La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/02/2018 | FRANCE | N°15LY03071

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 01 février 2018, 15LY03071


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la Poste à lui payer la somme totale de 104 847 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 janvier 2012 et du produit de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait des décisions illégales, annulées par le jugement du tribunal administratif de Lyon du 14 décembre 2011, ainsi que du harcèlement moral dont il estime avoir été victime.

Par le jugement n° 1203819 du 1er juille

t 2015, le tribunal administratif de Lyon a condamné la Poste à lui verser une indem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la Poste à lui payer la somme totale de 104 847 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 janvier 2012 et du produit de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait des décisions illégales, annulées par le jugement du tribunal administratif de Lyon du 14 décembre 2011, ainsi que du harcèlement moral dont il estime avoir été victime.

Par le jugement n° 1203819 du 1er juillet 2015, le tribunal administratif de Lyon a condamné la Poste à lui verser une indemnité de 15 000 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 2 janvier 2012 et ensuite capitalisés ainsi que la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement le 7 septembre 2015 et le 19 décembre 2017, M. A..., représenté par Me Bonnefoy-Claudet, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 1er juillet 2015 en tant qu'il a limité à 15 000 euros le montant de l'indemnité que la Poste a été condamnée à lui verser et en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la Poste à lui verser la somme totale de 24 847 euros au titre du préjudice financier ;

2°) de condamner la Poste à lui verser, en réparation des préjudices subis depuis le 5 mars 2007, les sommes de 80 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles de toute nature dans les conditions d'existence, 15 000 euros au titre du préjudice de carrière et 9 147 euros au titre des autres préjudices financiers, soit la somme totale de 104 147 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 2 janvier 2012, date de réception du recours indemnitaire préalable ;

3°) d'ordonner la capitalisation des intérêts échus le 17 juin 2013, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

4°) de mettre à la charge de la Poste la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A... soutient que :

- l'indemnité de 15 000 euros, alors que la gravité des fautes commises et l'importance des préjudices subis ressortent du jugement lui-même, est insuffisante ; les premiers juges ont écarté, à tort, la responsabilité de la Poste pour faute du fait du harcèlement moral alors que la chronologie des faits fautifs montre qu'il y a eu des agissements répétés de harcèlement moral au sens des dispositions de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 et que la Poste n'est pas parvenue à renverser la présomption de harcèlement moral ; il est fondé à maintenir sa demande tendant à la condamnation de la Poste à lui verser la somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et des troubles de toute nature subis dans ses conditions d'existence ;

- il a subi en outre divers préjudices financiers ; la part variable individuelle de l'indemnité dite de part variable au titre des fonctions exercées de 2006 à 2011 a été purement et simplement annulée ; contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges, il y a un lien direct entre les mesures de déclassement illégales à compter du 1er mars 2007 et la suppression pure et simple de la part individuelle ; le décalage entre la part variable obtenue et l'évaluation considérée ne se rattache pas à un litige distinct du présent litige ; il aurait dû également percevoir une indemnité de mobilité fonctionnelle puisqu'il a été contraint de changer plusieurs fois de lieu d'affectation à la suite des décisions annulées par le tribunal administratif ; l'indemnité des " 5 taux mensuels " a également été supprimée au moment où il a fait l'objet d'un déclassement ; il est fondé à réclamer à ces divers titres une indemnité d'un montant total de 9 147 euros ;

- il a subi également un préjudice de carrière ; sa carrière a été paralysée à compter de 2007 ; c'est à tort que le tribunal administratif a repris les allégations de la Poste selon lesquelles il aurait connu des difficultés relationnelles avec ses collègues et sa hiérarchie qui auraient révélé des compétences insuffisantes pour assurer les responsabilités d'un cadre supérieur de la Poste.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 juin 2016 la Poste, représentée par Me Kelber, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 1er juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Lyon l'a condamnée à verser la somme de 15 000 euros à M.A..., outre intérêts de droit à compter du 2 janvier 2012 et capitalisation au 2 janvier 2013 ainsi qu'à chaque échéance annuelle ;

2°) de rejeter la requête de M. A...et l'intégralité de ses prétentions ;

3°) de mettre à sa charge la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La Poste fait valoir que :

- c'est à tort que le jugement attaqué a retenu que sa responsabilité devait être engagée du fait de l'illégalité des décisions annulées par le jugement du 14 décembre 2011 ; en l'espèce, c'est l'attitude de M. A... qui a conduit la Poste à prendre les décisions litigieuses ; l'indemnité de 15 000 euros qui vise à réparer le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence n'est justifiée ni dans son principe, ni dans son montant ;

