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27/03/2018 | FRANCE | N°16LY01045

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 27 mars 2018, 16LY01045


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de l'indemniser à hauteur de 41 168,72 euros pour les préjudices subis du fait de fautes commises par le centre hospitalier de Murat, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 mai 2014.

Par un jugement n° 1401456 du 4 février 2016, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné le centre hospitalier de Murat à lui verser la somme de 23 366,76 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 j

uillet 2014 et rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour

Par une ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de l'indemniser à hauteur de 41 168,72 euros pour les préjudices subis du fait de fautes commises par le centre hospitalier de Murat, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 mai 2014.

Par un jugement n° 1401456 du 4 février 2016, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné le centre hospitalier de Murat à lui verser la somme de 23 366,76 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 juillet 2014 et rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 24 mars 2016 et le 5 août 2016 sous le n° 16LY01045 le centre hospitalier de Murat, représenté par Me Laurent (Selarl Auverjuris), avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 février 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée en première instance par Mme D... ;

3°) de mettre à charge de Mme D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à juste titre qu'aucune faute n'a été retenue relativement aux contrats conclus avant le 1er avril 2007 ;

- la vacance du poste en dépit d'un processus de recrutement organisé en 2002, 2003, 2005, 2006 sur lequel Mme D... a été recrutée est établie par les pièces au dossier ;

- la commission médicale a décidé en 2010 de ne pas recruter sur le poste occupé par Mme D... de praticien hospitalier dans l'attente du rapprochement envisagé avec le centre hospitalier de Saint-Flour ;

- le centre hospitalier a bénéficié d'une dérogation pour recruter postérieurement à une durée de deux ans Mme D... du 1er avril 2007 au 31 mars 2011 et du fait que cette situation était favorable à Mme D... ;

- Mme D... ne pouvait être engagée avant le 1er avril 2011 comme attaché du fait de l'absence d'inscription à l'ordre national des pharmaciens ;

- le centre hospitalier a suivi les instructions de l'Agence régionale de santé ;

- le temps partiel exercé a été demandé par Mme D... ;

- du fait de la légalité des contrats de travail, il n'y a pas lieu d'indemniser une perte de rémunération du passage du statut de praticien contractuel au statut d'attaché ; aucune baisse de rémunération n'a résulté de ce changement de statut ;

- l'indemnité de précarité n'est due qu'au terme du contrat qui ne s'est pas poursuivi ;

- en absence de fautes, il n'y a pas lieu d'indemniser un préjudice moral.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 juin 2016 et 10 octobre 2016 Mme D..., représentée par Me De Michelena, avocate, dans le dernier état de ses écritures, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à porter son indemnisation à 38 247,40 euros ;

3°) à la condamnation du centre hospitalier de Murat à une amende pour recours abusif de 3 000 euros ;

4°) à la condamnation du centre hospitalier de Murat à lui verser 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucun moyen de la requête n'est fondé ;

- elle devait être recrutée dès octobre 2006 en tant que praticien contractuel à durée indéterminée du fait de la caducité de l'arrêté préfectoral du 8 mars 2006 ;

- elle devait au terme de la période de vingt-quatre mois prévue par l'article R. 6152-402 du code de la santé publique être considérée comme disposant d'un contrat à durée indéterminée ;

- en application de l'article R. 6152-403 du code de la santé publique, elle disposait d'une durée de six ans de contrat lui conférant le droit à un contrat à durée indéterminée en mars 2011 ;

- elle aurait dû bénéficier d'un contrat à durée indéterminée du fait de son âge et de l'ancienneté de ses services ;

- elle ne pouvait être recrutée à temps partiel du fait des responsabilités afférentes à son poste ;

- elle devait bénéficier de l'indemnité de l'article R. 6152-629 et R. 6152-413-1 du code de la santé publique.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code du travail ;

- le décret n° 2006-1221 du 5 octobre 2006 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Clément, premier conseiller,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

- et les observations de Me Laurent (Selarl Auverjuris), avocat, pour le centre hospitalier de Murat, ainsi que celles de Me De Michelena, avocate, pour Mme D... ;

