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06/02/2018 | FRANCE | N°16LY00688

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 06 février 2018, 16LY00688


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le préfet du Puy-de-Dôme a déféré au tribunal administratif de Clermont-Ferrand la délibération du 14 décembre 2013 par laquelle le conseil municipal de La Renaudie a procédé à la répartition du produit des coupes de bois entre les ayants droit de la section de commune de "La Borie et autres".

Par un jugement n° 1400584 du 29 décembre 2015, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé cette délibération.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 26 fé

vrier 2016, la commune de La Renaudie et la section de commune "La Borie et autres", représentées par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le préfet du Puy-de-Dôme a déféré au tribunal administratif de Clermont-Ferrand la délibération du 14 décembre 2013 par laquelle le conseil municipal de La Renaudie a procédé à la répartition du produit des coupes de bois entre les ayants droit de la section de commune de "La Borie et autres".

Par un jugement n° 1400584 du 29 décembre 2015, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé cette délibération.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 26 février 2016, la commune de La Renaudie et la section de commune "La Borie et autres", représentées par Me Riquier, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 29 décembre 2015 ;

2°) de mettre à charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors qu'il est insuffisamment motivé ;

- le déféré préfectoral était irrecevable car tardif ;

- le tribunal a fait application au cas d'espèce des articles R. 243-1 et R. 243-2 du code forestier en lieu et place de l'article R. 243-3 de ce code ; dès lors, le conseil municipal n'était tenu ni de déterminer par des moyennes calculées sur le plus grand nombre d'années possible la quotité annuelle de l'affouage et le revenu annuel de tous droits d'affouage en bois, ni de faire connaître cette quantité à l'Office national des forêts ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la délibération attaquée a pour objet la répartition des produits de l'affouage ;

- le droit de jouissance des ayants droit sur les biens de la section rend possible la distribution de revenus en espèces ; les dispositions de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales ne remettent pas en cause la possibilité de partager les revenus en espèces d'une section de commune.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code forestier ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Clément, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

1. Considérant que par une première délibération du 12 octobre 2013, le conseil municipal de La Renaudie a décidé de procéder à la répartition du produit des coupes de bois de 2011 entre les ayants droit de la section de commune de "La Borie et autres" ; que par un courrier du 15 novembre 2013, le sous-préfet de Thiers par délégation du préfet du Puy-de-Dôme a demandé le retrait de cette délibération ; que le conseil municipal, par une délibération du 14 décembre 2013 a décidé de maintenir la répartition du produit des coupes de bois entre les ayants droit ; que la commune de La Renaudie et la section de commune de "La Borie et autres" relèvent appel du jugement du 29 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé cette dernière délibération ;

2. Considérant que les requérantes soutiennent que le jugement serait irrégulier en ce qu'il serait insuffisamment motivé sans assortir ce moyen de précisions ; que le moyen doit donc être écarté ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que contrairement à la délibération du 12 octobre 2013, qui avait le même objet, la délibération attaquée a été prise hors la présence des conseillers ayants droit de la section de commune ; que, dans ces conditions, la délibération attaquée du 14 décembre 2013, par laquelle le conseil municipal de la Renaudie doit être regardé comme ayant implicitement mais nécessairement retiré sa délibération du 12 octobre 2013, ne constitue pas un acte confirmatif de cette dernière délibération ; que le préfet du Puy-de-Dôme ayant formé le 17 janvier 2014, soit dans le délai du recours contentieux, un recours gracieux contre cette délibération auquel le maire de La Renaudie a répondu par courrier du 29 janvier 2014, notifié le 3 février 2014, la requête du préfet, enregistrée au greffe du tribunal le 25 mars 2014, n'était pas tardive ;

4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 2411-1 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction alors applicable : " I. - Constitue une section de commune toute partie d'une commune possédant à titre permanent et exclusif des biens ou des droits distincts de ceux de la commune. / La section de commune a la personnalité juridique. " ; qu'aux termes de l'article L. 2411-10 du même code dans sa rédaction applicable au litige : " Les membres de la section ont, dans les conditions résultant soit des décisions des autorités municipales, soit des usages locaux, la jouissance de ceux des biens de la section dont les fruits sont perçus en nature, à l'exclusion de tout revenu en espèces.(...)/ L'ensemble de ces dispositions, qui concerne les usages agricoles et pastoraux des biens de section, ne fait pas obstacle au maintien, pour les membres de la section non agriculteurs, des droits et usages traditionnels tels que l'affouage, la cueillette ou la chasse./ Les revenus en espèces ne peuvent être employés que dans l'intérêt de la section. Ils sont affectés prioritairement à la mise en valeur et à l'entretien des biens de la section ainsi qu'aux équipements reconnus nécessaires à cette fin par la commission syndicale. " ;

