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24/04/2018 | FRANCE | N°16LY03858

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 24 avril 2018, 16LY03858


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme C... B...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006, 2007 et 2008, ainsi que des pénalités y afférentes, ainsi que des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006 et 2008 et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1403409 du 26 septembre 2016, le tribunal administra

tif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme C... B...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006, 2007 et 2008, ainsi que des pénalités y afférentes, ainsi que des cotisations supplémentaires de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006 et 2008 et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1403409 du 26 septembre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 novembre 2016 et 8 mars 2018, M. et Mme B..., représentés par MeD..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 26 septembre 2016 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. et Mme B... soutiennent que :

- la désignation rédigée pour la société Valemont par leur conseil est irrégulière car tardive et il incombe, dès lors, à l'administration d'établir que M. B...a appréhendé les sommes en litige, ce qu'elle ne fait pas, sa rectification étant, dès lors, dénuée de toute motivation ;

- au demeurant, ils établissent qu'ils ne sont pas les bénéficiaires des sommes en litige ;

- la pénalité pour manoeuvres frauduleuses n'est pas justifiée, la preuve d'un manquement délibéré consistant dans l'accomplissement conscient d'une infraction n'étant pas rapportée, pas plus que la mise en oeuvre de procédés destinés à masquer l'existence de l'infraction ou à la présenter sous la forme d'une opération régulière ;

- ils n'ont pas accompli de prestations fictives, n'ont pas bénéficié des sommes litigieuses et n'ont aucune ressource autre que ce qu'ils tirent de leur travail, comme le démontre leur train de vie.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 mars 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'économie et des finances soutient que :

- le quantum du litige s'agissant des contributions sociales est limité à la somme de 80 547 euros au titre de l'année 2006 et 218 811 euros au titre de l'année 2008 compte tenu des dégrèvements prononcés en cours d'instance ;

- les termes de la réponse de M. B...à la proposition de rectification équivalant à une acceptation des rectifications, la charge de la preuve de l'absence d'appréhension des sommes distribuées par la société Valemont pèse sur les contribuables ;

- le délai de trente jours prévu à l'article 117 du code général des impôts ne court qu'à compter de la réception par la société de la demande de l'administration, date qui en l'espèce ne peut être que postérieure au 30 juillet 2009 ;

- en tout état de cause, en admettant même la réception d'une réponse quelques jours après l'expiration du délai, cela est sans influence sur la validité de la réponse et autorise seulement l'administration à établir l'imposition au nom de la société sans que cela soit une obligation ;

- M. et Mme B...n'apportent aucune preuve de l'absence d'appréhension par M. B... des sommes réputées distribuées, pas plus que de l'absence de réalité ou d'exactitude de montant de la distribution ;

- les rectifications apportées aux résultats sociaux de la SARL Valemont sont bien fondées dans la mesure où les sommes déduites comme charges de sous-traitance ne correspondaient pas à des prestations réellement effectuées ;

- M. B...ayant contresigné le courrier le désignant comme bénéficiaire des sommes distribuées, il doit prouver qu'il ne l'était pas en fait, ce qu'il ne fait pas par la production de pièces relatives à la seule année 2008, concernant des sommes qui ne peuvent être rattachées aux factures de sous-traitance litigieuses et alors que le vérificateur a constaté que 80 % des chèques émis par la société Valemont en paiement des factures en cause avaient été endossées par M. B..., son épouse ou son fils ;

- les procédés mis en oeuvre par M. B...pour bénéficier de la déduction de charges au titre de factures fictives sont constitutifs de manoeuvres frauduleuses, caractérisées par des éléments matériels et des éléments intentionnels recueillis au cours du contrôle.

Le ministre de l'action et des comptes publics a produit un nouveau mémoire en date du 23 mars 2018.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A..., première conseillère ;

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. En avril 2009, la SARL Valemont, dont M. C...B...est le gérant, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle des sommes ont été réintégrées dans ses résultats, correspondant à des factures de sous-traitance pour lesquelles la société n'a pu justifier de la réalité d'une prestation et alors que le droit de communication exercé par l'administration auprès des différents prestataires présumés a permis de remettre en cause la validité des factures présentées. Dans la proposition de rectification du 30 juillet 2009, il était demandé à la société de désigner le ou les bénéficiaires des sommes réputées distribuées à l'issue du contrôle. Par un courrier du 9 septembre 2009, le conseil de la société a désigné M. B...comme bénéficiaire d'une partie des sommes distribuées, pour des montants de 80 547 euros en 2006, 114 648 euros en 2007 et 218 811 euros en 2008, ce que M. B...a confirmé dans un courrier du 10 septembre 2009. Par une proposition de rectification du 18 septembre 2009, l'administration a assujetti M. et Mme B...à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de ces sommes, assorties des intérêts de retard et de majorations. M. et Mme B...relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions et majorations.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 22 mars 2017, l'administration a prononcé en faveur de M. et Mme B...un dégrèvement d'un montant total de 16 217 euros, correspondant à la majoration de 25 % appliquée à la base de calcul des cotisations supplémentaires de contributions sociales au titre des années 2006 et 2008. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête dirigées contre lesdites cotisations supplémentaires de contributions sociales à hauteur de la somme de 16 217 euros.

Sur le bien-fondé de l'imposition

3. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré ".

4. Il ressort des termes de la décision de rejet de la réclamation préalable de M. et Mme B..., qu'ils n'ont pas contesté les redressements notifiés par la proposition de rectification du 18 septembre 2009 et ont seulement indiqué qu'ils ne pourraient faire face au paiement du montant total du redressement, compte tenu du montant des pénalités, ce qui justifierait une demande ultérieure de remise gracieuse. Dans ces conditions, ils supportent la charge de démontrer le caractère exagéré des impositions supplémentaires qui leur ont été notifiées conformément aux dispositions précitées de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales.