1. Considérant que par sa requête susvisée, le centre hospitalier de Murat relève appel du jugement du 4 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'a condamné à payer à Mme D... une somme de 23 366,76 euros augmentée des intérêts de droit en réparation des préjudices résultant des conditions dans lesquelles elle y a été employée entre 2000 et 2013 ; que par ses conclusions d'appel incident, Mme D... demande que le montant des indemnités que lui a allouées le tribunal soit porté à la somme de 38 247,40 euros ;

2. Considérant qu'entre le 1er mars 2000 et le 31 mars 2007, Mme D..., pharmacienne, a été recrutée pour être affectée au centre hospitalier de Murat en qualité de praticien des hôpitaux à temps partiel à titre provisoire par sept arrêtés préfectoraux ; qu'elle y a été ensuite, du 1er avril 2007 au 31 mars 2011, employée en tant que praticien contractuel à temps partiel par contrats à durée déterminée directement conclus avec le centre hospitalier puis, du 1er avril 2011 au 31 mars 2013, en tant que praticien attaché à temps partiel, également par contrats à durée déterminée ;

Sur la responsabilité :

S'agissant des arrêtés préfectoraux recrutant à titre provisoire Mme D... du 1er mars 2000 au 31 mars 2007 :

3. Considérant que durant la période du 1er mars 2000 au 31 mars 2007, Mme D... a été employée au centre hospitalier de Murat en vertu d'arrêtés préfectoraux ; qu'en tout état de cause, la responsabilité du centre hospitalier ne peut être engagée à raison de l'illégalité supposée de ces arrêtés ;

S'agissant des contrats recrutant Mme D... en tant que praticien contractuel à temps partiel du 1er avril 2007 jusqu'au 31 mars 2011 :

4. Considérant que Mme D... a été recrutée du 1er avril 2007 au 31 mars 2011 par contrats à durée déterminée sur le fondement de l'article 25 du décret 2006-1221 du 5 octobre 2006 et du 4ème alinéa de l'article R. 6152-402 du code de la santé publique, aux termes duquel : " Les praticiens contractuels mentionnés à l'article R. 6152-401 ne peuvent être recrutés que dans les cas et conditions suivants : (...) 4° Pour occuper, en cas de nécessité de service et lorsqu'il s'avère impossible d'opérer un tel recrutement en application des dispositions statutaires en vigueur, un poste de praticien à temps plein ou à temps partiel resté vacant à l'issue de chaque procédure statutaire de recrutement. Le contrat peut être conclu pour une période maximale de six mois renouvelable dans la limite d'une durée totale d'engagement de deux ans ; " ; que ces dernières dispositions, qui ne prévoient aucune dérogation, s'opposaient à ce que Mme D..., recrutée comme praticien contractuel le 1er avril 2007, continuât à être employée en cette qualité au delà du 31 mars 2009 ; qu'il suit de là que le centre hospitalier de Murat, qui ne peut utilement invoquer l'autorisation qui lui aurait été donnée de déroger à ces dispositions réglementaires par le directeur régional des affaires sanitaires et sociales, ni se prévaloir de ce que la prolongation illégale de son emploi dans de telles conditions aurait été favorable à Mme D..., n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a retenu qu'en employant cette dernière en tant que praticien contractuel au-delà du 1er avril 2009, il a commis une faute engageant sa responsabilité ;

5. Considérant que la prolongation par des contrats à durée déterminée irréguliers de l'emploi comme praticien contractuel de Mme D... n'a pas pour effet de transformer ces contrats en contrat à durée indéterminée ; que Mme D... ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article R. 6152-403 relatives au recrutement sur certaines missions de praticiens contractuels dès lors que ses contrats n'ont pas été conclus sur ce fondement ; que le recrutement par contrats à durée déterminée successifs depuis 2000 ne lui donnaient pas vocation à disposer d'un contrat à durée indéterminée ; que par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir qu'elle disposait, du fait des illégalités commises par le centre hospitalier, d'un contrat à durée indéterminée ;

6. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article R. 6152-418 du code de la santé publique et de celles de l'article L. 1243-8 du code du travail auxquelles il renvoie, une indemnité de précarité est due au terme d'un contrat à durée déterminée lorsque les relations contractuelles ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée ; que par suite, le centre hospitalier a commis une faute engageant sa responsabilité en ne versant pas ces indemnités ;

