Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SCI LCA a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner la commune de Gevrey-Chambertin à lui verser la somme de 295 997,52 euros assortie des intérêts légaux en réparation du préjudice résultant pour elle de la faute commise par cette commune en lui délivrant un permis de construire un bâtiment à usage d'entrepôt et de bureau sur un terrain sis route de Saint-Philibert et de mettre à la charge de cette commune les frais d'expertise et la somme 7 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1401992 du 1er février 2016, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 5 avril et 4 août 2016, la SCI LCA, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 1er février 2016 ;
2°) de condamner la commune de Gevrey-Chambertin à lui verser la somme de 295 997, 52 euros assortie des intérêts à compter de la décision à intervenir ou, à titre subsidiaire, à lui verser la moitié de cette somme.
3) de mettre à la charge de la commune de Gevrey-Chambertin les entiers dépens de l'instance, comprenant les frais d'expertise d'un montant de 14 685,01 euros, ainsi que la somme de 7 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce que soutient la commune intimée, sa requête est recevable ;
- c'est à tort que le tribunal a considéré que les négligences et imprudences commises par le pétitionnaire, l'architecte et l'entreprise chargée des travaux étaient de nature à exonérer totalement la commune de sa responsabilité ;
- le défaut de consultation de la société RTE, l'omission de se référer aux servitudes d'utilité publique annexées au document d'urbanisme et l'absence de prescription dans le permis de construire qui lui a été délivré constituent des manquements fautifs de nature à engager la responsabilité de la commune ;
- la responsabilité de la commune ne saurait être engagée pour moins de la moitié du préjudice subi ;
- son préjudice est constitué des frais engagés pour la construction et la démolition des ouvrages autorisés et s'établit, conformément aux conclusions de l'expert dont le rapport est joint au dossier, à la somme de 295 997,52 euros tous chefs confondus.
Par des mémoires enregistrés les 21 juin et 15 novembre 2016, la commune de Gevrey-Chambertin, représentée par M et R avocats, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête n'est pas recevable, faute d'être suffisamment motivée ;
- l'illégalité du permis de construire accordé n'est pas établie ;
- ni l'illégalité du permis de construire accordé ni le préjudice allégué ne sont établis, alors que le dommage résulte de manquements commis par le pétitionnaire, l'architecte et l'entreprise chargée des travaux.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi du 15 juin 1906 modifiée sur les distributions d'énergie ;
- le décret n° 65-48 du 8 janvier 1965 modifié portant règlement d'administration publique pour l'exécution des dispositions du livre II du code du travail en ce qui concerne les mesures particulières de protection et de salubrité applicables aux établissements dont le personnel exécute des travaux du bâtiment, des travaux publics et tous autres travaux concernant les immeubles ;
- le décret n° 91-1147 du 14 octobre 1991 relatif à l'exécution de travaux à proximité de certains ouvrages souterrains, aériens ou subaquatiques de transport ou de distribution ;
- l'arrêté du 17 mai 2001 fixant les conditions techniques auxquelles doivent satisfaire les distributions d'énergie électrique ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Antoine Gille, président-assesseur,
- et les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Gevrey-Chambertin :
1. Considérant que le maire de Gevrey-Chambertin a, le 30 mai 2006, délivré un permis de construire à la SCI LCA en vue de la réalisation d'un bâtiment à usage d'entrepôt et de bureaux sur un terrain situé route de Saint-Philibert et traversé, dans sa partie nord-est et à une hauteur d'environ 8 mètres, par une ligne électrique aérienne de 63 kilovolts ; que les travaux de construction de ce bâtiment ont été interrompus après qu'un engin de chantier a, le 29 février 2008, heurté la ligne électrique surplombant le terrain d'assiette du projet ; qu'il a ensuite été requis de la SCI LCA qu'elle démolisse les ouvrages construits par elle à l'aplomb de la ligne à haute tension ; que, dans ces circonstances, la SCI LCA a recherché la responsabilité de la commune de Gevrey-Chambertin devant le tribunal administratif de Dijon pour obtenir, à hauteur de 295 997,52 euros, l'indemnisation des préjudices subis à cette occasion ; qu'elle relève appel du jugement du 1er février 2016 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie, le concessionnaire a le droit : " 1° D'établir à demeure des supports et ancrages pour conducteurs aériens d'électricité, soit à l'extérieur des murs ou façades donnant sur la voie publique, soit sur les toits et terrasses des bâtiments (...) ; / 2° De faire passer les conducteurs d'électricité au-dessus des propriétés privées, sous les mêmes conditions et réserves que celles spécifiques à l'alinéa 1° ci-dessus ; / 3° D'établir à demeure des canalisations souterraines, ou des supports pour conducteurs aériens, sur des terrains privés non bâtis, qui ne sont pas fermés de murs ou autres clôtures équivalentes ; / 4° De couper les arbres et branches d'arbres qui, se trouvant à proximité des conducteurs aériens d'électricité, gênent leur pose ou pourraient, par leur mouvement ou leur chute, occasionner des courts-circuits ou des avaries aux ouvrages ; / L'exécution des travaux prévus aux alinéas 1° à 4° ci-dessus (...) n'entraîne aucune dépossession ; la pose d'appuis sur les murs ou façades ou sur les toits ou terrasses des bâtiments ne peut faire obstacle au droit du propriétaire de démolir, réparer ou surélever. La pose des canalisations ou supports dans un terrain ouvert et non bâti ne fait pas non plus obstacle au droit du propriétaire de se clore ou de bâtir. / Le propriétaire devra, un mois avant d'entreprendre les travaux de démolition, réparation, surélévation, clôture ou bâtiment, prévenir le concessionnaire (...) par lettre recommandée (...) " ; qu'aux termes de l'article 18 de cette loi : " Des décrets en conseil d'Etat (...) déterminent : / (...) 