5. Aux termes du 1 de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; (...) " ; aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ". Les sommes réintégrées par l'administration dans le résultat imposable d'une société ayant fait l'objet d'un redressement ne peuvent être regardées comme des revenus distribués au sens de ces dispositions que dans la mesure où elles ont été effectivement appréhendées par leur bénéficiaire.

6. Aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759. ". Il résulte de ces dispositions que, dans le cas où la personne morale ne répond pas ou répond au-delà du délai de trente jours précité, l'administration est fondée à appliquer la pénalité prévue à l'article 1759. Par ailleurs, l'absence de réponse ou la réception d'une réponse insuffisamment complète, ne font pas obstacle à ce que l'administration détermine elle-même le bénéficiaire des sommes distribuées, à charge pour elle d'apporter la preuve de l'appréhension par le bénéficiaire qu'elle désigne des sommes en cause. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que l'administration prenne en compte la réponse de la personne morale concernée lorsque celle-ci est parvenue peu après l'expiration du délai de trente jours précité.

7. En l'espèce, l'administration a invité la société Valemont à fournir des indications sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution non déclaré, par un courrier daté du vendredi 30 juillet 2009 et reçu par la société à une date inconnue. La réponse de la société a été reçue par l'administration le 9 septembre 2009. A supposer même que le délai de trente jours prévu à l'article 117 du code général des impôts ait été dépassé, cela a seulement eu pour effet de permettre à l'administration d'infliger, le cas échéant, la sanction prévue à l'article 1759 du code général des impôts. Cela ne faisait pas obstacle à ce qu'elle détermine elle-même le bénéficiaire des sommes distribuées, ni à ce qu'elle tienne compte du courrier envoyé par le conseil de la société Valemont et dont les termes ont été confirmés par M. B...lui-même par courrier du 10 septembre 2009. Ainsi, le moyen tiré de ce que la réponse de la société Valemont aurait été irrégulière et, par suite, n'aurait pu être utilisée par l'administration pour déterminer les bénéficiaires des revenus distribués doit être écarté.

8. Compte tenu de la déclaration effectuée par la société Valemont et confirmée par M. B... lui-même, il appartient aux requérants de démontrer que M.B..., malgré les termes de ce courrier, n'a pas appréhendé les sommes en litige au titre des années 2006, 2007 et 2008. A cette fin, les requérants, qui ne contestent pas les montants desdites sommes pour les trois années en cause, produisent des chèques émis par la SARL Valemont, libellés à l'ordre de personnes autres que M.B..., pour un montant total de 18 482,32 euros pour l'année 2006, 149 571,13 euros pour l'année 2007 et 85 864 euros pour l'année 2008. Toutefois, le montant des revenus distribués pour ces trois années, retenu par l'administration et admis par M.B..., s'élève, respectivement à 80 547 euros, 114 648 euros et 218 811 euros. Surtout, la circonstance que la SARL Valemont a réglé différentes sommes à des tiers au cours de l'année 2008, ne démontre nullement, en l'absence de tout rapprochement avec les factures dont les montants ont été réintégrés dans les résultats de la société et de toute explication sur l'identité des personnes ayant encaissé les chèques dont copie a été produite, qu'elles correspondraient aux revenus réputés distribués à M.B.... Ainsi, M. B...ne démontre pas qu'il n'a pas été le bénéficiaire des sommes regardées comme distribuées au titre des exercices 2006, 2007 et 2008, contrairement à ce qu'il a admis dans son courrier du 10 septembre 2009 déjà mentionné.

Sur les pénalités :

9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : (...) b. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses ".

10. Il résulte de l'instruction que les sommes perçues par M. B...ont fait l'objet de chèques émis par lui-même es qualité de gérant, à partir de factures de sous-traitance, dont il résulte de l'instruction qu'elles ne correspondaient à aucune prestation réelle et présentaient des anomalies de forme qui ne pouvaient être ignorées par lui compte tenu de sa qualité. Eu égard à ce qui a été dit au point 8. ci-dessus, et en se prévalant d'une façon générale de la modestie de leur train de vie, sans d'ailleurs, le détailler ni le justifier, M. et Mme B...ne démontrent pas que M. B...n'a pas été le bénéficiaire des sommes regardées comme distribuées au titre des exercices 2006, 2007 et 2008, contrairement à ce qu'il a admis dans son courrier du 10 septembre 2009. Eu égard au montant des sommes encaissées au cours des trois années en litige et compte tenu des modalités mises en oeuvre, les omissions dans les déclarations de revenus de M. et Mme B...des trois années litigieuses procèdent d'actes conscients et volontaires, caractérisant des manoeuvres frauduleuses en vue d'éluder l'impôt. C'est donc à bon droit que l'administration a appliqué la majoration de 80 % au montant des distributions imposées entre les mains de M.B....

11. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande. Dans les circonstances de l'espèce, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer de statuer sur les conclusions de la requête dirigées contre les cotisations supplémentaires de contributions sociales des années 2006 et 2008 à hauteur de la somme de 16 217 euros.

Article 2 : Le surplus de la requête de M. et Mme B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... B...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2018, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, présidente-assesseure,

Mme A..., première conseillère.

Lu en audience publique le 24 avril 2018.

2

N° 16LY03858


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY03858
Date de la décision : 24/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SELARL FISCALP

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-04-24;16ly03858 ?
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