S'agissant des contrats recrutant Mme D... en tant que praticien attaché à temps partiel du 1er avril 2011 jusqu'au 31 mars 2013 :

7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 6152-601 dans sa rédaction alors applicable : " Les praticiens attachés exercent des fonctions hospitalières et participent aux missions définies à l'article L. 6112-1./ Ils sont placés sous l'autorité du chef de pôle ou, à défaut, du responsable du service, de l'unité fonctionnelle ou de toute autre structure interne dont ils relèvent. " ; que ces dispositions n'interdisaient pas de recruter Mme D... sur un tel poste en dépit du fait qu'aucun autre pharmacien n'était en poste au centre hospitalier ;

8. Considérant que dès lors que le centre hospitalier pouvait légalement recruter sur un poste de praticien attaché Mme D..., celle-ci ne peut, en tout état de cause, soutenir que le centre hospitalier à commis une faute en ne lui versant pas la rémunération correspondant aux contrats dont elle bénéficiait au titre de praticien contractuel ;

S'agissant du recrutement de Mme D... sur un poste à temps partiel :

9. Considérant qu'aux termes de l'article R. 5126-14 du code de la santé publique alors applicable : " Les pharmacies à usage intérieur ne peuvent fonctionner sur chacun de leurs sites d'implantation qu'en présence du pharmacien chargé de la gérance ou de son remplaçant ou d'un pharmacien adjoint mentionné à l'article R. 5125-34 exerçant dans cette pharmacie. " ; que si le centre hospitalier de Murat aurait dû s'assurer de la présence d'un pharmacien pendant toute la durée des périodes de fonctionnement de la pharmacie, il n'en résulte pas pour autant que les contrats à temps partiel de la requérante était irréguliers et que le centre hospitalier de Murat était tenu de lui accorder des contrats pour une durée supérieure ;

Sur l'indemnisation des préjudices :

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme D... est fondée à demander l'indemnisation de l'absence de versement des indemnités de précarités à hauteur de 5 247,35 euros ;

11. Considérant qu'en absence de faute dans le recrutement de Mme D... comme praticien attaché à compter du 1er avril 2011, celle-ci n'est pas fondée à soutenir qu'il convient de réparer le préjudice salarial résultant de sa rémunération comme praticien attaché au lieu de praticien contractuel ainsi que du différentiel en résultant dans le calcul de ses allocations pour perte d'emploi ;

12. Considérant que Mme D... ne disposant pas d'un contrat de praticien attaché à durée indéterminée, elle ne peut prétendre au versement de l'indemnité de licenciement prévue par les dispositions des articles R. 6152-413-1 et R. 6152-629 du code de la santé publique ;

13. Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par Mme D... du fait de la situation de précarité dans laquelle elle a été maintenue du 1er avril 2009 au 31 mars 2011 par des contrats irréguliers par le centre hospitalier de Murat en l'indemnisant à hauteur de 5 000 euros ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de ramener à la somme de 10 247,35 euros le montant des indemnités allouées à Mme D... par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand et de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a de contraire au présent arrêt ;

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier de Murat qui n'est pas partie perdante dans la présente instance soit condamné à verser à Mme D... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D... les sommes demandées par le centre hospitalier de Murat au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

16. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros " ; que la faculté prévue par ces dispositions constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de Mme D... tendant à ce que le centre hospitalier de Murat soit condamné à une telle amende ne sont pas recevables ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le montant des indemnités mises à la charge du centre hospitalier de Murat par l'article 1er du jugement n° 1404056 du 4 février 2016 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est ramené à la somme de 10 247,35 euros.

Article 2 : Le jugement n° 1401456 du 4 février 2016 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du centre hospitalier de Murat et les conclusions présentées devant la cour par Mme D... sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Murat et à Mme B... D....

Délibéré après l'audience du 6 mars 2018, à laquelle siégeaient :

M. Hervé Drouet, président de la formation de jugement,

M. Marc Clément, premier conseiller,

Mme C... A..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 27 mars 2018.

6

N° 16LY01045

mg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY01045
Date de la décision : 27/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-07-11-01 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Obligations des fonctionnaires. Devoir de réserve.


Composition du Tribunal
Président : M. DROUET
Rapporteur ?: M. Marc CLEMENT
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL AUVERJURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-03-27;16ly01045 ?
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