Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 1er juillet 2015 par lesquelles le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1502152 du 21 décembre 2015, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 29 mars 2016, M. B..., représenté par Me Boughlita, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 21 décembre 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 1er juillet 2015 par lesquelles le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Côte-d'Or de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, à payer à son conseil, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.
M. B... soutient que :
- le préfet a méconnu l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de renouveler son titre de séjour en qualité d'étranger malade alors qu'il disposait d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé ayant conclu au fait que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et à l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ; un document général, dont il n'a pas eu communication, indiquant que toutes les pathologies peuvent être soignées au Soudan ne contredit pas utilement cet avis et ne pouvait fonder le jugement du tribunal ;
- le refus de titre de séjour est entaché d'erreur manifeste d'appréciation compte tenu de la durée de son séjour en France, de son état de santé, du fait qu'il dispose d'un logement et est inséré socialement ;
- l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination sont illégales du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- l'obligation de quitter le territoire français n'est pas suffisamment motivée ;
- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu, d'une part, de l'état de violence généralisée au Darfour, d'où il provient, et, d'autre part, de ses pathologies psychologiques qui lui font encourir des risques de mauvais traitements en cas de retour dans son pays.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juillet 2016, la préfète de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 mars 2016.
Par une ordonnance du 21 avril 2017 la clôture d'instruction a été fixée au 15 mai 2017, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre l'administration et le public ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duguit-Larcher, premier conseiller ;
1. Considérant que M. B..., né le 1er janvier 1974, de nationalité soudanaise, déclare être entré en France le 15 décembre 2006 ; qu'il a présenté une demande d'asile qui a été successivement rejetée le 17 octobre 2007 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 6 janvier 2009 par la Cour nationale du droit d'asile, puis, de nouveau le 2 février 2009 et le 13 août 2009 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et le 7 juin 2010 par la Cour nationale du droit d'asile ; que le 1er avril 2011, il a été mis en possession d'une carte de séjour temporaire, portant la mention " vie privée et familiale " pour raisons médicales valable jusqu'au 3 février 2012, laquelle a été renouvelée à deux reprises jusqu'au 2 février 2014 ; que M. B... relève appel du jugement en date du 21 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 1er juillet 2015 par lesquelles le préfet de la Côte-d'Or, après avoir constaté que l'intéressé ne pouvait bénéficier d'un titre de séjour en qualité de réfugié ou au titre de la protection subsidiaire, a refusé de renouveler son titre de séjour en qualité d'étranger malade, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat " ;
3. Considérant que sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ; que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires
4. Considérant que, par un avis du 7 janvier 2014, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de M. B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il n'existait pas de traitement approprié dans son pays d'origine et que les soins nécessités par cet état de santé devaient être poursuivis pendant une année ; que le préfet de la Côte-d'Or, qui n'était pas lié par cet avis, a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B..., motif pris qu'il n'était pas établi que l'absence de prise en charge de la pathologie de l'intéressé entraînerait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, susceptibles d'engager son pronostic vital ou son intégrité physique ;
5. Considérant que pour justifier sa décision, le préfet de la Côte-d'Or s'est borné à se prévaloir des observations formulées par le directeur de l'agence régionale de santé, sous couvert duquel l'avis du médecin de l'agence régionale de santé devait être transmis, dans son courrier de transmission du 14 janvier 2014, selon lequel " le système de santé installé dans ce territoire est en capacité de prendre en charge ces malades, y compris ceux souffrant de pathologies psychiatriques. Les derniers rapports connus sur le système de santé en notre possession indiquent que l'ensemble des soins est assuré. " ; que, toutefois, et alors que le préfet de la Côte-d'Or n'a sollicité, ni devant le tribunal, ni devant la cour, de substitution de motifs, ces observations ne permettent pas d'établir que, contrairement à ce qu'avait indiqué le médecin de l'agence régionale de santé, le défaut de prise en charge médicale de M. B... ne pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, par suite, le préfet a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de renouveler le titre de séjour de M. B... pour ce motif ; que la décision ayant refusé de renouveler le titre de séjour de M. B... doit, dès lors, être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions obligeant M. B... à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ; qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. / Si la décision de ne pas accorder de délai de départ volontaire, la décision de placement en rétention ou la décision d'assignation à résidence est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 (...) " ;
8. Considérant qu'eu égard aux conclusions présentées par M. B... devant le cour, il y a lieu d'enjoindre à la préfète de la Côte-d'Or de réexaminer la demande de l'intéressé dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, après lui avoir délivré, dans le délai de quinze jours, une autorisation provisoire de séjour ;
Sur les conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens :
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me Boughlita, avocat de M. B... au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Boughlita renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les décisions du préfet de la Côte-d'Or du 1er juillet 2015 et le jugement du tribunal administratif de Dijon du 21 décembre 2015 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète de la Côte-d'Or de réexaminer la demande de M. B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, après lui avoir délivré, dans le délai de quinze jours, une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me Boughlita la somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Boughlita renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B..., à Me Boughlita, au ministre de l'intérieur et à la préfète de la Côte-d'Or. Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Dijon.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2017, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, président-assesseur,
Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 décembre 2017.
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N° 16LY01130
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