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13/03/2018 | FRANCE | N°16LY02307

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 13 mars 2018, 16LY02307


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 8 juillet 2016, la SAS Mont, représentée par la SCP A... -Escoubès, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 17 mai 2016 par lequel le maire de la commune d'Evian-les-Bains a délivré à la société d'exploitation Provencia un permis de construire un supermarché d'une surface de vente de 2018 m² à l'enseigne Carrefour Market, en tant que ce permis tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale ;

2°) de mettre une somme de 5 000 euros à la charge de la commune d'Evian-les-Bains et de la so

ciété d'exploitation Provencia au titre de l'article L. 761-1 du code de justice admi...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 8 juillet 2016, la SAS Mont, représentée par la SCP A... -Escoubès, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 17 mai 2016 par lequel le maire de la commune d'Evian-les-Bains a délivré à la société d'exploitation Provencia un permis de construire un supermarché d'une surface de vente de 2018 m² à l'enseigne Carrefour Market, en tant que ce permis tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale ;

2°) de mettre une somme de 5 000 euros à la charge de la commune d'Evian-les-Bains et de la société d'exploitation Provencia au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle justifie d'un intérêt pour agir dès lors que le projet autorisé aura un impact significatif sur l'activité du supermarché à l'enseigne Intermarché qu'elle exploite dans la zone de chalandise ;

- le projet ne se situe pas en centre-ville mais en entrée de ville, ainsi que l'a relevé la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC), sans pour autant tirer les conséquences de l'erreur grossière d'implantation commise par la CDAC, ayant pour objet et pour effet de contourner le SCOT du Chablais ; le projet est en effet incompatible avec ce document ;

- la détermination de la zone de chalandise du projet s'est faite en retenant sept communes et en excluant arbitrairement les communes de Lugrin, Neuvecelle et Thonon-les-Bains, qui entrent dans le critère retenu par le pétitionnaire d'un temps de trajet en voiture d'une quinzaine de minutes ; ce critère est manifestement insuffisant, la chambre de commerce et d'industrie de la Haute-Savoie ayant déterminé une zone de chalandise d'un rayon de 10 km, comprenant vingt-quatre communes ;

- la détermination d'une zone de chalandise erronée, qui a dissimulé 21 000 m² de surface commerciale, a faussé l'appréciation de la CNAC.

Par un mémoire, enregistré le 18 octobre 2017, la commune d'Evian-les-Bains, représentée par la SELAS Adamas-Affaire Publiques, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la SAS Mont au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, faute pour la SAS Mont qui exploite un magasin situé à Lugrin, en dehors de la zone de chalandise, de justifier d'un intérêt à agir ;

- les moyens de la requête sont infondés.

Par un mémoire, enregistré le 13 novembre 2017, la société d'exploitation Provencia, représentée par la SELARL Létang Avocats, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de la SAS Mont au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la CNAC a considéré la zone de chalandise régulière et déclaré irrecevable le recours administratif préalable obligatoire exercé par la SAS Mont, qui ne dispose d'aucune qualité lui donnant intérêt pour agir ;

- les moyens de la requête sont infondés.

La clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 4 décembre 2017 par ordonnance du 16 novembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public ;

- et les observations de Me A... pour la SAS Mont, celles de Me C... pour la commune d'Evian-les-Bains, ainsi que celles de Me B... pour la société d'exploitation Provencia ;

Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré enregistrée le 8 février 2018, présentée pour la société d'exploitation Provencia ;

