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11/01/2018 | FRANCE | N°16LY01342

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 11 janvier 2018, 16LY01342


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- d'une part, d'annuler la décision par laquelle le préfet de l'Isère a implicitement refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

- d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " d'une durée de validité d'un an, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugeme

nt n° 1507953 du 15 mars 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision implici...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- d'une part, d'annuler la décision par laquelle le préfet de l'Isère a implicitement refusé de lui délivrer un titre de séjour ;

- d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " d'une durée de validité d'un an, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1507953 du 15 mars 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision implicite par laquelle le préfet de l'Isère a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A...et enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de son jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 18 avril 2016, présentée par le préfet de l'Isère, il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1507953 du tribunal administratif de Grenoble du 15 mars 2016 ;

2°) de rejeter la demande de M. A... devant le tribunal administratif.

Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'il avait méconnu l'autorité de la chose jugée par l'arrêt de la cour du 4 septembre 2014, dès lors que le réexamen de la situation d'un ressortissant étranger suite à l'annulation des précédentes décisions n'implique pas nécessairement la délivrance d'un titre de séjour et que le réexamen de la situation exige un examen complet de la situation, alors qu'en l'espèce, un jugement du juge aux affaires familiales du 19 novembre 2015 n'avait pas été communiqué avant la demande devant le tribunal.

Par un mémoire, enregistré le 27 avril 2017, présenté pour M. A..., il conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision préfectorale en cause a méconnu l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la cour de céans, qui annulait la mesure d'éloignement prise à son encontre pour violation de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et enjoignait au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois, alors qu'une décision du préfet n'est intervenue que vingt mois après l'arrêt ;

- en toute hypothèse, la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, dès lors que les circonstances qui ont conduit la cour à annuler la décision précédente pour violation de cet article 3-1 n'ont pas changé et qu'il est de l'intérêt de l'enfant Emma, née le 27 juin 2004, enfant très fragile, de poursuivre ses relations avec son père dans le cadre du dispositif évolutif fixé par le juge des enfants.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Seillet, président ;

1. Considérant que M. A..., ressortissant turc né le 1er novembre 1966, a contracté mariage, en Turquie, avec une ressortissante française, le 29 septembre 2003 ; qu'un enfant est né de cette union le 27 juin 2004 ; que M. A..., entré en France, selon ses déclarations, sous couvert d'un visa bulgare, le 22 novembre 2007, a sollicité, en août 2011, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par des décisions du 9 juillet 2013, le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que, le 30 septembre 2013, le préfet de l'Ain a ordonné son placement en rétention administrative ; que, par jugement du 3 octobre 2013, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté du 30 septembre 2013 et rejeté le surplus de ses conclusions ; que, sur appel de M. A..., les décisions du préfet de l'Isère du 9 juillet 2013 ont été annulées par un arrêt de la cour du 4 septembre 2014, au motif tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour avait méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; que ce même arrêt a enjoint au préfet de l'Isère de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de sa notification et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de cet arrêt ; que M. A...a sollicité, le 22 décembre 2014, la délivrance d'un titre de séjour ; qu'un récépissé, valable du 21 janvier 2015 au 20 avril 2015, lui a été remis ; qu'il a de nouveau sollicité la délivrance d'un titre de séjour le 17 juillet 2015 ; que le préfet de l'Isère fait appel du jugement du 15 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision implicite par laquelle il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A... ;

2. Considérant que si, ainsi qu'il a été dit, il avait été enjoint au préfet de l'Isère, par un arrêt de la cour du 4 septembre 2014, qui avait annulé les décisions dudit préfet du 9 juillet 2013 au motif de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification de cet arrêt, la seule circonstance qu'à la date du jugement attaqué était née une décision implicite de rejet de la demande de titre de séjour présentée par M. A... n'était pas de nature à démontrer que ladite décision était intervenue en méconnaissance de l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt de la cour du 4 septembre 2014 ; que c'est, dès lors, à tort que, pour annuler la décision implicite en litige, les premiers juges se sont fondés sur le motif tiré d'une méconnaissance de l'autorité de chose jugée attachée à cet arrêt ;

3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... tant devant le tribunal administratif de Grenoble qu'en appel ;

4. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;

5. Considérant que M. A... a fait valoir qu'il n'a appris l'existence de sa fille que plusieurs années après la naissance de celle-ci mais qu'il a noué des liens avec elle ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'enfant de M. A... est prise en charge par l'aide sociale à l'enfance depuis 2009 et qu'elle présente un état de souffrance psychologique important et préoccupant selon l'ordonnance en assistance éducative de la cour d'appel de Grenoble du 15 juin 2011, qui indiquait " qu'il est impératif que la fillette ne vive pas un nouvel abandon et que M. A...soit en mesure de s'engager durablement et avec beaucoup de patience vis-à-vis d'elle " ; que, le 15 juin 2011, l'instauration d'un droit de visite avait été jugé prématuré et il avait été décidé d'instaurer un travail préparatoire aux visites ; que, toutefois, par un jugement en assistance éducative du 18 novembre 2011, M. A...a obtenu un droit de visite dans un lieu de médiation ; que ce jugement précisait que l'enfant souhaitait faire la connaissance de son père ; que M. A... avait produit le calendrier des visites de décembre 2011 à juin 2012 et en septembre 2013 qui lui avait été fixé et une attestation du service de l'aide sociale à l'enfance en date du 3 octobre 2013 selon laquelle il " entretient un lien régulier avec sa fille dans le cadre de visites médiatisées " ; que le jugement de divorce faisait état des difficultés graves rencontrées par cette famille, et notamment par la mère de l'enfant qui perçoit l'allocation adulte handicapé et dont deux des enfants sont placés et confiés à l'aide sociale à l'enfance ; que, si la mère de l'enfant conserve l'autorité parentale exclusive, elle n'a sollicité ni la résidence principale de sa fille, ni même un droit de visite ; que, par un jugement en assistance éducative du 6 novembre 2013, la mesure de placement de l'enfant avait été renouvelée pour une durée de deux ans ; que, par un jugement en assistance éducative du 19 novembre 2015, le juge des enfants a renouvelé le placement de l'enfant de M. A... jusqu'au 30 novembre 2017 dans un contexte où la mère dudit enfant était défaillante ; que ce jugement a mentionné, en outre, que "Monsieur A...pour sa part est régulier dans l'exercice de son droit de visite " et renouvelé le droit de visite de ce dernier ; que, dans les circonstances de l'espèce, identiques à celles prises en compte par l'arrêt de la cour du 4 septembre 2014, la décision lui refusant implicitement la délivrance d'un titre de séjour a méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision implicite par laquelle il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A... ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par une décision du 6 avril 2016, le préfet de l'Isère a délivré à M. A... une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " ; que, dès lors, les conclusions de M. A..., présentées dans un mémoire enregistré le 27 avril 2017, tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour, sont irrecevables ;

8. Considérant qu'il a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés à l'occasion de la présente instance par M. A... et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de l'Isère est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A.... Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 21 décembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

Mme Dèche, premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 janvier 2018.

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N° 16LY01342


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY01342
Date de la décision : 11/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : ABOUDAHAB

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-01-11;16ly01342 ?
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