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05/04/2018 | FRANCE | N°17LY02530

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 05 avril 2018, 17LY02530


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 24 mars 2017 par lequel le préfet de la Loire l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n°1702768 du 29 mai 2017, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de la Loire de délivrer à M. A... une autorisation provisoire de

séjour et de réexaminer sa situation au regard de son droit au séjour en France dans le dé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 24 mars 2017 par lequel le préfet de la Loire l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n°1702768 du 29 mai 2017, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de la Loire de délivrer à M. A... une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation au regard de son droit au séjour en France dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 juin et 29 décembre 2017, le préfet de la Loire demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon du 29 mai 2017 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. A....

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- l'obligation de quitter le territoire français faite à M. A... ne pouvait être annulée au motif qu'il n'aurait pas été en mesure de finaliser son CAP dans son pays d'origine dès lors que cette décision est distincte de celle fixant le pays de destination et n'a pas pour but de renvoyer l'intéressé dans son pays d'origine ;

- il n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

- les autres moyens invoqués par M. A... en première instance ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2017, M. A..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que :

- la requête est irrecevable ;

- l'arrêté attaqué n'est pas signé et est insuffisamment motivé en droit, s'agissant de la décision fixant le délai de départ volontaire ;

- l'obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu préalablement à l'édiction d'une telle décision ;

- cette décision doit être annulée compte tenu de l'illégalité du refus d'enregistrement de sa demande de titre de séjour portant la mention " étudiant " ;

- elle est entachée d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire ne tient pas compte des circonstances propres à la situation du requérant et est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination a été prise en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lesieux ;

- les observations de MeB..., représentant M. A... ;

1. Considérant que le préfet de la Loire relève appel du jugement du 29 mai 2017 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 24 mars 2017 obligeant M. A... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays pour lequel il établit être légalement admissible et lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressé au regard de son droit au séjour ;

Sur la recevabilité de la requête :

2. Considérant que la requête a été signée par M. Gérard Lacroix, secrétaire général de la préfecture de la Loire, qui avait reçu délégation permanente du préfet, par arrêté du 27 mars 2017 régulièrement publié le lendemain au recueil des actes administratifs spécial de l'Etat dans la Loire, pour signer tous actes, arrêtés, décisions, documents et correspondances administratives et comptables relevant des attributions de l'Etat dans le département à l'exception de certains actes dont ne relève pas la présente requête ; que la fin de non-recevoir opposée par M. A...tirée de ce que la requête aurait été introduite par une personne n'ayant pas qualité pour le faire ne peut, dès lors, qu'être écartée ;

Sur le moyen d'annulation retenu par le jugement attaqué :

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A..., né le 20 décembre 1998, de nationalité albanaise, est entré irrégulièrement en France à la date déclarée du 5 décembre 2012, avec ses parents et ses frères et soeur ; qu'alors âgé de 14 ans, il a été scolarisé en classe de 5ème et est, à la date de la décision attaquée, inscrit en 2ème année de CAP serrurier-métallier ; que toutefois, l'asile a été refusé à ses parents et ses frères et soeur majeurs par décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 juillet 2014, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 27 mars 2015 ; qu'en conséquence, le préfet de la Loire a pris, à l'encontre des parents et des frères et soeur majeurs de M. A..., des décisions du 12 mai 2015 portant refus de séjour assortis d'obligations de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que ces décisions ont été confirmées par jugements du tribunal administratif de Lyon du 12 mai 2015 devenus définitifs ; que leurs demandes de réexamen de leurs demandes d'asile ont été déclarées irrecevables par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 27 novembre 2015, décisions confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 18 avril 2016 ; que le préfet de la Loire a pris, à l'encontre des intéressés, de nouvelles décisions portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours ; que ces décisions ont été confirmées par jugement du tribunal administratif de Lyon du 3 janvier 2017 devenus définitifs ; que, dans ces conditions, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... aurait été dans l'impossibilité de poursuivre sa scolarité dans son pays d'origine, le préfet de la Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a retenu le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de l'obligation de quitter le territoire français sur sa situation personnelle ;

4. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Lyon ;

Sur les autres moyens invoqués par M. A... :

En ce qui concerne le moyen commun aux décisions attaquées :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, alors en vigueur : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. " ; que l'original de l'arrêté attaqué, signé, par délégation du préfet de la Loire, par M. Gérard Lacroix, secrétaire général de la préfecture de la Loire, comporte, en caractères lisibles, les mentions prévues par les dispositions précitées ; que, par suite, la circonstance que l'ampliation de cette décision notifiée à M. A... ne comporte pas la signature de l'auteur de l'arrêté attaqué est sans influence sur la légalité de cet arrêté ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

6. Considérant, en premier lieu, que le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité de son séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour ; qu'il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement ;

7. Considérant que M. A... a été entendu, le 24 mars 2017, par les services de police de Saint-Etienne ; qu'en outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait été empêché de faire valoir tout élément utile tenant à sa situation personnelle à l'occasion du dépôt de sa demande de titre de séjour en qualité d'étudiant en janvier et mars 2017 ; qu'il ne fait état d'aucun élément pertinent qui n'aurait pas été porté à la connaissance de l'administration et qui aurait été susceptible d'influer sur le prononcé de la mesure prise à son encontre ; que, dès lors, M. A...n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé du droit d'être entendu avant l'édiction de la décision en litige ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) " ; que M. A... soutient que le préfet de la Loire aurait illégalement refusé d'enregistrer sa demande de titre de séjour portant la mention " étudiant " ; que toutefois, il ressort des pièces du dossier, que par un courrier du 16 mars 2017, le préfet de la Loire lui a opposé, ainsi qu'il pouvait légalement le faire, un refus de séjour aux motifs qu'il ne remplissait pas les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " en l'absence de production d'un document de voyage en cours de validité et d'un visa de long séjour " ; que le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus d'enregistrement de sa demande de titre de séjour doit, en conséquence et en tout état de cause, être écarté comme manquant en fait ;

9. Considérant, en dernier lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 3 ;

En ce qui concerne le délai de départ volontaire :

10. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Le délai de départ volontaire accordé à l'étranger peut faire l'objet d'une prolongation par l'autorité administrative pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation (...) "

11. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté en litige vise l'article L 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans son intégralité, incluant ainsi les dispositions précitées du II de cet article ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de ce que la décision fixant le délai de départ volontaire serait insuffisamment motivée en droit doit être écarté ;

12. Considérant, en second lieu, que M. A... soutient qu'il est inscrit en 2ème année de CAP de serrurier-métallier et que les examens finaux ont lieu en juin 2017 ; que toutefois, cette circonstance n'est pas de nature à justifier l'octroi, à titre exceptionnel, d'un délai supérieur au délai de droit commun de trente jours prévu par la loi pour organiser son départ alors, en outre, qu'il ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant " ; que les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette décision sur sa situation personnelle doivent être écartées ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

13. Considérant que M. A... soutient que sa famille et lui ont été contraints de fuir l'Albanie en raison de graves menaces pesant eux ; que toutefois, les demandes d'asile et de réexamen de ces demandes, déposées par ses parents et ses frères et soeur, ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ainsi qu'il a été dit au point 3 ; que M. A... ne se prévaut d'aucun élément nouveau sur les risques personnels qu'il encourrait en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement, que le préfet de la Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 24 mars 2017 et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A... au regard de son droit au séjour en France ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

15. Considérant que les conclusions de M. A... tendant à ce qu'une somme de 1 200 euros, à verser à son conseil, soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1702768 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon du 29 mai 2017 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... et ses conclusions présentées en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur et à M. C... A....

Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 15 mars 2018, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 avril 2018.

6

N° 17LY02530


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY02530
Date de la décision : 05/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : PRUDHON

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-04-05;17ly02530 ?
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