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26/04/2018 | FRANCE | N°16LY01401

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 26 avril 2018, 16LY01401


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Suel a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 16 avril 2013 du préfet de l'Ardèche portant prescriptions complémentaires relatives à la microcentrale hydroélectrique qu'elle exploite sur la rivière Volane sur le territoire de la commune de Vals-les-Bains en ce qu'il fixe à 480 l/s la valeur du débit réservé à compter du 1er janvier 2014 et qu'il interdirait tout turbinage du 15 juin au 15 septembre, de fixer à 306 l/s la valeur du débit réservé et de mettre à l

a charge de l'Etat une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Suel a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 16 avril 2013 du préfet de l'Ardèche portant prescriptions complémentaires relatives à la microcentrale hydroélectrique qu'elle exploite sur la rivière Volane sur le territoire de la commune de Vals-les-Bains en ce qu'il fixe à 480 l/s la valeur du débit réservé à compter du 1er janvier 2014 et qu'il interdirait tout turbinage du 15 juin au 15 septembre, de fixer à 306 l/s la valeur du débit réservé et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1304643 du 28 janvier 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 avril 2016 et le 24 novembre 2017, la société Suel, représentée par Me Sanchez, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1304643 du 28 janvier 2016 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 avril 2013 du préfet de l'Ardèche portant prescriptions complémentaires relatives à la microcentrale hydroélectrique qu'elle exploite sur la rivière Volane sur le territoire de la commune de Vals-les-Bains en ce qu'il fixe à 480 l/s la valeur du débit réservé à compter du 1er janvier 2014 ;

3°) de fixer à 306 l/s la valeur du débit réservé ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé en fait, dès lors qu'il ne contient pas l'indication des méthodes et données retenues pour justifier la valeur de 480 l/s du débit réservé ;

- il est entaché d'erreur de droit au regard des dispositions du I de l'article L. 214-8 du code de l'environnement dans la détermination du débit moyen interannuel de la Volane, dès lors que le préfet s'est fondé sur des données portant sur quatre années et non au moins cinq années ;

- il est entaché d'erreur d'appréciation dans la fixation de ce débit moyen interannuel ; en effet :

. la valeur de module de 4,8 m³/s pour une année retenue par le préfet est physiquement impossible pour la Volane à Vals-les-Bains ;

. le préfet s'est appuyé à tort sur ce que l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement a, dans sa cartographie nationale des modules de décembre 2012, qualifié de valeur haute sans chercher à déterminer le module très probable ;

. au vu des données retenues par le bureau d'études, d'ingénierie et de conseil Naldeo, un module de 3,96 m³/s peut être retenu pour un bassin versant de 107 km² de la Volane ;

. les études réalisées en 2001 et en 2006 par la société Blandins Hydro Nature avec la méthode pluie-débit fixent la valeur du module à 3,06 m³/s et ont été confirmées par trois courriers du 12 mai 2009, du 16 mai 2014 et du 7 avril 2016 respectivement du directeur régional de l'environnement de Rhône-Alpes, d'un ingénieur de l'agence Rhône-Alpes Méditerranée de la société Antea France et d'un ingénieur en hydroélectricité de la société Exp International Services.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2017, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Hervé Drouet, président assesseur,