6° Les mesures relatives à la police et à la sécurité de l'exploitation des distributions d'énergie ; (...) / 8° Et, en général, toutes les mesures nécessaires à l'exécution de la présente loi. (...) " ; qu'aux termes de l'article 19 de cette loi : " Des arrêté (...) déterminent les conditions techniques auxquelles devront satisfaire les distributions d'énergie au point de vue de la sécurité des personnes et des services publics intéressés, (...) " ;
3. Considérant que, pour soutenir que la responsabilité de la commune de Gevrey-Chambertin est engagée à son égard, la SCI LCA fait valoir qu'alors que la commune ne pouvait ignorer que son projet était surplombé par une ligne à haute tension, le défaut de consultation du gestionnaire du réseau de transport et de distribution d'électricité, l'omission de se référer aux servitudes d'utilité publique annexées au plan local d'urbanisme de la commune et l'absence de prescription venant assortir le permis de construire qui lui a été délivré constituent autant de manquements fautifs de la commune auxquels elle impute le préjudice qu'elle a subi ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'interruption des travaux entrepris et le rétablissement des lieux dans leur état initial dont la requérante poursuit l'indemnisation ont été prescrits sur le fondement des dispositions alors applicables du décret du 14 octobre 1991 et de l'arrêté ministériel du 17 mai 2001 pris pour l'exécution des dispositions de la loi du 15 juin 1906 citées au point 2, ainsi que sur celles du titre 12 du décret du 8 janvier 1965 modifié alors en vigueur relatives aux travaux effectués au voisinage des lignes, canalisations et installations électriques ;
5. Considérant qu'alors que ces prescriptions réglementaires s'imposent à toute personne qui entend réaliser des travaux sur une construction située à moins de 5 mètres de lignes électriques aériennes dont la tension est égale ou supérieure à 50 000 volts, aucune disposition législative ou réglementaire ne subordonne la délivrance du permis de construire par l'autorité compétente à un avis ou accord du gestionnaire des ouvrages électriques surplombant le terrain ;
6. Considérant que, si elles sont liées à des ouvrages générateurs de diverses servitudes d'utilité publique instituées dans leur intérêt par la loi précitée de 1906 figurant à ce titre, sous la rubrique I4, en annexe du plan local d'urbanisme de la commune, les prescriptions découlant des dispositions réglementaires rappelées au point 4, qu'elles aient trait à la nécessité de s'enquérir de l'existence et de l'implantation d'ouvrages de distribution d'énergie, à l'obligation de déclarer son intention de commencement des travaux ou encore au respect d'une distance minimale d'éloignement entre les bâtiments et les installations électriques, s'imposent sans que l'autorité administrative ne soit tenue de les reprendre dans le cadre de la délivrance d'un permis de construire ;
7. Considérant que si les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme permettent à l'autorité compétente de refuser un permis de construire ou de ne l'accorder que sous réserve de prescriptions particulières lorsque l'implantation des constructions projetées à proximité d'autres installations, leurs caractéristiques ou leur situation est de nature à porter atteinte à la sécurité publique, la délivrance sans prescriptions particulières du permis de construire du 30 mai 2006 ne saurait en tout état de cause, compte tenu en particulier de l'existence du régime spécifique auquel est précisément soumise la réalisation de travaux sous un tel ouvrage ou encore de la possibilité pour le propriétaire du terrain et le gestionnaire du réseau de convenir de sa dérivation, être regardée comme procédant en l'espèce d'une erreur manifeste d'appréciation ;
8. Considérant que, dans ces conditions et alors que le permis de construire du 30 mai 2006 n'avait ni pour objet ni pour effet de lui conférer une garantie concernant la faisabilité technique de son projet, la SCI LCA n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la requérante formées sur leur fondement à l'encontre de la commune de Gevrey-Chambertin, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions et de mettre à la charge de la SCI LCA le versement à la commune intimée de la somme de 2 000 euros au titre des frais d'instance ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SCI LCA est rejetée.
Article 2 : La SCI LCA versera à la commune de Gevrey-Chambertin la somme de 2 000 euros (deux mille euros) en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI LCA et à la commune de Gevrey-Chambertin.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2017, à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
Mme Christine Psilakis, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 décembre 2017.
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N° 16LY01183
mg