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01/02/2018 | FRANCE | N°16LY04419

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 01 février 2018, 16LY04419


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La Compagnie nationale du Rhône a demandé au tribunal administratif de Lyon d'enjoindre à la société Solaize Poids Lourds de libérer de toutes constructions et de tous matériels, installations et marchandises la parcelle cadastrée section AB n° 7p située sur le territoire de la commune de Solaize, qu'elle occupe sans droit ni titre, et de remettre en état les lieux dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de dire qu'à l'expiration de ce délai, elle pourrait faire procéder à

la libération du domaine public et à son expulsion, au besoin avec le concours...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La Compagnie nationale du Rhône a demandé au tribunal administratif de Lyon d'enjoindre à la société Solaize Poids Lourds de libérer de toutes constructions et de tous matériels, installations et marchandises la parcelle cadastrée section AB n° 7p située sur le territoire de la commune de Solaize, qu'elle occupe sans droit ni titre, et de remettre en état les lieux dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et de dire qu'à l'expiration de ce délai, elle pourrait faire procéder à la libération du domaine public et à son expulsion, au besoin avec le concours de la force publique.

Par un jugement n° 1306221 du 2 novembre 2016, le tribunal a enjoint à la société Solaize Poids Lourds de libérer cette parcelle de toutes constructions et de tous matériels, installations et marchandises, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, si besoin avec le concours de la force publique passé ce délai.

Procédure devant la cour

I. Par une requête et un mémoire enregistrés le 24 décembre 2016 et le 12 août 2017 sous le n° 16LY04419, la société Solaize Poids Lourds, représentée par MeD..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ou, à titre subsidiaire, de le réformer en ce qu'il lui a imparti un délai d'un mois pour quitter les lieux sous astreinte et en ce qu'il lui a enjoint de libérer la parcelle de toutes constructions et installations ;

2°) de mettre à la charge de la Compagnie nationale du Rhône la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué qui lui a été notifié est irrégulier en ce qu'il n'a pas été signé ;

- la Compagnie nationale du Rhône ne justifie pas de sa qualité et de son intérêt à agir dans la procédure : elle n'établit pas que le terrain d'assiette de l'autorisation d'occupation temporaire est inclus dans les ouvrages concernés par la convention conclue avec le ministre de l'industrie ; cette convention ne l'habilite pas à octroyer des autorisations d'occupation temporaire à des tiers, en l'absence de production des cahiers des charges ; dans la mesure où la CTRA lui avait implicitement cédé l'autorisation d'occupation du domaine public sans son autorisation, elle devait nécessairement se retourner contre elle ; elle a entendu résilier l'autorisation d'occupation temporaire de la CTRA au mois de septembre 2006 sans demander de garantie pour les redevances à percevoir jusqu'à la fin de l'autorisation ni la remise en état des lieux, renonçant ainsi implicitement à toute demande en ce sens ;

- l'occupation sans droit ni titre n'était pas nécessairement fautive dès lors que la Compagnie nationale du Rhône a renoncé à prendre des décisions d'autorisation d'occupation temporaire et d'expulsion et à exiger une redevance ;

- le délai d'un mois pour libérer les lieux est impossible à respecter ;

- la Compagnie nationale du Rhône n'a engagé aucune démarche en vue de l'établissement d'un calendrier négocié ;

- la démolition des constructions ne saurait être mise à sa charge dès lors qu'elle a pris les lieux en l'état, que cette obligation a été mise à la charge de la CTRA par les dispositions du cahier des conditions générales et que les installations n'étaient pas irrégulièrement implantées ou maintenues.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2017, la Compagnie nationale du Rhône, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société Solaize Poids Lourds à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- elle n'a jamais donné à la société Solaize Poids Lourds une autorisation d'occuper la parcelle en cause ;

- cette société a pris la suite de la CTRA dont la convention d'autorisation d'occupation temporaire était expirée depuis le 31 janvier 2011 ; l'article 7 de cette convention soumettait l'autorisation aux clauses figurant dans le cahier des charges générales applicables aux autorisations d'occupation temporaire du domaine qui lui a été concédé ; en vertu de son article 24, le permissionnaire est tenu de remettre les biens en l'état et de démolir et enlever les constructions et installations existantes en cas de cessation de l'occupation.

