La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/02/2018 | FRANCE | N°17LY01317

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 01 février 2018, 17LY01317


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E...C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 8 juillet 2016 par lesquelles le préfet de la Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée en cas d'exécution d'office.

Par un jugement n° 1606881 du 17 février 2017, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions et enjoint au préfet de la Savoi

e de délivrer à Mme C...un titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la not...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E...C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 8 juillet 2016 par lesquelles le préfet de la Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée en cas d'exécution d'office.

Par un jugement n° 1606881 du 17 février 2017, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions et enjoint au préfet de la Savoie de délivrer à Mme C...un titre de séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 21 mars 2017, le préfet de la Savoie demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 février 2017 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de Mme C... tendant à l'annulation de ses décisions du 8 juillet 2016 ;

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ressort des pièces qu'il produit que les institutions maliennes sont à même de traiter une grande majorité des maladies et notamment les troubles mentaux et du comportement et plus particulièrement les états de stress post-traumatique ;

- il ressort par ailleurs des éléments transmis par le médecin conseiller santé auprès de la direction générale des étrangers en France que l'absence de traitement de Mme C...n'entraînerait pas pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

- l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ont considéré que les craintes invoquées par l'intéressée ne sont pas fondées ; Mme C...ne peut soutenir que sa pathologie serait étroitement liée aux évènements qu'elle a subis dans son pays d'origine ;

- Mme C...est entrée récemment en France et ne justifie d'aucune intégration sociale particulière.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2017, MmeC..., représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle fait valoir que :

- la décision portant refus de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il n'existe pas de traitement approprié au Mali à sa pathologie qui est étroitement liée aux évènements qu'elle a subis dans son pays d'origine ; les documents produits par le préfet de la Savoie n'ont pas de valeur suffisamment probante pour remettre en cause l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ;

- cette décision méconnaît également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle devra, en tout état de cause, être annulée en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et devra être annulée en raison de l'illégalité dont sont entachées les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

Par décision du 7 juin 2017, Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Par ordonnance du 29 juin 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 28 août 2017 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Lesieux a été entendu au cours de l'audience publique ;

1. Considérant que MmeC..., née en 1991, de nationalité malienne, est entrée irrégulièrement en France, à la date déclarée du 31 décembre 2013 ; que sa demande d'asile a été rejetée, le 26 août 2014 par décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile, le 12 novembre 2015 ; qu'elle a alors sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en faisant valoir son état de santé ; que par un arrêté du 8 juillet 2016, le préfet de la Savoie a rejeté sa demande et a assorti son refus de séjour d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et d'une décision fixant le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée en cas d'exécution d'office ; que par un jugement du 17 février 2017, dont le préfet de la Savoie relève appel, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions ;

Sur le motif d'annulation retenu par le jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ;

3. Considérant que, par un avis du 2 mai 2016, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de Mme C...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il n'existait pas de traitement approprié au Mali et que les soins nécessités par son état de santé devaient être poursuivis pendant douze mois ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier des certificats médicaux qu'elle produit, que Mme C...présente un tableau psychiatrique chronique avec troubles majeurs du sommeil, réviviscences diurnes, anxiété chronique et troubles de la concentration, qu'un traitement à base d'anxiolytique et de Prazosine lui a été prescrit, et qu'elle bénéficie de consultations psychiatriques régulières ; que le préfet de la Savoie, qui n'est pas lié par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, a refusé la délivrance du titre sollicité en se fondant sur la fiche d'information sur l'offre de soins au Mali élaborée en liaison avec l'ambassade de France dans ce pays et selon laquelle les institutions maliennes sont à même de traiter une grande majorité de maladies, notamment les troubles mentaux et du comportement et en particulier les états dépressifs et les états de stress post-traumatiques ; que devant les premiers juges, il a produit un extrait d'un rapport, publié en juillet 2012 sous l'égide du ministère malien de la santé et de l'Unicef, dont il ressort que le Mali est doté de structures de soins répartis dans le pays ainsi qu'un décret présidentiel du 26 novembre 2014 fixant le prix de médicaments au Mali dont il résulte que des traitements anxiolytiques peuvent être commercialisés au Mali ;

5. Considérant que les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date de la décision contestée, imposent seulement à l'administration de s'assurer de l'existence d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'étranger et non de l'effectivité de l'accès aux soins dans ce pays ; qu'il en résulte qu'à supposer même que l'offre de soins au Mali serait insuffisante d'un point de vue quantitatif et qualitatif, le préfet de la Savoie pouvait légalement s'écarter de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé en considérant qu'il existait, dans ce pays, un traitement approprié à l'état de santé de MmeC... ; qu'en outre, si l'appelante soutient que sa pathologie serait liée à des évènements survenus dans son pays d'origine, elle ne le démontre pas, et ce, alors que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile ; que par suite le préfet de la Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué a retenu, à l'encontre de l'arrêté contesté, le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C...devant le tribunal administratif de Grenoble et devant la cour contre les décisions prises à son encontre ;

Sur les autres moyens :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte :

7. Considérant que l'arrêté attaqué portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination a été signée par Mme D...B..., directrice de la règlementation et des services aux usagers de la préfecture de la Savoie, qui avait reçu délégation de signature du préfet par arrêté du 1er juin 2016, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture ;

En ce qui concerne le refus de séjour :

8. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Savoie a, avant de refuser à Mme C...la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, saisi le médecin de l'agence régionale de santé, lequel a rendu son avis le 2 mai 2016 ; que le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté comme manquant en fait ;

9. Considérant, en second lieu, que Mme C...soutient qu'en raison de son état de santé, elle ne peut mener une vie normale qu'en France où elle a su se créer des relations amicales, et qu'elle fait l'objet de menaces graves dans son pays d'origine ; qu'outre la circonstance que sa demande d'asile a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée est entrée irrégulièrement en France depuis moins de trois ans à la date de la décision attaquée après avoir vécu jusqu'à l'âge de 22 ans dans son pays d'origine où réside son enfant mineur ; que par suite, les moyens tirés de ce que la décision portant refus de séjour aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle doivent être écartés ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

10. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'examen de la légalité de la décision de refus de séjour que Mme C...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre ;

11. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; " que compte tenu de ce qui a été dit aux points 4 et 5, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écartés ;

12. Considérant, en troisième lieu, que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 9 ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

13. Considérant, en premier lieu, que n'ayant pas établi l'illégalité ni de la décision du 18 décembre 2015 portant refus de séjour ni de celle du même jour portant obligation de quitter le territoire français, Mme C... ne peut, en tout état de cause, en déduire celle de la décision fixant le pays de renvoi ;

14. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que si Mme C... soutient qu'elle a quitté son pays d'origine en raison des menaces graves pesant sur sa vie et sa liberté, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il l'a été dit aux points 5 et 9 que sa demande d'asile a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile par un arrêt du 12 novembre 2015 et que le lien entre son état psychiatrique et les évènements survenus au Mali dont elle fait état dans le cadre de sa demande d'asile n'est pas établi ; qu'elle ne se prévaut d'aucun élément nouveau sur les risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 8 juillet 2016 et lui a enjoint de délivrer à Mme C...un titre de séjour en qualité d'étranger malade ; que les conclusions présentées par Mme C... sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1606881 du 17 février 2017 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La demande de Mme C...présentée devant le tribunal administratif ainsi que ses conclusions d'appel présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme E...C....

Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2018, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique le 1er février 2018.

6

N° 17LY01317


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY01317
Date de la décision : 01/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : CANS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-02-01;17ly01317 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award