5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 243-1 du code forestier : " Pour chaque coupe des bois et forêts appartenant à des communes et sections de commune, le conseil municipal (...) peut décider d'affecter tout ou partie du produit de la coupe au partage en nature entre les bénéficiaires de l'affouage pour la satisfaction de leur consommation rurale et domestique. Ces bénéficiaires ne peuvent pas vendre les bois qui leur ont été délivrés en nature. L'Office national des forêts délivre les bois au vu d'une délibération du conseil municipal déterminant le mode de partage choisi en application de l'article L. 243-2 ainsi que les délais et les modalités d'exécution et de financement de l'exploitation. (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 243-2 du même code : " Sauf s'il existe des titres contraires, le partage de l'affouage, qu'il s'agisse des bois de chauffage ou des bois de construction, se fait de l'une des trois manières suivantes: / 1° Ou bien par foyer dont le chef de famille a son domicile réel et fixe dans la commune avant la date de publication du rôle de l'affouage ; / 2° Ou bien moitié par foyer et moitié par habitant remplissant les mêmes conditions de domicile. Les ascendants vivant avec leurs enfants ont droit à l'affouage sans qu'il y ait lieu de rechercher s'ils ont la charge effective d'une famille ; / 3° Ou bien par habitant ayant son domicile réel et fixe dans la commune avant la date mentionnée au 1°. / Chaque année, avant une date fixée par décret, le conseil municipal détermine lequel de ces trois modes de partage sera appliqué. " ; qu'aux termes de l'article L. 243-3 dudit code : " (...) Le conseil municipal peut aussi décider la vente de tout ou partie de l'affouage au profit du budget communal ou des titulaires du droit d'affouage. Dans ce dernier cas, la vente a lieu dans les conditions prévues au chapitre Ier du présent titre, par les soins de l'Office national des forêts. " ; qu'aux termes de l'article R. 243-3 dudit code : " Lorsque les communes décident, en application de l'article L. 243-3, de vendre tout ou partie de la coupe affouagère après son exploitation, les dispositions de la section 4 du chapitre III du titre Ier du présent livre sont applicables à ces ventes. " ; qu'aux termes de l'article R. 145-2 du code forestier applicable pour l'année 2011 : " Les communes font connaître en temps opportun à l'Office national des forêts la quantité de bois qui leur est nécessaire tant pour le chauffage que pour la construction et les réparations. " ;

6. Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions citées ci-dessus, qu'une section de commune est une personne morale de droit public qui possède à titre permanent et exclusif des biens ou des droits qui sont distincts de ceux de la commune ; que si les membres de la section ont, dans les conditions qui résultent soit de décisions des autorités municipales, soit d'usages locaux, la jouissance de ceux des biens de la section dont les fruits sont perçus en nature, ils ne sont pas titulaires d'un droit de propriété sur ces biens ou ces droits ; qu'ainsi, la section de commune dont les revenus en espèces doivent être employés dans son intérêt exclusif ne peut les redistribuer entre ses ayants droit, à l'exception, lorsque cette section est propriétaire de bois soumis à l'affouage, du produit de la vente de tout ou partie de cet affouage ; que le partage de l'affouage concerne la coupe de bois destinée à la satisfaction de la consommation rurale et domestique, bois de chauffage, de construction ou de réparation, des bénéficiaires de l'affouage ; qu'ainsi, le conseil municipal, après avoir fixé le mode de partage et la quantité de bois destinée à l'affouage, quantité portée à la connaissance de l'Office national des forêts chargé de la coupe, peut partager le produit de la vente de l'affouage aux ayants droit de la section de commune ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le conseil municipal de La Renaudie a, par sa délibération en litige du 14 décembre 2013, décidé de répartir entre les ayants droit de la section de commune "La Borie et autres", une somme de 23 804,10 euros provenant de la vente de coupes de bois en 2011 sans avoir préalablement, ni déterminé et fait connaître à l'Office national des forêts la quantité de bois nécessaire concernant l'affouage, ni fixé les modalités de partage de cet affouage ; qu'ainsi, et dès lors que la commune requérante ne peut utilement, pour s'exonérer des modalités de détermination du droit d'affouage, se prévaloir des dispositions de l'article R. 243-3 du code forestier, qui précisent uniquement les conditions de vente des coupes délivrées pour l'affouage, la délibération litigieuse doit être regardée comme ayant partagé des revenus de coupes de bois et non d'une coupe délivrée pour l'affouage ; que, dès lors, le conseil municipal de La Renaudie ne pouvait procéder au partage de ces revenus entre les ayants droit de la section de commune "La Borie et autres" ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de La Renaudie et de la section de commune "La Borie et autres" ne sont pas fondées à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la délibération du 14 décembre 2013 ; que par voie de conséquence, leurs conclusions de mise à la charge de l'État des frais exposés par elles et non compris dans les dépens doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de La Renaudie et de la section de commune "La Borie et autres" est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de La Renaudie et de la section de commune "La Borie et autres" tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Renaudie, à la section de commune "La Borie et autres" et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2018 à laquelle siégeaient :

M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

M. Hervé Drouet, président assesseur,

M. Marc Clément, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 février 2018.

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N° 16LY00688

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY00688
Date de la décision : 06/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-02-02-03-01 Collectivités territoriales. Commune. Biens de la commune. Intérêts propres à certaines catégories d'habitants. Sections de commune.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Marc CLEMENT
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : RIQUIER

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-02-06;16ly00688 ?
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