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20/03/2018 | FRANCE | N°16LY01357

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 20 mars 2018, 16LY01357


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... F... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 27 février 2015, par lesquelles le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1501015 du 25 février 2016, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 avril 2016, Mme

F..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... F... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 27 février 2015, par lesquelles le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1501015 du 25 février 2016, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 avril 2016, Mme F..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 25 février 2016 ;

2°) d'annuler les décisions du 27 février 2015 par lesquelles le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Mme F... soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- la décision de refus de titre de séjour procède d'une erreur de droit et d'une appréciation manifestement erronée de la situation personnelle de l'intéressée, dans la mesure où la fraude n'est pas démontrée et qu'aucune expertise biologique n'a été diligentée et où il n'est pas démontré que M. E... A... n'exerce pas l'autorité parentale ou n'aurait aucun lien avec son enfant ;

- le centre de ses intérêts personnels étant sur le territoire français, où elle a un compagnon et s'est construit une vie professionnelle et personnelle, la décision litigieuse méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juillet 2016, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le jugement est suffisamment motivé et elle n'avait pas contesté la motivation des décisions litigieuses en première instance ;

- l'appelante était déjà enceinte de plus de trois mois lorsqu'elle est entrée sur le territoire français et il n'est pas démontré que M. E..., qui a reconnu l'enfant, se serait rendu au Cameroun avant cette entrée en France ;

- l'appelante a d'abord sollicité l'asile et ne s'est prévalue des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que dans un second temps, une fois sa demande rejetée par l'OFPRA, soit plus de dix mois après son entrée en France et près de cinq mois après la naissance de son enfant ;

- elle ne justifie pas avoir vécu, même brièvement, avec M. E..., lequel réside en Seine-et-Marne et rien n'indique que celui-ci aurait l'intention de nouer des liens avec l'enfant de l'appelante, cette dernière ayant au contraire indiqué n'avoir plus de nouvelle de lui depuis l'enregistrement de la reconnaissance de paternité ;

- bien que marié depuis 1995 avec une femme dont il a eu deux enfants, M. E..., résidant toujours en Seine-et-Marne, est allé reconnaitre à Strasbourg, l'enfant d'une autre ressortissante étrangère ;

- ces différents indices sont suffisants pour établir la fraude et l'appelante n'apporte aucun élément pour les contredire ;

- l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'a pas été méconnu dans la mesure où Mme F... a passé 27 années dans son pays d'origine, elle est célibataire et ne serait pas isolée en cas de retour au Cameroun, où résident ses parents et sa fratrie, et alors qu'elle ne justifie pas avoir une relation de concubinage et ne justifie pas d'une insertion particulière en France.

Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mai 2016.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vinet, premier conseiller,

- et les observations de MeC..., représentant le préfet de la Côte-d'Or ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme F..., ressortissante camerounaise, a sollicité, le 24 novembre 2010, auprès de l'office français pour la protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le statut de réfugié, demande rejetée le 22 juin 2011, la Cour nationale du droit d'asile ayant confirmé cette décision le 16 décembre suivant. Entre-temps, 15 mars 2011, elle a donné naissance à Dijon, à l'enfant Joyce Emmanuel, reconnu le 17 mars 2011 par M. E... A..., ressortissant de nationalité française né en 1965 au Congo-Brazzaville, et résidant en Seine-et-Marne. Ayant obtenu, le 2 mai 2011, un certificat de nationalité française pour son enfant, elle a, le 9 août 2011 demandé un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en qualité de parent d'enfant français. Elle a obtenu la délivrance d'un tel titre une première fois, le 24 août 2011, titre de séjour renouvelé jusqu'au 2 septembre 2014. Elle a sollicité le renouvellement de ce titre le 1er septembre 2014. Par arrêté du 27 février 2015, le préfet de la Côte d'Or a rejeté sa deuxième demande de renouvellement de titre de séjour, motif pris du caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité effectuée par M. E... A..., a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle devrait être éloignée. Mme F... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement :

2. La requérante soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qu'il écarte le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions contestées. Mais ce moyen n'ayant pas été soulevé en première instance, le tribunal administratif ne l'a pas examiné. Ainsi, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement pour le motif indiqué doit être écarté. Pour le reste, les critiques adressées au jugement se rapportent au raisonnement tenu par les premiers juges et non à sa motivation.

Sur les conclusions aux fins d'annulation

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du CESEDA : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ; ".

