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08/03/2018 | FRANCE | N°17LY01732

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 08 mars 2018, 17LY01732


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Nemo a demandé au tribunal administratif de Grenoble, par une première requête, d'annuler la décision du 17 mars 2016 par laquelle le maire de Montélimar a rejeté le recours gracieux qu'elle avait présenté contre la décision du 5 février 2015 portant refus de transfert du débit de tabac situé n° 101, rue Pierre Julien à Montélimar et, par une seconde requête, d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Drôme a rejeté son recours hiérarchique présenté le 20 avril 2

016.

Par le jugement nos 1602317-1604329 du 9 février 2017, le tribunal administratif ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Nemo a demandé au tribunal administratif de Grenoble, par une première requête, d'annuler la décision du 17 mars 2016 par laquelle le maire de Montélimar a rejeté le recours gracieux qu'elle avait présenté contre la décision du 5 février 2015 portant refus de transfert du débit de tabac situé n° 101, rue Pierre Julien à Montélimar et, par une seconde requête, d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Drôme a rejeté son recours hiérarchique présenté le 20 avril 2016.

Par le jugement nos 1602317-1604329 du 9 février 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et deux mémoires enregistrés respectivement le 13 avril, le 29 juin et le 2 novembre 2017, la société Nemo, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 février 2017 en tant qu'il a rejeté sa demande dirigée contre la décision du maire de Montélimar du 17 mars 2016 ;

2°) d'annuler la décision du maire de la commune de Montélimar du 17 mars 2016 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Montélimar la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Nemo soutient que :

- l'avis de la Confédération des buralistes a été rendu le 27 janvier 2016, après le délai d'un mois prévu par l'article 70 de la loi du 12 mai 2009, il devait donc être considéré comme favorable ;

- la décision est insuffisamment motivée en fait et en droit ; elle n'arrive pas à connaître la teneur des avis de la Confédération des buralistes et du directeur régional des douanes et des droits indirects ;

- le maire a fait une application erronée de l'article 9 du décret du 28 juin 2010, le réseau local existant n'étant nullement compromis ; en outre elle a reçu toutes les autorisations administratives en ce qui concerne l'accessibilité du public et le permis d'aménager les lieux pour l'exploitation d'une licence de tabac ;

- le maire a également fait une application erronée de l'article 11 du même décret, article qui donne une liste limitative d'endroits où l'implantation des débits est interdite, et qui est au cas d'espèce inapplicable ;

- la décision est entachée de détournement de pouvoir, le maire a davantage agi comme représentant de sa commune que comme agent de l'État ;

- ce refus d'autorisation de transfert lui a fait subir un grave préjudice économique.

La société Nemo a produit deux mémoires, enregistrés les 2 et 6 février 2018, qui n'ont pas été communiqués.

Par des mémoires en défense enregistrés les 20 juin, 12 juillet et 7 novembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la société Nemo tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 février 2017 ;

2°) de rejeter sa demande d'annulation de la décision du 17 mars 2016 ;

3°) de ne pas condamner l'État au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le ministre fait valoir que :

- l'avis défavorable rendu par la Confédération des buralistes était parfaitement valable et quand bien même il ne l'aurait pas été, cela n'aurait eu aucune incidence sur la légalité de la décision dès lors qu'il ne s'agit que d'un avis simple ;

- la décision est suffisamment motivée, elle ne saurait en outre méconnaître la loi du 11 juillet 1979 qui est abrogée depuis le 1er janvier 2016 ;

- la décision attaquée est justifiée puisqu'elle a été prise pour éviter de fragiliser davantage le réseau local existant ; la circonstance que la société ait, par ailleurs, reçu toutes les autorisations qu'elle avait demandées est sans incidence sur la légalité de la décision ;

- la décision attaquée n'a pas été prise sur le fondement de l'article 11 du décret du 28 juin 2010 ;

- elle n'est pas entachée de détournement de pouvoir ;

- si la société a subi un préjudice économique, elle n'y est pas étrangère puisqu'elle aurait dû attendre d'obtenir l'autorisation de déplacer son bureau de tabac avant d'entreprendre des travaux.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 3 octobre 2017, la commune de Montélimar, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) de confirmer le jugement attaqué du 9 février 2017 et de rejeter la requête de la société Nemo qui est irrecevable et infondée ;

2°) de mettre à la charge de la société Nemo la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune fait valoir que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'elle ne comporte pas de moyens d'appel et que les conclusions sont mal dirigées en ce que la société Nemo n'attaque que la décision du 17 mars 2016 qui a rejeté son recours gracieux contre la décision du 5 février 2016 ;