II. Par une requête enregistrée le 14 juin 2017, sous le n° 17LY02361, la société Solaize Poids Lourds, représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement n° 1306221 du 2 novembre 2016 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de mettre à la charge de la Compagnie nationale du Rhône la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ses démarches pour quitter les lieux sont sur le point d'aboutir et l'exécution forcée du jugement attaqué mettrait nécessairement fin à son activité ;

- elle n'entend pas se maintenir dans les lieux ainsi qu'en témoigne son projet d'implantation dans la ZAC du Val de Charvas à Communay ;

- les moyens qu'elle invoque sont sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué : il est irrégulier en ce qu'il n'a pas été signé ; la Compagnie nationale du Rhône ne justifie pas de sa qualité et de son intérêt à agir dans la procédure, dans la mesure où la CTRA lui ayant implicitement cédé l'autorisation d'occupation du domaine public sans son autorisation, elle devait nécessairement se retourner contre elle ; en outre, elle a entendu résilier l'autorisation d'occupation temporaire de la CTRA au mois de septembre 2006 sans demander de garantie pour les redevances à percevoir jusqu'à la fin de l'autorisation ni la remise en état des lieux, renonçant ainsi implicitement à toute demande en ce sens ; l'occupation sans droit ni titre n'était pas nécessairement fautive dès lors que la Compagnie nationale du Rhône a renoncé à prendre des décisions d'autorisation d'occupation temporaire et d'expulsion et à exiger une redevance ; le délai d'un mois pour libérer les lieux est impossible à respecter ; la Compagnie nationale du Rhône n'a engagé aucune démarche en vue de l'établissement d'un calendrier négocié ; la démolition des constructions ne saurait être mise à sa charge dès lors qu'elle a pris les lieux en l'état, que cette obligation a été mise à la charge de la CTRA par les dispositions du cahier des conditions générales et que les installations n'étaient pas irrégulièrement implantées ou maintenues.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Michel,

- les conclusions de M.C...,

- et les observations de MeD..., représentant la société Solaize Poids Lourds, et MeB..., représentant la Compagnie nationale du Rhône, en présence de M.A..., gérant de la société Solaize Poids Lourds ;

1. Considérant que les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'une même décision ;

2. Considérant que la parcelle de 5 897 m2 cadastrée section AB n° 7p située sur le territoire de la commune de Solaize (69) est une dépendance du domaine public concédé par l'État à la Compagnie nationale du Rhône (CNR) par une convention du 24 octobre 1975 ; que la société Chaudronnerie Tuyauterie Rhône Alsace (CTRA) a été autorisée par la CNR à occuper cette parcelle à compter du 1er février 1992 par une convention d'autorisation d'occupation temporaire renouvelée pour une durée de 12 ans à partir du 1er février 1999 ; que la société CTRA a conclu dans des conditions irrégulières le 31 janvier 2002 avec la société Solaize Poids Lourds (SPL) une convention l'autorisant à occuper la parcelle jusqu'au 31 janvier 2011 pour l'exploitation d'une activité d'entretien et de réparation de véhicules industriels ; que, par cet acte, la société SPL s'est engagée à verser à la CTRA un loyer annuel d'un montant de 27 441 euros HT ; que la CTRA a été liquidée en 2006 ; qu'à la demande de la CNR, le tribunal administratif de Lyon, par un jugement du 2 novembre 2016 dont la société SPL relève appel par sa requête n° 16LY04419, a enjoint à cette société de libérer la parcelle de toutes constructions et de tous matériels, installations et marchandises, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, si besoin avec le concours de la force publique passé ce délai ; que, par sa requête n° 17LY02361, la société SPL demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement ;

Sur la requête n° 16LY04419 :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué comporte l'ensemble des signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ; que la circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à la société SPL ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de celui-ci ;