1. Considérant que, par un arrêté du 17 mai 2016, le maire de la commune d'Evian-les-Bains a délivré à la société d'exploitation Provencia un permis de construire un supermarché d'une surface de vente de 2018 m² à l'enseigne Carrefour Market ; que la SAS Mont demande l'annulation de ce permis de construire en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 600-10 du code de l'urbanisme : " Les cours administratives d'appel sont compétentes pour connaître en premier et dernier ressort des litiges relatifs au permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale prévu à l'article L. 425-4. " ; qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 425-4 de ce code, dans sa rédaction issue de l'article 39 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial. / A peine d'irrecevabilité, la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées à l'article L. 752-17 du même code est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire. " ; qu'aux termes de l'article L. 752-17 du code de commerce : " I. Conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, (...), tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial. (...) " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'en vertu du 2° de l'article R. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction issue du décret n° 2015-165 du 12 février 2015 relatif à l'aménagement commercial, le dossier de demande comporte les informations relatives à la zone de chalandise et à l'environnement proche du projet, en particulier une carte ou un plan indiquant les limites de la zone de chalandise ; qu'aux termes l'article R. 752-3 du code de commerce, dans sa rédaction applicable : " Pour l'application du présent titre, constitue la zone de chalandise d'un équipement faisant l'objet d'une demande d'autorisation d'exploitation commerciale l'aire géographique au sein de laquelle cet équipement exerce une attraction sur la clientèle. Elle est délimitée en tenant compte notamment de la nature et de la taille de l'équipement envisagé, des temps de déplacement nécessaires pour y accéder, de la présence d'éventuelles barrières géographiques ou psychologiques et de la localisation et du pouvoir d'attraction des équipements commerciaux existants. " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de demande de permis de construire que la société d'exploitation Provencia a défini une zone de chalandise regroupant sept communes du département de la Haute-Savoie ; que la détermination de la zone de chalandise s'est faite par référence à un temps de trajet en voiture d'une quinzaine de minutes, qui n'est pas manifestement insuffisant, contrairement à ce que soutient la SAS Mont, compte tenu de la nature et de la taille de l'équipement envisagé, d'une surface de vente de 2018 m² ; que certains secteurs situés à quinze minutes du projet mais dans lesquels les consommateurs disposent déjà sur place ou à proximité d'un ensemble commercial au moins équivalent ont été exclus du périmètre de la zone de chalandise, afin de tenir compte du pouvoir d'attraction des équipements commerciaux existants, en particulier des pôles de Thonon-les-Bains et de Publier et, dans une moindre mesure, de Lugrin ; qu'ont été prises en compte les barrières géographiques que constituent notamment l'étroitesse des rives et les difficultés de circulation depuis l'est d'Evian-les-Bains en saison touristique ; que la SAS Mont, qui exploite un magasin à l'enseigne Intermarché d'une surface de vente de 2337 m², équipé d'un "drive" et d'une station de carburant à Lugrin, commune située à huit kilomètres à l'est du projet, hors de la zone de chalandise définie par le pétitionnaire, ne démontre par aucun élément probant le caractère irrégulier de la délimitation ainsi opérée, dont la validité n'a pas été remise en cause par les services instructeurs ; que la SAS Mont ne saurait, à cet égard, utilement invoquer le recensement par la chambre de commerce et d'industrie de la Haute-Savoie des supermarchés existants dans un rayon de dix kilomètres, comprenant vingt-quatre communes, qui ne saurait être assimilé à la délimitation d'une zone de chalandise ; qu'il en résulte que la SAS Mont, dont le supermarché ne se trouve pas situé dans la zone d'attraction de l'équipement commercial en litige, ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir en vertu de l'article L. 752-17 du code de commerce cité au point 2 ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête de la SAS Mont est irrecevable faute d'intérêt pour agir et qu'elle doit être rejetée, de même, par voie de conséquence, que ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la SAS Mont le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune d'Evian-les-Bains et d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la société d'exploitation Provencia ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Mont est rejetée.

Article 2 : La SAS Mont versera une somme de 2 000 euros à la commune d'Evian-les-Bains et une somme de 1 000 euros à la société d'exploitation Provencia au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Mont, à la commune d'Evian-les-Bains et à la société d'exploitation Provencia.

Copie en sera adressée à la Commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 6 février 2018 à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président de chambre ;

M. Antoine Gille, président-assesseur ;

Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 mars 2018.

2

N° 16LY02307

fg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY02307
Date de la décision : 13/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Réglementation des activités économiques. Activités soumises à réglementation. Aménagement commercial.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : SCP FAVRE-ESCOUBES - AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-03-13;16ly02307 ?
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