- c'est à tort également qu'il a retenu, comme date de capitalisation des intérêts, le 2 janvier 2013 alors que la demande de capitalisation n'a été faite que par le mémoire enregistré le 17 juin 2013 ; ce faisant, le tribunal administratif a statué ultra petita ;

- c'est à bon droit, en revanche, que le tribunal administratif a retenu qu'il n'y avait pas eu de harcèlement moral ; les mesures qu'elle a adoptées l'ont été en raison des difficultés majeures qu'elle a rencontrées pour procéder au reclassement de M. A...et, par conséquent, dans le seul intérêt du service ;

- la somme demandée au titre du préjudice moral est injustifiée et exorbitante ; M. A... ne disposait d'aucun droit acquis au maintien de la part variable ; le préjudice lié au non-versement de l'indemnité de mobilité fonctionnelle ou celui lié à la non-indemnisation des frais de repas sont sans lien direct avec l'illégalité des décisions annulées par le jugement du 14 décembre 2011 ; le préjudice de carrière invoqué n'est pas établi.

La Poste a produit un mémoire, enregistré le 5 janvier 2018, qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 2007-1329 du 10 septembre 2007 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gondouin,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;

- les observations de Me Bonnefoy-Claudet, avocat de M. A... et de Me Kelber, avocat de la Poste ;

Une note en délibéré produite pour M. A... a été enregistrée le 11 janvier 2018 ;

1. Considérant que M. A..., recruté par la Poste en 1978, puis admis dans le corps des inspecteurs en 1989 puis titularisé à compter du 10 avril 1990, détient, depuis le 1er janvier 1993, le grade de cadre de second niveau (CA2) ; que, le 8 juin 2012, il a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la Poste à lui verser la somme de 104 847 euros, dans le dernier état de ses écritures, outre les intérêts au taux légal et leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de décisions illégales, annulées par un jugement de ce même tribunal du 14 décembre 2011, et du harcèlement moral dont il estime avoir été victime ; que M. A... relève appel du jugement du 1er juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Lyon a limité à 15 000 euros, outre intérêts au taux légal et capitalisation de ceux-ci, le montant de l'indemnité que la Poste a été condamnée à lui verser ; que la Poste demande l'annulation de ce jugement et le rejet de l'ensemble des demandes de M. A... ;

Sur le harcèlement moral :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ci-dessus visée : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : /1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) " ;

3. Considérant, d'une part, qu'il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction ;

4. Considérant, d'autre part, que, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ; qu'en revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui ; que le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé ;

5. Considérant qu'au cours de la période allant du 1er août 1994 au 4 mars 2007 M. A..., titulaire du grade de second niveau (CA2), a exercé des fonctions d'organisateur analyse courrier, en dernier lieu au sein de la direction opérationnelle territoriale courrier (DOTC) du Rhône ; que, par une décision du 1er mars 2007, le directeur des ressources humaines de la Poste a mis fin à ses attributions en sa qualité d'organisateur courrier et l'a affecté à compter du 5 mars au centre de tri courrier (CTC) de Saint-Priest pour y exercer des fonctions de guichetier réceptionniste et ce jusqu'au 13 juin 2008 ; que, par une lettre du 20 juin 2008, le directeur de la production de la DOTC du Rhône lui a assigné pour mission de participer, entre le 17 juin et le 30 septembre, au démontage et à l'évacuation du matériel d'exploitation et du mobilier du centre de tri de Saint-Priest CTC qui avait cessé son activité ; que par une décision, non datée, le directeur des ressources humaines l'a placé à disposition de la Plateforme production distribution courrier (PPDC) de Lyon (08) pour assurer le traitement des plis non distribuables (PND) ; que, par une décision du 1er octobre 2009, le directeur opérationnel territorial courrier lui a infligé un avertissement à titre de sanction disciplinaire ; que le tribunal administratif de Lyon, par un jugement du 14 décembre 2011, a annulé ces quatre décisions et enjoint à la Poste de régulariser la situation de M. A..., conformément aux dispositions statutaires applicables, dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement ;

6. Considérant, en outre, que le traitement de M. A... a été suspendu par décision du 3 juillet 2008, pour des absences irrégulières les 17 et 18 juin 2008 ; que cette décision a toutefois été retirée le 1er octobre 2008, à la suite d'un recours gracieux ; qu'un blâme lui a été infligé par décision du 5 septembre 2011, puis retiré à la suite d'un nouveau recours gracieux ; que M. A... a également perdu, du fait des mesures l'affectant à divers postes ne correspondant pas à son grade, le bénéfice de diverses primes et indemnités ;