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

4. Considérant que l'autorité propriétaire ou gestionnaire du domaine public est recevable à demander au juge administratif l'expulsion de l'occupant irrégulier de ce domaine ; qu'il ressort de la convention de sous-occupation temporaire conclue le 31 janvier 2002 que les locaux objets de cette convention sont construits sur la parcelle de terrain cadastrée section AB n° 7p d'une superficie de 5 897 m2 dépendant de la concession de la chute de Pierre Bénite sise à Solaize en rive droite du canal de fuite du PK 10.660 au PK 10.780 que la CTRA a été autorisée à occuper temporairement à compter de 1992 par la CNR ; que la CTRA ayant été liquidée en 2006, la circonstance que la convention de sous-occupation temporaire n'ait pas été agréée dans les conditions prévues à l'article 23 du cahier des conditions générales auxquelles sont soumises toutes les autorisations d'occupation temporaire du domaine concédé établies en application de l'article 48 du cahier des charges de la concession de la CNR est sans incidence sur la recevabilité de sa demande tendant à l'expulsion de l'occupant sans titre du domaine public dont elle est gestionnaire ; que, dès lors, la fin de non-recevoir, tirée de ce que la CNR n'avait ni intérêt ni qualité pour demander à la juridiction administrative d'ordonner la libération des lieux, doit être rejetée ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous. " ;

6. Considérant qu'ainsi que l'ont retenu à juste titre les premiers juges, la société SPL n'a pas vocation à maintenir son activité sur le site, situé en zone naturelle du plan local d'urbanisme du Grand Lyon dont le règlement interdit dans cette zone les activités à caractère industriel ; qu'en outre, il est constant qu'elle poursuit l'exploitation dans les locaux qu'elle sous-occupe irrégulièrement d'une installation de lavage intérieur de citernes routières, de décapage/sablage et de peinture sans l'autorisation requise par la législation des installations classées pour la protection de l'environnement et que ces faits constituent un délit ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal lui a enjoint de libérer dans le délai d'un mois les lieux qu'elle occupe sans droit ni titre et a assorti cette injonction d'une astreinte de 1 000 euros par jour ;

7. Considérant qu'il ressort des conditions particulières auxquelles était soumise l'autorisation d'occupation temporaire du domaine concédé à la CNR, que la CTRA a été autorisée à construire sur la parcelle en cause un ouvrage en maçonnerie à usage de puisard, des bâtiments préfabriqués démontables à destination d'atelier, bureau, hangar, abris et de bungalows, des clôtures et une rampe d'accès ; que les bâtiments préfabriqués sont également mentionnés dans la convention de sous-occupation temporaire ; qu'il n'est pas contesté que la société SPL n'a créé aucun bâti supplémentaire, de sorte qu'elle est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal lui a enjoint de libérer la parcelle de toutes constructions, alors même que l'article 24 du cahier des conditions générales applicables aux autorisations d'occupation temporaire du domaine concédé à la CNR stipule qu'en cas de cessation de l'occupation, le permissionnaire sera tenu à ses frais de démolir et enlever les constructions existantes ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société SPL est seulement fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il lui a enjoint de libérer les lieux de toutes constructions ;

9. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur la requête n° 17LY02361 :

10. Considérant que le présent arrêt statuant sur l'appel présenté contre le jugement n° 1306221 rendu par le tribunal administratif de Lyon le 2 novembre 2016, les conclusions de la requête n° 17LY02361 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont ainsi privées d'objet ; qu'il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 17LY02361.

Article 2 : Le jugement n° 1306221 du tribunal administratif de Lyon du 2 novembre 2016 est annulé en tant qu'il enjoint à la SPL de libérer de toutes constructions la parcelle cadastrée section AB n° 7p qu'elle occupe sans droit ni titre sur le territoire de la commune de Solaize.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties dans la requête n° 16LY04419 est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Solaize Poids Lourds et à la Compagnie nationale du Rhône.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2018, à laquelle siégeaient :

Mme Michel, président,

Mme Gondouin, premier conseiller,

Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique le 1er février 2018.

6

Nos 16LY04419, 17LY02361


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY04419
Date de la décision : 01/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Domaine - Domaine public - Protection du domaine - Protection contre les occupations irrégulières.

Procédure - Voies de recours - Appel - Conclusions recevables en appel - Conclusions à fin de sursis.


Composition du Tribunal
Président : Mme MICHEL
Rapporteur ?: Mme Céline MICHEL
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : BERTRAND HEBRARD

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-02-01;16ly04419 ?
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