- la décision contestée n'est entachée d'aucun vice de procédure ; au surplus, le maire n'est pas lié par l'avis de la Confédération des buralistes ;

- la décision du 17 mars 2016 est parfaitement motivée puisqu'elle confirme celle du 5 février 2016 qui répond à toutes les exigences des articles L. 211-2 et suivants du code des relations entre le public et l'administration ; en l'absence de demande de la requérante, elle n'avait pas à communiquer les avis de la Confédération des buralistes et du directeur régional des douanes et des droits indirects ;

- le refus de transfert n'est entaché d'aucune erreur d'appréciation ;

- la requérante ne peut se prévaloir de l'autorisation de la commune de réaliser des travaux ; la circonstance que le débit de tabac devrait être transféré en raison de l'impossibilité de mise aux normes pour les personnes à mobilité réduite ne saurait avoir une incidence sur la légalité de la décision contestée ;

- cette dernière n'est pas entachée d'erreur de droit en ce qu'elle se réfère à l'article 11 du décret du 28 juin 2010 ;

- elle n'est pas davantage entachée de détournement de pouvoir ;

- le moyen tiré du préjudice économique est inopérant dès lors que la société ne présente pas de conclusions indemnitaires.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 ;

- le décret n° 2010-720 du 28 juin 2010 relatif à l'exercice du monopole de la vente au détail des tabacs manufacturés ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gondouin,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant la société Nemo, et de Me A...représentant la commune de Montélimar ;

1. Considérant que la société Nemo, qui exploite un fonds de commerce de buvette, bar, vente d'articles de fumeur incluant une licence de vente de tabac, a sollicité du maire de Montélimar l'autorisation de déplacer son débit de tabac de la rue Pierre Julien vers l'avenue du Gournier (ZI) ; que, par un courrier du 5 février 2016, le maire de Montélimar a refusé d'accorder cette autorisation, refus qu'il a maintenu par une décision du 17 mars 2016 à la suite du recours gracieux de la société Nemo ; que celle-ci a également saisi le préfet de la Drôme d'un recours hiérarchique ; que la société a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du maire du 17 mars 2016 et le rejet implicite de son recours hiérarchique ; que le tribunal administratif, a rejeté ses demandes par un jugement du 9 février 2017 ; que la société Nemo relève appel de ce jugement en tant seulement qu'il a rejeté sa demande dirigée contre la décision du maire de Montélimar du 17 mars 2016 ;

Sur l'intervention de la commune de Montélimar :

2. Considérant que la commune de Montélimar a intérêt au maintien de la décision attaquée ; que son intervention est dès lors recevable ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 70 de la loi du 12 mai 2009, ci-dessus visée, de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures : " Le déplacement, dans la même commune, d'un débit de tabac ordinaire permanent est autorisé par le maire, après avis du directeur régional des douanes et de l'organisation professionnelle représentative sur le plan national des débitants de tabac. / À défaut de réponse dans le délai d'un mois à compter de la date de saisine, le silence gardé par le directeur régional des douanes ou par l'organisation professionnelle représentative sur le plan national des débitants de tabac vaut avis favorable " ;

4. Considérant, en premier lieu, que conformément à ces dispositions le maire de Montélimar, avant de prendre une décision sur la demande d'autorisation de déplacement du débit de tabac, a saisi pour avis le directeur régional des douanes et la Confédération des buralistes ; que cette organisation professionnelle, saisie par un courrier du maire daté du 15 décembre 2015 et qu'elle soutient avoir reçu le 4 janvier 2016, a rendu son avis défavorable le 27 janvier 2016, dans le délai d'un mois à compter de sa saisine ; que la société requérante n'est, par suite, pas fondée à soutenir que faute de réponse dans le délai d'un mois suivant la saisine de la Confédération des buralistes son avis était réputé favorable ; qu'au surplus il ne résulte nullement des dispositions précitées que l'avis rendu par les autorités ou organismes consultés aurait pu lier le maire de Montélimar ; que, par suite, à supposer même que l'avis de la Confédération des buralistes ait pu être favorable, cette circonstance resterait sans incidence sur la légalité de la décision contestée ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 " ; qu'aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;