7. Considérant que chacune de ces décisions prise isolément, ne peut, par elle-même, laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral tel que défini par les dispositions précitées de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 ; qu'en revanche la succession de ces décisions, notamment celles qui ont affecté M. A... dans des fonctions ne correspondant pas à son grade et qui caractérisent un déclassement professionnel, comme l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Lyon dans son jugement n° 0907577 du 14 décembre 2011, pourrait laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction, en particulier d'une lettre adressée par la Poste aux directeurs opérationnels territoriaux du courrier datée du 18 mai 2006, qu'au cours de l'année 2006, la Poste a entendu professionnaliser les acteurs de la filière Organisation ; qu'à cet effet devait être réalisé, pour chaque organisateur en poste, un bilan individuel pour "évaluer la maîtrise des nouvelles exigences attachées à chaque niveau" et "identifier les besoins de développement des compétences" ; que ce bilan devait être réalisé "au travers d'un auto-diagnostic par l'organisateur lui-même et d'une analyse des compétences réalisées par son responsable hiérarchique" ; que la DOTC du Rhône a réorganisé sa "filière Organisateurs Courrier" et demandé à cette occasion "une auto évaluation des compétences complétée d'un bilan commun avec le responsable distribution" ; que le bilan de compétences de M. A... a été effectué par sa responsable hiérarchique, en l'absence de celui-ci, à la fin du mois d'octobre 2006 ; qu'il ressort de ce bilan que M. A... s'il "possède de solides compétences techniques, un souci de précision et de recherche du résultat, ne possède pas les compétences d'écoute et de compréhension des autres, de sens politique, de conviction d'esprit d'équipe et de maîtrise de soi" toutes qualités recherchées pour le poste d'organisateur courrier 3.3. dans la nouvelle filière ;

9. Considérant que M. A... s'est plaint à plusieurs reprises au cours de l'année 2009, alors qu'il était affecté à la Plateforme production distribution courrier (PPDC) de Lyon (08) pour assurer le traitement des plis non distribuables (PND), du comportement qualifié d'agressif, humiliant et insultant à son encontre de collègues de ce service ; qu'à la suite de ses courriers adressés au directeur d'établissement, ainsi qu'il ressort de plusieurs notes internes, la Poste a tenté de remédier à la situation en mettant en place un dispositif d'intervention prévoyant des rencontres avec les responsables hiérarchiques, le médecin de prévention et l'assistant social ; que si, malgré ce dispositif, d'autres incidents sont ensuite survenus dans le service, il ne résulte pas de l'instruction que ces incidents entre collègues peuvent être regardés comme relevant d'agissements répétés de harcèlement moral au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit aux points 8 et 9 que les décisions de la Poste ainsi que les incidents dénoncés par M. A... ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral ; que, dès lors, et comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la Poste a commis une faute en raison d'un harcèlement moral dont il aurait été victime ; que, par suite, ses conclusions tendant à l'indemnisation des conséquences d'un tel harcèlement ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur la responsabilité du fait des décisions illégales de la Poste :

En ce qui concerne la faute :

11. Considérant que, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, les décisions du 1er mars 2007 et du 20 juin 2008 portant affectation de M. A... respectivement sur un poste de guichetier réceptionniste puis de manutentionnaire, la décision non datée le plaçant à disposition de la Plateforme production distribution courrier de Lyon (08) pour assurer le traitement des plis non distribuables révèlent un déclassement professionnel du requérant méconnaissant la garantie fondamentale des fonctionnaires que constitue leur droit d'être affecté sur un emploi pour exercer les missions afférentes à leur grade ; que ces décisions ainsi que celle du 1er octobre 2009 lui infligeant à tort un avertissement, annulées par le jugement du 14 décembre 2011, sont constitutives de fautes de nature à engager la responsabilité de la Poste à l'égard du requérant ;

En ce qui concerne les préjudices :

S'agissant du préjudice relatif à la perte de primes et indemnités :

