, et qu'elle n'a pas été soumise à l'avis de la commission administrative paritaire nationale compétente qui s'est réunie le 20 décembre suivant ; qu'il résulte de l'instruction que M. A..., entré dans les cadres de la police nationale le 1er octobre 1987 comme élève gardien de la paix et titularisé le 1er juin 1989, a été nommé dans l'ancien grade de brigadier de police le 1er juin 2001 et reclassé au grade de brigadier-chef le 2 octobre 2004, remplissant ainsi, et conformément à ce qui a été dit au point 3, les conditions de services effectifs posées par l'article 2 du décret du 22 décembre 2005 ; qu'il avait en outre atteint le 6ème échelon de son grade à la date du dépôt de sa candidature à un emploi fonctionnel de RULP ; que par suite, en ne soumettant pas sa candidature à la commission administrative paritaire nationale, l'administration a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

Sur les préjudices :

5. Considérant que M. A... soutient que la faute ainsi commise par ses supérieurs hiérarchiques aurait entraîné une perte de rémunération ainsi qu'une minoration de sa pension de retraite ; que toutefois et en tout état de cause, la nomination, par la voie du détachement, dans un emploi fonctionnel de la police nationale ne constitue pas un droit pour les personnels remplissant les conditions de nomination ; qu'il résulte de l'instruction que M. A... bénéficiait d'un avis favorable de son supérieur hiérarchique, " sous réserve de son remplacement immédiat ", et qu'il bénéficiait depuis 2009, de bonnes appréciations de sa hiérarchie qui l'estimait apte à occuper des fonctions plus importantes ; que cependant, l'appelant ne démontre pas que la faute commise par l'administration lui aurait fait perdre une chance sérieuse d'être détaché sur un emploi fonctionnel de RULP et ce, alors qu'il n'avait présenté sa candidature qu'au seul poste ouvert à proximité de son affectation et qu'il n'a pas de nouveau candidaté les années suivantes ; qu'en outre, le brigadier-chef, nommé au poste qu'il convoitait, était décrit comme un " gradé de grande qualité ", assumant " excellemment ses fonctions et responsabilités importantes " et bénéficiant " d'une confiance totale " de sa hiérarchie ;

6. Considérant, en revanche, que compte tenu de l'absence de présentation de sa candidature à l'avis de la commission administrative paritaire nationale compétente alors qu'il remplissait les conditions pour prétendre à une nomination à un emploi fonctionnel par la voie du détachement, M. A... est fondé à demander une indemnité au titre de son préjudice moral qu'il convient d'évaluer à 1 000 euros, tous intérêts compris ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 juin 2016 est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. A... la somme de 1 000 euros tous intérêts compris.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2018, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 avril 2018.

5

N° 16LY02736


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY02736
Date de la décision : 26/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Détachement et mise hors cadre - Détachement - Conditions du détachement.

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Statuts spéciaux - Personnels de police (voir : Police administrative).

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : AROSIO

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-04-26;16ly02736 ?
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