4. La décision rejetant la demande de renouvellement de titre de séjour présentée par Mme F... sur le fondement des dispositions précitées, comporte le visa de l'ensemble des textes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des conventions internationales susceptibles de lui être applicables, ainsi que des différents actes administratifs dont elle a fait l'objet. Elle rappelle l'ensemble des éléments de fait se rapportant à la situation de Mme F..., et expose de façon détaillée les raisons pour lesquelles le préfet refuse de lui accorder le renouvellement de son titre de séjour. Elle est par suite suffisamment motivée.

5. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers. Tel est le cas pour la mise en oeuvre des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'ont pas entendu écarter l'application des principes ci-dessus rappelés. Par conséquent, si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.

6. Pour considérer que Mme F... ne remplissait pas les conditions posées par le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a indiqué que M. E... A..., de nationalité française et né au Congo Brazzaville, était l'auteur de plusieurs reconnaissances de paternité, en dehors de son mariage avec une compatriote avec laquelle il a eu deux enfants, et sans justifier avoir été entretenu une relation avec les mères des enfants reconnus. Il a également retenu que la demande de titre de séjour de Mme F... a été déposée postérieurement au rejet de sa demande d'asile par l'office français de protection des réfugiés et des apatrides, et très peu de temps après qu'elle eut formé un recours devant la Cour nationale du droit d'asile, et alors qu'elle n'a jamais mentionné devant ces instances avoir eu une relation avec M. E... A.... Il a pris en compte le fait qu'elle vivait alors seule, n'a jamais été en mesure d'établir l'existence d'une vie commune ou même de contact avant, durant ou après la reconnaissance de paternité avec M. E... A... et assure seule l'entretien et l'éducation de son enfant. Le préfet a également considéré que M. A... ne pouvait, par ailleurs, être considéré comme le père biologique de son enfant.

7. Dans le cadre de son recours contre la décision litigieuse de refus de renouvellement d'un titre de séjour, Mme F... soutient que les éléments rassemblés par le préfet sont insuffisants pour établir la fraude. Toutefois, la requérante, dont l'enfant a été conçu avant son entrée en France, n'apporte aucun élément permettant de considérer comme établi le fait qu'elle aurait fait la connaissance de M. E... A... au Cameroun, comme elle le soutient, antérieurement à son entrée en France. En particulier, elle ne donne aucune précision sur les dates et les circonstances de cette rencontre, ni aucune pièce d'aucune sorte à ce sujet. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que M. E... A..., qui réside en Seine-et-Marne, ait jamais rencontré l'enfant Joyce Emmanuel, né à Dijon, qu'il a reconnu le 17 mars 2011, sans manifester ensuite un quelconque intérêt pour celui-ci. Le versement d'une somme d'argent par M. E... A... à la requérante en cours d'instance devant le tribunal administratif n'est pas de nature à démontrer un tel intérêt. Par ailleurs le préfet a produit en première instance un extrait d'acte de naissance établi le 14 mai 2013 à Strasbourg, selon lequel M. E... A... a reconnu l'enfant d'une autre ressortissante étrangère, avec lequel il n'a ensuite entretenu aucun lien ni n'a subvenu aux besoins. Ainsi, les éléments retenus par le préfet dans sa décision ne sont pas sérieusement contestés. Si aucun de ces éléments n'est, à soi seul, suffisant pour établir la fraude, le préfet de la Côte-d'Or doit être regardé, au regard desdits éléments, comme apportant des éléments précis et circonstanciés de nature à établir que la reconnaissance de l'enfant de la requérante par un ressortissant français a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour. Dans ces conditions, le moyen tiré de la violation du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise et alors même que le procureur de la République n'aurait pas été saisi.

8. Mme F... est entrée en France en octobre 2010, à l'âge de 27 ans et a donc passé la majeure partie de sa vie au Cameroun, où vivent ses parents et ses frères et soeurs. A la date de la décision de refus de titre de séjour, soit le 27 février 2015, son séjour en France était encore récent. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les relations personnelles et la vie professionnelle qu'elle a développées en France seraient telles que le préfet aurait porté à sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée en prenant la décision de refus de titre de séjour litigieuse.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1990.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à de MmeD... F... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Côte d'Or.

Délibéré après l'audience du 27 février 2018, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président,

Mme Menasseyre, président-assesseur,

Mme Vinet, premier conseiller.

Lu en audience publique le 20 mars 2018.

6

N° 16LY01357

fg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY01357
Date de la décision : 20/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : LUKEC

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-03-20;16ly01357 ?
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