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06/03/2018 | FRANCE | N°16LY02809

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 06 mars 2018, 16LY02809


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Adao Gomes Silva a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2011, ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1406357 du 9 juin 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 août et le 27 décembre 2016, la société

Adao Gomes Silva, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Adao Gomes Silva a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2011, ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1406357 du 9 juin 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 août et le 27 décembre 2016, la société Adao Gomes Silva, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 juin 2016 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société Adao Gomes Silva soutient que :

- dans la mesure où elle exerce son activité principalement au Portugal et accessoirement en France et où ses gérants sont résidents portugais, elle ne dispose pas d'un établissement stable en France ;

- la mauvaise foi du contribuable n'est pas établie, pas plus que le caractère occulte de l'activité.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 novembre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'économie et des finances soutient que :

- l'établissement stable en matière de taxe sur la valeur ajoutée est caractérisé par la disposition personnelle et permanente d'une installation comportant les moyens humains et techniques nécessaires à l'activité de l'assujetti ;

- la clientèle de la société Adao Gomes Silva pour son activité en France est constituée exclusivement d'entreprises françaises assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée et ont lieu en France ;

- l'activité de pose de carrelage et de revêtements de la société requérante est exclusivement exercée en France ;

- il n'est pas démontré que les gérants de l'entreprise résidaient principalement au Portugal ;

- les factures émises par la société requérante mentionnaient une adresse de facturation en France ;

- le compte bancaire de la société est ouvert auprès de la banque BCP à Villeurbanne ;

- les prestations de la société Adao Gomes Silva sont imposables à la taxe sur la valeur ajoutée en France soit parce qu'elle dispose d'un établissement stable en France et que les prestations se rattachent à des immeubles situés en France, soit, à compter du 1er janvier 2010, parce que les clients de la société sont des assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée établis en France et que les prestations exécutées par la société se rattachent à des immeubles situés en France ;

- les circonstances que la société était par ailleurs immatriculée au Portugal, où elle y tenait sa comptabilité, ou que l'administration fiscale portugaise n'a pas estimé que la société ne relevait pas de sa juridiction, sont sans incidence ;

- la circonstance que la société serait de bonne foi est sans incidence sur la caractérisation d'une activité occulte au sens des articles L. 169 et L. 176 du livre des procédures fiscales.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la décision n° 99-424 DC du 29 décembre 1999 du Conseil constitutionnel ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vinet, premier conseiller,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la société Adao Gomes Silva ;

1. Considérant que la société Adao Gomes Silva, qui a pour activité principale la pose de carrelages et de revêtements de sol, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle elle a été assujettie à des droits de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2011, assortis de la majoration de 80 % pour activité occulte ; qu'elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions ;

Sur le bien-fondé de l'imposition

En ce qui concerne la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 :

2. Considérant qu'aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel " ; qu'aux termes de l'article 259 du code général des impôts, dans sa version applicable aux années 2007, 2008 et 2009 : " Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle. " ; qu'aux termes du 2° de l'article 259 A, par dérogation aux dispositions de l'article 259, le lieu des prestations est réputé se situer en France s'agissant des prestations de services portant sur des immeubles situés en France ;

3. Considérant que, pour l'application des dispositions de l'article 259 du code général des impôts, il convient de déterminer le point de rattachement des services rendus afin d'établir le lieu des prestations de services ; que l'endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique apparaît comme un point de rattachement prioritaire, la prise en considération d'un autre établissement à partir duquel la prestation de services est rendue ne présentant un intérêt que dans le cas où le rattachement au siège ne conduit pas à une solution rationnelle du point de vue fiscal ou crée un conflit avec un autre État membre ; qu'un établissement ne peut être utilement regardé, par dérogation au critère prioritaire du siège, comme lieu des prestations de services d'un assujetti, que s'il présente un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue de l'équipement humain et technique, à rendre possibles, de manière autonome, les prestations de services considérées ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le siège de la société Adao Gomes Silva se situe au Portugal, à l'adresse des parents des dirigeants et que cette société a une activité de construction de bâtiments au Portugal, conformément à ce que prévoit ses statuts ; qu'il résulte de l'instruction qu'elle exerce aussi, et pour une part nettement prépondérante, une activité de pose de carrelage et de revêtements de sols dans le cadre de chantiers situés exclusivement en France ; que, toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que la société Adao Gomes Silva ait disposé, pour les années en litige, d'une installation accueillant son activité en France, qui pourrait être regardée comme le siège réel de l'activité de l'entreprise ; qu'au demeurant il ne résulte pas davantage de l'instruction que la société requérante ait disposé d'une installation présentant un degré suffisant de permanence et d'une structure apte, du point de vue de l'équipement humain et technique, à rendre possibles, de manière autonome, les prestations de services considérées ; que la seule circonstance que la société Adao Gomes Silva a réalisé des chantiers en France ne saurait permettre d'en déduire qu'elle y dispose d'un établissement stable au sens des dispositions précitées, ou que ses gérants y auraient établi leur domicile ou leur résidence habituelle ;