6. Considérant que la décision contestée du 17 mars 2016 répond au recours gracieux de la société Nemo dirigé contre la décision du 5 février 2016 qui était elle-même suffisamment motivée ; que la décision du 17 mars 2016 comporte, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, outre la mention du décret ci-dessus visé du 28 juin 2010 relatif à l'exercice du monopole de la vente au détail des tabacs manufacturés, les considérations de fait qui ont amené le maire à refuser l'autorisation demandée ; que le maire n'était pas obligé de joindre à ses décisions les avis défavorables du directeur régional des douanes et de la Confédération des buralistes qui n'était pas davantage tenue, lorsqu'elle est venue sur les lieux à la fin de l'année 2015, d'en informer les gérants de la société Nemo ; que, dès lors, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée méconnaît les dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article 13 du décret ci-dessus cité du 28 juin 2010 : " Un débit de tabac ordinaire permanent peut être déplacé à l'intérieur d'une même commune dans les conditions prévues à l'article 70 de la loi du 12 mai 2009 susvisée. / Les dispositions des articles 9 et 11 s'appliquent aux déplacements intra-communaux " ; qu'aux termes de l'article 9 du même décret : " L'implantation d'un débit de tabac ne doit pas avoir pour effet de déséquilibrer le réseau local existant de vente au détail des tabacs " ; que l'article 11 du même texte définit les zones dans lesquelles les implantations de débit de tabac sont interdites ;

8. Considérant qu'il ressort de l'avis de la direction régionale des douanes que le réseau local, constitué non seulement des débitants de tabac mais aussi des établissements ayant le statut de revendeur de tabac avec l'obligation de s'approvisionner auprès du débitant de tabac le plus proche géographiquement, a été affecté par plusieurs déplacements intervenus dans la commune ; que ces trois déplacements vers le secteur sud de la commune de Montélimar ont affecté le chiffre d'affaires de trois des débits de tabac environnants ; que celui qui est envisagé par la société requérante fragiliserait encore un peu plus ceux qui ont été précédemment touchés ; que, selon la Confédération des buralistes, le déplacement de son débit de tabac par la société Nemo modifierait sa zone de chalandise ; que le nouveau point de vente de cette société se rapprocherait d'un débit de tabac dont la gérante a pris ses fonctions il y a un an et demi et pourrait déstabiliser son activité ; que cette gérante dispose de deux tolérances de revente de tabac à des établissements de son secteur (une station-service et une discothèque), dont la société Nemo profiterait en devenant la buraliste le plus proche des établissements revendeurs ; que le maire de Montélimar, en retenant dans sa décision du 17 mars 2016, que " un déplacement tel qu'envisagé aurait bien pour effet de déséquilibrer le réseau local au plan communal et ne satisferait aucunement une clientèle résidente de proximité " n'a pas fait une application erronée des dispositions de l'article 9 du décret du 28 juin 2010 ni commis d'erreur manifeste d'appréciation ; que, si la société Nemo soutient que le réseau des débits de tabac est en grande difficulté dans la commune, plusieurs débits ou points de vente ayant cessé leur activité au centre-ville, elle ne démontre pas, par là même, que le refus d'autoriser le déplacement de son débit de tabac dans le secteur sud de la ville est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; qu'elle ne le démontre pas davantage en soutenant qu'elle a reçu toutes les autorisations administratives en ce qui concerne l'accessibilité du public à son nouveau local et le permis d'aménager les lieux pour l'exploitation d'une licence de tabac, ces circonstances restant sans incidence sur la légalité de la décision contestée ;

9. Considérant, en quatrième lieu, que le maire de Montélimar, dans sa décision du 17 mars 2016, cite à la fois l'article 9 et l'article 11 du décret du 28 juin 2010 ci-dessus visé ; que la circonstance que l'article 11 ne serait pas en l'espèce applicable, à la supposer établie, n'est pas de nature à entacher d'illégalité la décision contestée dès lors que le maire pouvait se fonder sur le seul article 9 pour refuser l'autorisation sollicitée ;

10. Considérant, en cinquième lieu, que le détournement de pouvoir allégué n'est nullement établi ;

11. Considérant, en dernier lieu, que le moyen tiré de ce que la société Nemo a subi un préjudice économique est inopérant pour contester la légalité de la décision refusant d'autoriser le déplacement de son débit de tabac ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que la société Nemo n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande dirigée contre la décision du maire de Montélimar du 17 mars 2016 ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que la société Nemo étant partie perdante dans la présente instance, ses conclusions tendant à ce que soit mise une somme à la charge de la commune de Montélimar sur le fondement de ces dispositions ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées ; que les conclusions présentées sur le même fondement par la commune de Montélimar, qui en qualité d'intervenante n'a pas celle de partie dans la présente instance, doivent être également rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de la commune de Montélimar est admise.

Article 2 : La requête de la société Nemo est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Montélimar présentées sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Nemo et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la commune de Montélimar.

Délibéré après l'audience du 8 février 2018 où siégeaient :

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Gondouin, premier conseiller,

Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er mars 2018.

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

7

N° 17LY01732


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