12. Considérant, en premier lieu, que M. A... demande, au titre de la perte de l'indemnité de part variable qu'il soutient avoir subie, une indemnisation correspondant au différentiel entre la somme de 495 euros perçue au titre de l'année 2005 et ce qu'il a effectivement perçu au titre des années 2006 à 2011, soit un montant de 1 462 euros ; que cette indemnité de part variable, attribuée chaque année au titre de l'année précédente, est constituée d'une part collective, attribuée en fonction des résultats collectifs, et d'une part individuelle, liée à la performance individuelle de chaque agent et déterminée dans le cadre de son entretien annuel d'appréciation ; qu'il existe un lien entre les mesures de déclassement professionnel dont a fait l'objet M. A...et la perte de la part individuelle de cette indemnité qu'il a subie ; que, toutefois, d'une part, M. A... n'avait pas de droit acquis au maintien d'une prime d'un montant de 495 euros égal à celui attribué au titre de l'année 2005 puisque le montant de la prime est fixé au regard de résultats tant collectifs qu'individuels ; que, d'autre part, il n'établit pas de lien de causalité suffisamment direct entre la diminution de sa prime et les illégalités fautives des décisions annulées par le tribunal administratif de Lyon, alors, comme l'ont relevé les premiers juges dans le jugement attaqué, que la prime au titre de l'année 2005 était déjà en diminution par rapport à l'année précédente, ce que les appréciations produites par la Poste au titre des années 2005 et 2006, ainsi que le bilan des compétences de M. A... pour l'année 2006 permettent aisément d'expliquer ; que, dès lors, M. A... n'est pas fondé à demander une indemnisation au titre de la perte de la part individuelle de l'indemnité de part variable ;

13. Considérant, en deuxième lieu, que M. A... sollicite, au titre de l'indemnisation de son préjudice lié au non-versement de l'indemnité de mobilité fonctionnelle à l'occasion de ses trois changements d'affectation les 1er mars 2007, 29 juin 2009 et 2 avril 2012, la somme de 3 900 euros ; que cette demande est fondée sur la décision de la Poste n° 352 du 15 février 2002 relative au dispositif d'accompagnement des réorientations et aux indemnités liées aux réorientations ; qu'en vertu du point 12 de cette décision, peuvent bénéficier de ces indemnités, dont l'indemnité de mobilité fonctionnelle, " tous les agents de la Poste fonctionnaires, contractuels de droit public ou contractuels relevant de la convention commune la Poste-France Télécom sous contrat à durée indéterminée en réorientation concernés par un projet labellisé " ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, ni n'est soutenu par M. A...qu'il aurait été concerné par un projet labellisé ; que sa demande d'indemnisation au titre d'un préjudice lié au non-versement de l'indemnité de mobilité fonctionnelle ne peut, dès lors, qu'être rejetée ;

14. Considérant, en troisième lieu, que M. A... sollicite le versement d'une somme de 3 785 euros correspondant à l'indemnité de frais de repas pour les périodes allant du 1er mars 2007 au 30 septembre 2008 (19 mois) et du 29 juin 2009 au 1er avril 2012 (33 mois) qu'il n'a pas perçues du fait de mesures de déclassement dont il a fait l'objet ; que M. A... a été privé de cette indemnité du fait de décisions illégales annulées par le jugement du tribunal administratif de Lyon du 14 décembre 2011 ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que cette indemnité d'un montant de 72,80 euros par mois correspond aux frais spécifiques exposés par les organisateurs à raison de leurs déplacements dans tout le département pour l'exercice de leurs missions ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. A... dans l'exercice des missions qui lui ont été confiées par les décisions illégales annulées a été effectivement amené à se déplacer dans le département pour l'exercice de ces missions en engageant des frais spécifiques restés à sa charge ; que, par suite, ses conclusions tendant à l'indemnisation de la suppression de l'indemnité de frais de repas doivent être rejetées ;

S'agissant du préjudice de carrière :