5. Considérant toutefois que l'administration a également fondé les rectifications litigieuses sur le fondement des dispositions précitées du 2° de l'article 259 A du code général des impôts ; qu'il n'est pas contesté que les prestations de services rendues aux clients français de la société Adao Gomes Silva, assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée par l'administration, portaient toutes sur des immeubles situés en France ; que, par suite, l'administration était fondée à assujettir les prestations litigieuses à la taxe sur la valeur ajoutée ;

En ce qui concerne la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 259 du code général des impôts, dans sa version applicable aux années 2010 et 2011 : " Le lieu des prestations de services est situé en France : / 1° Lorsque le preneur est un assujetti agissant en tant que tel et qu'il a en France : / a) Le siège de son activité économique, sauf lorsqu'il dispose d'un établissement stable non situé en France auquel les services sont fournis ; / b) Ou un établissement stable auquel les services sont fournis; c) Ou, à défaut du a ou du b, son domicile ou sa résidence habituelle " ; qu'au sens et pour l'application de ces dispositions, le preneur s'entend de la personne qui est le bénéficiaire effectif de la prestation de services ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et n'est pas contesté, que les clients français de la société Adao Gomes Silva qui ont bénéficié de ses prestations de services assujetties par l'administration à la taxe sur la valeur ajoutée, étaient tous des assujettis agissant en tant que tels et avaient le siège de leur activité économique en France ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a assujetti ces prestations à la taxe sur la valeur ajoutée ;

Sur les pénalités

8. Considérant qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte.(...) " ;

9. Considérant qu'il résulte de la décision n° 99-424 DC du 29 décembre 1999 du Conseil constitutionnel que la notion d'activité occulte est définie, en matière d'impôt sur le revenu, par l'article L. 169 du livre des procédures fiscales et, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, par l'article L. 176 du livre des procédures fiscales, qui prévoient un délai spécial de reprise " lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce ", que la majoration prévue au c du 1 de l'article 1728 ne peut s'appliquer qu'à cette double condition et, enfin, qu'il incombera à l'administration d'apporter la preuve de l'exercice occulte de l'activité professionnelle ;

10. Considérant que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives ; que, s'agissant d'un contribuable qui fait valoir qu'il a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales dans un État autre que la France, la justification de l'erreur commise doit être appréciée en tenant compte tant du niveau d'imposition dans cet autre État que des modalités d'échange d'informations entre les administrations fiscales des deux États ;

11. Considérant qu'il est constant que la société Adao Gomes Silva n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce ; qu'il ne résulte pas de l'instruction et n'est pas soutenu par la société Adao Gomes Silva, qu'elle aurait été imposée au Portugal pour les chantiers litigieux ; qu'en soutenant, d'une façon générale, qu'elle ne s'est acquittée d'aucune de ses obligations déclaratives en toute bonne foi, elle ne peut être regardée comme soutenant avoir commis une erreur ; que dans ces conditions, l'administration fiscale apporte la preuve qui lui incombe du bien-fondé de l'application à la de la pénalité litigieuse de 80 % prévue en cas de découverte d'une activité occulte ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Adao Gomes Silva n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de société Adao Gomes Silva est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Adao Gomes Silva et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 6 février 2018, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, président assesseur,

Mme Vinet, premier conseiller.

Lu en audience publique le 6 mars 2018.

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N° 16LY02809

fg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY02809
Date de la décision : 06/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02-01 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Personnes et opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : CABINET JURIDIQUE SAONE-RHONE

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-03-06;16ly02809 ?
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