La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/02/2018 | FRANCE | N°17LY00308

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 16 février 2018, 17LY00308


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 15 septembre 2016 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a désigné le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Par un jugement du 16 décembre 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté du 15 septembre 2016 en tant qu'il porte

obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de renvoi de M. A....

Par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 15 septembre 2016 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a désigné le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office.

Par un jugement du 16 décembre 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté du 15 septembre 2016 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et fixe le pays de renvoi de M. A....

Par un jugement du 26 janvier 2017, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté du 15 septembre 2016 en tant qu'il porte refus de titre de séjour et a enjoint au préfet de l'Isère de statuer à nouveau sur la situation de l'intéressé.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête enregistrée le 23 janvier 2017 sous le n° 1700308, le préfet de l'Isère demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 16 décembre 2016 et de rejeter la demande formée par M. A... devant ce tribunal.

Il soutient que c'est à tort que le tribunal a estimé que l'éloignement de M. A... porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et procède d'une erreur manifeste d'appréciation.

II - Par une requête enregistrée le 3 mars 2017 sous le n° 1700940, le préfet de l'Isère demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 26 janvier 2017 et de rejeter les demandes de M. A... devant ce tribunal.

Il soutient que c'est à tort que le tribunal a estimé que le refus de titre de séjour opposé à M. A... porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants protégé par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 octobre 2017, M. B... A..., représenté par la Selarl Alban Costa, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés.

Par une décision du 12 septembre 2017, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. B... A....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Christine Psilakis, premier conseiller ;

1. Considérant que les requêtes visées ci-dessus du préfet de l'Isère sont toutes deux relatives à la situation de M. B... A... ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que M. B... A..., ressortissant syrien né le 1er janvier 1994, est entré au mois d'avril 2014 en France, où il a rejoint son épouse et a bénéficié d'un titre de séjour jusqu'au 7 avril 2015 en qualité de conjoint de ressortissant français ; que le préfet de l'Isère a, par arrêté du 6 avril 2015, refusé de renouveler le titre de séjour de M. A... et prescrit son éloignement ; que, saisi d'une demande de titre de séjour formée par M. A... en qualité de parent d'enfants français, le préfet de l'Isère a, par arrêté du 15 septembre 2016, opposé un nouveau refus de titre de séjour à M. A..., lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel l'intéressé pourrait être éloigné d'office ; que le préfet de l'Isère relève appel des jugements du 16 décembre 2016 et 26 janvier 2017 par lesquels le tribunal administratif de Grenoble a successivement annulé son arrêté du 15 septembre 2016 en tant qu'il prescrivait l'éloignement de M. A... puis en tant qu'il portait refus de titre de séjour ;

Sur la légalité de l'arrêté du préfet de l'Isère du 15 septembre 2016 :

En ce qui concerne le bien fondé des moyens retenus par le tribunal administratif :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l' exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernant les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;

4. Considérant que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a, le 16 décembre 2016, annulé la mesure d'éloignement opposée à M. A... au motif que celle-ci procédait d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaissait les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour annuler l'arrêté du 15 septembre 2016 en tant qu'il porte refus de titre de séjour, le tribunal administratif a, pour sa part, retenu dans son jugement du 26 janvier 2017 que cette décision violait les stipulations de ce même article 8 et méconnaissait également l'intérêt supérieur des enfants de M. A... protégé par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

5. Considérant que M. A..., dont les autres attaches familiales sont établies en Turquie, en Algérie et en Syrie, est séparé depuis le début de l'année 2016 de la ressortissante française qu'il a épousée en Algérie en 2012 et qu'il n'a rejointe lors de son entrée en France qu'au printemps 2014 ; que les documents photographiques et les pièces produits au dossier de la cour et devant le tribunal administratif ne permettent d'établir, depuis la séparation des intéressés, que des rencontres occasionnelles entre M. A... et ses deux enfants français respectivement nés en novembre 2013 et août 2015, pour lesquels il a demandé au juge aux affaires familiales à ne pas être astreint au versement d'une pension alimentaire, ainsi que des achats ponctuels à leur intention ; que, dans ces conditions, alors même que M. A... fait valoir ses perspectives professionnelles et ses efforts d'insertion, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de la durée et des conditions du séjour de M. A... en France, que le préfet de l'Isère, en refusant de lui délivrer un titre de séjour et en lui faisant obligation de quitter le territoire français, a porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ces décisions ont été prises, a méconnu l'intérêt supérieur de ses enfants ou entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation ; que le préfet de l'Isère est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble puis ce même tribunal administratif ont, pour les motifs qu'ils ont respectivement retenus, annulé les décisions contenues dans son arrêté du 15 septembre 2016 ;

6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... ;

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. A... :

7. Considérant que, par arrêté du 26 août 2016 régulièrement publié au recueil des actes administratifs, le préfet de l'Isère a donné délégation à M. Lapouze, secrétaire général de la préfecture, pour signer tous actes, arrêtés et décisions à l'exception d'actes limitativement énumérés au nombre desquels ne figurent pas les décisions relatives au séjour et à l'éloignement des étrangers ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / [...] ; / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ; / [...]" ; que l'article 371-2 du code civil dispose : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant " ;

9. Considérant qu'à la date de l'arrêté contesté et ainsi qu'il a été dit au point 5, M. A... vivait séparé des enfants qu'il a reconnus et de leur mère ; que les éléments produits par M. A... ne suffisent pas pour justifier qu'il contribue effectivement à leur entretien et à leur éducation dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil ; que, dans ces conditions, le requérant n'établit pas que le préfet de l'Isère a, pour refuser de lui délivrer un titre de séjour, méconnu les dispositions précitées du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

10. Considérant que si M. A... fait valoir divers griefs à l'encontre de la décision fixant la Syrie comme pays de renvoi, il ressort des pièces du dossier, en particulier des termes de la décision attaquée comme des écritures du préfet de l'Isère, que ce dernier n'a pas entendu que l'éloignement du requérant se fasse, le cas échéant, vers ce pays ; que les conclusions dirigées contre cette décision ne peuvent qu'être rejetées ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 15 septembre 2016 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions de M. A... dirigées contre l'arrêté du préfet de l'Isère du 15 septembre 2016, n'appelle aucune mesure d'exécution ;

Sur les frais d'instance :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur leur fondement par M. A... et dirigées contre l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance ;

DECIDE :

Article 1er : Les jugements du tribunal administratif de Grenoble des 16 décembre 2016 et 26 janvier 2017 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions formées en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera notifiée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2018 à laquelle siégeaient :

M. Antoine Gille, président ;

M. Thierry Besse, premier conseiller ;

Mme Christine Psilakis, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 février 2018.

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier

2

N° 17LY00308 - 17LY00940

md


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY00308
Date de la décision : 16/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. GILLE
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET

Origine de la décision
Date de l'import : 27/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-02-16;17ly00308 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award