- et les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

1. Considérant que, par arrêté du 27 janvier 2009, le préfet de l'Ardèche a réglementé le droit fondé en titre d'utiliser l'énergie hydraulique de la Volane attaché à la microcentrale hydroélectrique de la société Suel située sur le territoire de la commune de Vals-les-Bains en fixant notamment un débit réservé minimal de 120 l/s (1/40ème du module) du 15 septembre au 15 juin et de 480 l/s (1/10ème du module) du 15 juin au 15 septembre ; que, par l'article 1er de son arrêté du 16 avril 2013, le préfet de l'Ardèche a fixé à 480 l/s (1/10ème du module) la valeur du débit réservé minimal à respecter à compter du 1er janvier 2014 par la société Suel, exploitante de cette microcentrale hydroélectrique ; que ladite société relève appel du jugement n° 1304643 du 28 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande dirigée contre l'article 1er de l'arrêté préfectoral du 16 avril 2013 ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'il est notamment mentionné dans les motifs de l'arrêté contesté " qu'un débit minimal garantissant en permanence, la circulation et la reproduction des espèces vivant dans les eaux doit être maintenu à l'aval de chaque ouvrage barrant un cours d'eau ", que " ce débit minimal " biologique ", appelé ci-après " débit réservé " ne doit pas être inférieur à un plancher qui est fixé (...) au 1/10ème du module interannuel du cours d'eau ", que " l'article L. 214-18 IV du code de l'environnement prévoit que le débit réservé applicable à tous les barrages devra être mis en conformité avec les dispositions de la loi sur l'eau de 2006 (...) au plus tard le 1er janvier 2014 " et que " l'arrêté préfectoral délivré à l'EURL Suel réglementant le droit fondé en titre prescrit un débit réservé (...) de 480 l/s (1/10ème du module) du 15 juin au 15 septembre " ; que, dans ces conditions, et alors que le préfet n'avait pas l'obligation d'y préciser la méthode et les données retenues pour justifier la valeur du module, l'arrêté attaqué énonce avec suffisamment de précision les éléments de fait qui fondent la fixation, à 480 l/s, de la valeur du débit réservé à compter du 1er janvier 2014 ; qu'il y a lieu, par suite, d'écarter le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige serait insuffisamment motivé en fait, contrairement aux exigences des articles 1er et 3 de la loi susvisée du 11 juillet 1979 qui était en en vigueur à la date de son édiction ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 214-18 du code de l'environnement dans sa rédaction issue de l'article 6 de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre2006 sur l'eau et les milieux aquatiques : " I. - Tout ouvrage à construire dans le lit d'un cours d'eau doit comporter des dispositifs maintenant dans ce lit un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces vivant dans les eaux au moment de l'installation de l'ouvrage ainsi que, le cas échéant, des dispositifs empêchant la pénétration du poisson dans les canaux d'amenée et de fuite. / Ce débit minimal ne doit pas être inférieur au dixième du module du cours d'eau en aval immédiat ou au droit de l'ouvrage correspondant au débit moyen interannuel, évalué à partir des informations disponibles portant sur une période minimale de cinq années, ou au débit à l'amont immédiat de l'ouvrage, si celui-ci est inférieur. Pour les cours d'eau ou parties de cours d'eau dont le module est supérieur à 80 mètres cubes par seconde, ou pour les ouvrages qui contribuent, par leur capacité de modulation, à la production d'électricité en période de pointe de consommation et dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat pris après avis du Conseil supérieur de l'énergie, ce débit minimal ne doit pas être inférieur au vingtième du module du cours d'eau en aval immédiat ou au droit de l'ouvrage évalué dans les mêmes conditions ou au débit à l'amont immédiat de l'ouvrage, si celui-ci est inférieur. Toutefois, pour les cours d'eau ou sections de cours d'eau présentant un fonctionnement atypique rendant non pertinente la fixation d'un débit minimal dans les conditions prévues ci-dessus, le débit minimal peut être fixé à une valeur inférieure. / II. - Les actes d'autorisation ou de concession peuvent fixer des valeurs de débit minimal différentes selon les périodes de l'année, sous réserve que la moyenne annuelle de ces valeurs ne soit pas inférieure aux débits minimaux fixés en application du I. En outre, le débit le plus bas doit rester supérieur à la moitié des débits minimaux précités. / (...) / IV. - Pour les ouvrages existant à la date de promulgation de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques, les obligations qu'elle institue sont substituées, dès le renouvellement de leur concession ou autorisation et au plus tard le 1er janvier 2014, aux obligations qui leur étaient précédemment faites. Cette substitution ne donne lieu à indemnité que dans les conditions prévues au III de l'article L. 214-17. " ;

4. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du I et du IV de l'article L. 214-18 du code de l'environnement que le relèvement, au dixième du module du débit du cours d'eau en aval immédiat, du débit minimal à respecter par un ouvrage existant à la date de promulgation de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 n'est pas soumis à l'évaluation préalable du débit moyen interannuel à partir des informations disponibles portant sur une période minimale de cinq années lorsque le module du cours d'eau en aval immédiat de l'ouvrage a été antérieurement déterminé ; qu'il est constant que la microcentrale hydroélectrique exploitée par la société Suel sur la Volane et située sur le territoire de la commune de Vals-les-Bains existait au 30 décembre 2006 et que le module de cette rivière en aval immédiat de cet ouvrage avait été déterminé avant cette date ; que, par suite, le préfet de l'Ardèche n'a pas commis d'erreur de droit en prenant en compte le débit moyen interannuel -ou module - de la Volane en aval immédiat de l'ouvrage de la requérante à partir de données portant sur quatre années, pour fixer, par l'article 1er de l'arrêté litigieux, la valeur du débit réservé minimal à respecter à compter du 1er janvier 2014 par la société Suel ;

5. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment d'un courrier du 23 juillet 1996 du gérant de la société Suel et d'une lettre du 31 juillet 1996 du directeur départemental de l'agriculture et de la forêt de l'Ardèche, que les services de cette direction départementale ont estimé en juillet 1996 à 4,8 m³/s le débit moyen interannuel de la Volane en aval immédiat de l'ouvrage de cette société ; que cette même valeur a été reprise dans l'arrêté du 27 janvier 2009 du préfet de l'Ardèche réglementant le droit fondé en titre d'utiliser l'énergie hydraulique de la Volane attaché à la microcentrale hydroélectrique de la société Suel ; que la requérante ne conteste pas sérieusement les résultats de la cartographie nationale des débits moyens interannuels réalisée par l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture, actualisée en décembre 2012, selon lesquels le module de la Volane sur le tronçon dans lequel est situé la microcentrale de la société Suel a une valeur basse de 2,772 m³/s, une valeur intermédiaire de 3,672 m³/s et une valeur haute de 4,863 m³/s, laquelle est proche de la valeur retenue en 1996 et en 2009 ; que si l'appelante produit des données issues d'un rapport d'avril 2016 du bureau d'études, d'ingénierie et de conseil Naldeo, en vue de la production d'hydroélectricité par quatre barrages sur la Volane propriétés de la commune de Vals-les-Bains, faisant apparaître des modules de 1,65 m³/s, de 3,65 m³/s, de 3,7 m³/s et de 3,75 m³/s pour un bassin versant de surfaces respectives de 64,5 km², de 98,9 km², de 99,6 km² et de 100,3 km², il est constant qu'une étude réalisée en juillet 1998 par le bureau d'études IRAP pour une usine hydroélectrique située à deux kilomètres en amont de la microcentrale de la société Suel a retenu un module de 4,41 m³/s pour un bassin versant de 98,1 km² ; que si la requérante se prévaut également d'études réalisées en 2001 et en 2006 à sa demande par la société Blandins Hydro Nature, à partir de données pluviométriques et suggérant un module de 3,06 m³/s, dont la méthode a été considérée comme pertinente dans trois courriers du 12 mai 2009, du 16 mai 2014 et du 7 avril 2016 respectivement du directeur régional de l'environnement de Rhône-Alpes - lequel suggère toutefois un module supérieur de 3,9 m³/s -, d'un ingénieur de l'agence Rhône-Alpes Méditerranée de la société Antea France et d'un ingénieur en hydroélectricité de la société Exp International Services, il n'est pas établi que les données pluviométriques sur lesquelles reposent ces estimations seraient plus fiables que celles sur lesquelles le préfet s'est fondé, alors que la société Suel ne démontre pas que, comme elle le soutient, le module de 4,8 m³/s retenu par le préfet de l'Ardèche serait physiquement impossible pour la Volane à Vals-les-Bains ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la prise en compte d'un module de 4,8 m³/s, pour la fixation d'un débit réservé minimal de 480 l/s par l'article 1er de l'arrêté contesté, n'est pas entachée d'erreur d'appréciation ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Suel n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions aux fins de modification de la valeur du débit réservé fixée par l'arrêté en litige et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Suel est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Suel et au ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie en sera adressée au préfet de l'Ardèche.

Délibéré après l'audience du 3 avril 2018, à laquelle siégeaient :

M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

M. Hervé Drouet, président assesseur,

Mme B... A..., première conseillère.

Lu en audience publique le 26 avril 2018.

Le rapporteur,

Hervé DrouetLe président,

Jean-François AlfonsiLa greffière,

Anne Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

4

N° 16LY01401

mg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY01401
Date de la décision : 26/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

27-02 Eaux. Ouvrages.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Hervé DROUET
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SANCHEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-04-26;16ly01401 ?
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