15. Considérant qu'en vertu de l'article 2 du décret ci-dessus visé du 10 septembre 2007 relatif aux dispositions statutaires applicables au corps des cadres supérieurs de la Poste, les cadres supérieurs assurent des responsabilités de direction, d'organisation, de contrôle, d'expertise et de conseil qu'ils peuvent être amenés à exercer dans les différents métiers et activités de la Poste ; qu'aux termes de l'article 5 du même décret dans sa rédaction antérieure au décret n° 2015-901 du 22 juillet 2015 modifiant les statuts relatifs à certains corps de fonctionnaires de la Poste : " Les cadres supérieurs de La Poste sont recrutés : 1° Par la voie d'un concours externe (...) ; 2° Par la voie d'un concours interne ouvert aux fonctionnaires de La Poste justifiant d'au moins trois années de services effectifs à La Poste ou dans ses filiales, dont une année dans leur grade, et ayant reçu, le cas échéant, une formation appropriée ; 3° Par la voie d'une liste d'aptitude, établie après avis de la commission administrative paritaire, dans la limite de 20 % des nominations intervenues dans l'année au titre des concours prévus aux 1° et 2°. Peuvent être inscrits sur cette liste d'aptitude : a) Les cadres de second niveau de La Poste justifiant d'au moins dix années de services effectifs à La Poste ou dans ses filiales et ayant atteint le 7e échelon de leur grade ; b) Les fonctionnaires de La Poste titulaires des grades d'inspecteur, de réviseur, de chef d'établissement hors classe ou de chef d'établissement de 1ère classe comptant au moins dix années de services effectifs à La Poste ou dans ses filiales, dont cinq années dans leur grade. (...) Le nombre de postes à pourvoir au titre de chacune des voies de recrutement mentionnées au présent article est fixé par décision du président du conseil d'administration de La Poste. En aucun cas, le nombre total de postes à pourvoir par la voie du concours et de la liste d'aptitude prévus aux 2° et 3° ne peut être inférieur à 25 % du nombre total des postes à pourvoir pour l'ensemble des voies de recrutement " ;

16. Considérant que M. A... soutient avoir perdu une chance sérieuse d'accéder plus rapidement au grade de cadre supérieur du fait des déclassements professionnels qu'il a subis ; qu'il ne résulte toutefois pas de l'instruction, en particulier des conclusions des évaluations menées au titre des années 2005 et 2006, du bilan de compétences effectué à la fin de l'année 2006, des évaluations au titre des années 2011 et 2012, qu'il a perdu une chance sérieuse d'être promu au grade de cadre supérieur du fait des décisions illégales de déclassement professionnel annulées par le jugement du 14 décembre 2011 ; que M. A... n'établit pas, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, qu'il détenait les compétences requises, notamment sur le plan relationnel, pour exercer des fonctions de cadre supérieur, ni qu'il avait des mérites équivalents ou supérieurs aux agents qui, placés dans la même situation statutaire que lui, ont été promus ; que, compte tenu en outre de la limitation du nombre de postes à pourvoir, telle que définie par l'article 5 précité du décret du 10 septembre 2007, M. A... ne démontre pas que les décisions illégales de déclassement professionnel lui ont fait perdre une chance sérieuse d'accéder au grade supérieur ; que ses conclusions présentées à ce titre doivent être également rejetées ;

S'agissant du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence :

17. Considérant que le déclassement professionnel subi par M. A..., affecté pendant plus de quatre ans à des postes correspondant à des emplois de catégorie C, alors qu'il est titulaire du grade de cadre de second niveau, ainsi que l'avertissement qui lui a été infligé à tort lui ont causé un préjudice moral ainsi que des troubles dans les conditions d'existence ; que les premiers juges ont évalué ces préjudices, compte tenu de la durée du déclassement subi, à la somme totale de 15 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 2 janvier 2012, date à laquelle la Poste a reçu la demande indemnitaire préalable ;

18. Considérant que, comme le fait valoir la Poste, la demande de capitalisation des intérêts n'a été présentée devant le tribunal administratif que par un mémoire enregistré le 17 juin 2013 ; que, dès lors, et contrairement à ce qu'a retenu le jugement attaqué qui doit être réformé sur ce point, la demande de capitalisation des intérêts prend effet à compter du 17 juin 2013 et non à compter du 2 janvier 2013 ;

19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 1er juillet 2015, le tribunal administratif de Lyon a limité à un montant de 15 000 euros outre intérêts au taux légal et capitalisation de ceux-ci le montant de l'indemnité que la Poste a été condamnée à lui verser ; que, par suite, ses conclusions ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... A...est rejetée.

Article 2 : Les intérêts au taux légal sur la somme de 15 000 euros que la Poste a été condamnée à verser à M. A... sont capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts à compter du 17 juin 2013, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 3 : Le jugement n° 1203819 du tribunal administratif de Lyon du 1er juillet 2015 est réformé dans cette mesure.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la Poste est rejeté.

Article 5: Le présent arrêt sera notifié à M. A... et à la Poste.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2018 où siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Gondouin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er février 2018.

9

N° 15LY03071


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY03071
Date de la décision : 01/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Genevieve GONDOUIN
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : BONNEFOY-CLAUDET

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-02-01;15ly03071 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award