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06/03/2018 | FRANCE | N°16LY04387

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 06 mars 2018, 16LY04387


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2016 du préfet de la Drôme ordonnant son transfert aux autorités allemandes aux fins d'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1605756 du 19 octobre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 21 décembre 2016, Mme C... épouse A..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1

°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 octobre 2016 ;

2°) d'annuler cet ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 14 septembre 2016 du préfet de la Drôme ordonnant son transfert aux autorités allemandes aux fins d'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1605756 du 19 octobre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 21 décembre 2016, Mme C... épouse A..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 octobre 2016 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 14 septembre 2016 du préfet de la Drôme ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans les dix jours qui suivront la notification de l'arrêt à intervenir et d'accepter qu'elle envoie sa demande d'asile à l'OFPRA, dans les trente jours qui suivront la notification, sous astreinte définitive de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil, correspondant aux frais exposés que le conseil aurait réclamés à sa cliente si elle n'avait pas bénéficié d'une aide juridictionnelle totale, sous réserve pour Me E... de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier, le mémoire en défense ayant été communiqué à son conseil moins de deux heures avant l'audience ;

- son transfert vers l'Allemagne risque d'entraîner son éloignement vers l'Albanie où elle risque d'être exposée à des violences conjugales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 février 2017, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.

Il se réfère au mémoire en défense présenté devant le tribunal.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 novembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement UE n° 604/2016 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu le rapport de Mme Anne Menasseyre, présidente-assesseure, au cours de l'audience publique ;

1. Considérant que Mme C... épouse A... relève appel du jugement du 19 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 septembre 2016 par lequel le préfet de la Drôme a ordonné son transfert aux autorités allemandes aux fins d'examen de sa demande d'asile ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence, du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes " ; qu'aux termes de l'article R. 611-10 du même code : " Sous l'autorité du président de la chambre à laquelle il appartient et avec le concours du greffier de cette chambre, le rapporteur fixe, eu égard aux circonstances de l'affaire, le délai accordé aux parties pour produire leurs mémoires (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a été saisi de la demande de Mme C... épouse A... le 11 octobre 2016 ; que cette demande et l'avis d'audience fixée au 19 octobre suivant ont été communiqués au préfet de la Drôme le 12 octobre 2016 ; que le mémoire en défense reçu le 18 octobre à 16 heures 51 et auquel étaient jointes six pièces utiles à la défense du préfet n'a été communiqué à la partie adverse que le lendemain, soit le jour même de l'audience, à 8 heures 19, alors que l'audience se tenait à 10 heures ; que ce mémoire répondait de manière substantielle aux moyens invoqués par Mme C... épouse A... ; que le magistrat désigné, en laissant à la requérante un délai d'une heure quarante pour prendre connaissance de ce mémoire et y répliquer, alors que la situation de l'intéressée ne requérait pas qu'il soit statué sur sa demande dans les deux heures suivant la communication de la défense du préfet et qu'il lui était possible, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui lui imposent de se prononcer dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine, de reporter la tenue de l'audience afin de mettre Mme C... épouse A...à même de présenter utilement des observations, a méconnu le principe du contradictoire ; que l'appelante est pour ce motif fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ;

4. Considérant qu'il y a lieu pour la cour d'évoquer l'affaire ;

Sur la motivation de la décision de transfert :

5. Considérant que Mme C... épouse A... critique la motivation de l'arrêté attaqué en faisant valoir qu'il est impossible de savoir pourquoi elle doit faire l'objet d'un transfert vers l'Allemagne ; qu'aux termes de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, dit " règlement Dublin III " : " 1. Lorsque l'État membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'État membre responsable (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. (...) " ; que, pour être suffisamment motivée, afin de mettre l'intéressé à même de critiquer, notamment, l'application du critère de détermination de l'Etat responsable de sa demande et, ainsi, d'exercer le droit à un recours effectif garanti par les dispositions de l'article 27 du règlement du 26 juin 2013, la décision de transfert doit permettre d'identifier le critère de responsabilité retenu par l'autorité administrative parmi ceux énoncés au chapitre III du règlement ou, à défaut, au paragraphe 2 de l'article 3 du règlement ;

6. Considérant que l'arrêté attaqué vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention de Genève du 28 juillet 1951, le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et les articles L. 742-1 à L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il fait état de ce que la situation de l'intéressée ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 ou 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ; qu'il mentionne également que, saisies le 12 août 2016 d'une demande de reprise en charge de Mme C... épouse A... en application de l'article 18 1. d) du règlement (UE) n° 604/2013, les autorités allemandes ont donné leur accord le 16 août 2016 ; que, toutefois, aucune de ces mentions ne permet d'appréhender les éléments de fait ou de droit permettant d'identifier le critère retenu par le préfet de l'Isère pour déterminer l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile de l'intéressée, qui ne pouvait, à la seule lecture de l'arrêté attaqué, connaître le critère retenu par l'administration pour s'adresser aux autorités allemandes et être, ainsi, mise à même d'en contester, le cas échéant, la pertinence ; qu'ainsi Mme C... épouse A... est fondée à soutenir que la motivation de cet arrêté est insuffisante ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C... épouse A... est fondée à demander l'annulation de la décision par laquelle le préfet de la Drôme a décidé son transfert aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé. " ; que le présent arrêt implique seulement qu'il soit statué de nouveau sur le cas de Mme C... épouse A... et qu'elle soit munie, durant cet examen, d'une attestation de demande d'asile ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Isère de procéder au réexamen de la situation de l'intéressée dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de la munir, dans cette attente d'une telle attestation ; que le présent arrêt n'implique pas, en revanche, que le préfet de la Drôme envoie la demande d'asile de l'intéressée à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, à plus forte raison sous astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

9. Considérant que Mme C... épouse A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, le versement à Me E..., son avocate, d'une somme de 1 000 euros ; que conformément aux dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, le recouvrement en tout ou partie de cette somme vaudra renonciation à percevoir, à due concurrence, la part contributive de l'Etat ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 octobre 2016 et l'arrêté du 14 septembre 2016 par lequel le préfet de la Drôme a décidé le transfert de Mme C... épouse A...aux autorités allemandes aux fins d'examen de sa demande d'asile sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Drôme de statuer à nouveau sur le cas de Mme C... épouse A...dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de la munir, durant cet examen, d'une attestation de demande d'asile.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à Me E... en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Me E... renoncera, si elle recouvre cette somme, à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme C... épouse A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... épouse A..., au préfet de la Drôme, au ministre de l'intérieur et à Me E....

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Valence.

Délibéré après l'audience du 6 février 2018, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, présidente assesseure,

Mme D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 6 mars 2018.

N° 16LY04387

fg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY04387
Date de la décision : 06/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Questions générales - Motivation.

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Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : LETELLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-03-06;16ly04387 ?
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