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07/12/2017 | FRANCE | N°16LY04270

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 07 décembre 2017, 16LY04270


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...D... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 12 octobre 2015 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office.

Par un jugement n° 1601478 du 11 octobre 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistré

e le 14 décembre 2016, Mme D... épouse E..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...D... épouse E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 12 octobre 2015 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office.

Par un jugement n° 1601478 du 11 octobre 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2016, Mme D... épouse E..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 11 octobre 2016 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 12 octobre 2015 ;

3°) d'enjoindre à cette autorité, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou à tout le moins de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, à titre subsidiaire, en cas d'annulation de la seule décision portant obligation de quitter le territoire français, de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de l'erreur de fait commise par le préfet, présenté dans son mémoire en réplique de première instance ;

Sur le refus de séjour :

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de droit en ce que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreurs de fait ;

- elle méconnaît l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision doit être annulée par voie d'exception d'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- cette décision doit être annulée par voie d'exception d'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2017, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme D... épouse E... ne sont pas fondés.

Par décision du 23 novembre 2016, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé à Mme D... épouse E... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Par une ordonnance du 31 mars 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 avril 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lesieux,

- et les observations de MeC..., substituant MeB..., représentant Mme D...épouseE....

1. Considérant que Mme D... épouse E..., née en 1954, se déclarant de nationalité arménienne, est entrée irrégulièrement en France à la date déclarée du 15 juin 2011 ; que sa demande d'asile a été rejetée par décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 24 juillet 2012, confirmée le 15 mars 2013 par la Cour nationale du droit d'asile ; que le 27 mai 2013, le préfet du Rhône a fait droit à sa demande de titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais en a refusé le renouvellement par décision du 12 octobre 2015, assortie d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et d'une décision fixant le pays de renvoi en cas d'exécution d'office ; que Mme D... épouse E... relève appel du jugement du 11 octobre 2016 par lequel tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande dirigée contre ces décisions ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que Mme D... épouse E... soutient que les premiers juges ont omis de statuer sur un moyen, présenté dans son mémoire en réplique de première instance, tiré de ce que le préfet du Rhône aurait commis une erreur de fait en qualifiant la pathologie dont elle souffre de " maladie courante " et en considérant qu'elle pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine ; que les premiers juges ont répondu au point 8 de leur jugement à ce moyen, qui se rapporte à une erreur manifeste d'appréciation réputée commise dans l'application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que s'ils n'ont pas répondu à l'argument tiré de ce que Mme D... épouse E... aurait été dans l'impossibilité de voyager sans risque vers son pays d'origine, cette circonstance est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué ;

Sur la légalité de la décision de refus de séjour :

3. Considérant, en premier lieu, que le préfet du Rhône, après avoir visé les textes sur lesquels il fonde sa décision, et en particulier les articles L. 313-11, 11°, L. 313-11, 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a exposé de façon précise les raisons pour lesquelles il estimait que Mme D... épouse E... ne pouvait obtenir un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions ; que s'agissant du titre de séjour demandé sur le fondement de son état de santé, il a exposé le sens de l'avis rendu par le médecin de l'agence régionale de santé puis la raison pour laquelle il entendait s'en écarter, à savoir qu'un traitement approprié existait dans son pays d'origine ; que par suite, la décision litigieuse, qui comporte les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ;

5. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ;

6. Considérant, d'une part, que, dans son avis du 8 décembre 2014, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de Mme D... épouse E... nécessitait une prise en charge dont le défaut pouvait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'un traitement approprié n'existait pas dans son pays d'origine, alors qu'il devait être poursuivi pendant douze mois ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressée souffre d'un état dépressif d'intensité notable accompagné de sensations paranoïdes et de troubles de sommeil et que son état de santé nécessite une prise en charge médicamenteuse, à base d'antidépresseur et d'anxiolytique, ainsi que d'une psychothérapie ;

7. Considérant que pour renverser la présomption d'indisponibilité des soins en Arménie, le préfet du Rhône produit divers documents relatifs aux capacités locales disponibles dans ce pays, attestées par des éléments émanant de l'ambassade de France en Arménie, du conseiller du directeur général des étrangers en France du ministère de l'intérieur en date du 7 novembre 2013 et de l'institut de santé des enfants et adolescents d'Erevan en date du 12 avril 2013 ainsi que des fiches "MedCOI", récentes, dont il ressort que la pathologie dont souffre l'appelante est susceptible d'être traitée en Arménie ;

8. Considérant, d'autre part, que dans son avis du 8 décembre 2014, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé, alors même qu'il considérait que l'intéressée ne pouvait pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, que l'état de santé de Mme D... épouse E... ne lui permet pas de voyager sans risque vers son pays d'origine ; que si l'appelante produit des certificats médicaux, dont deux sont postérieurs à la date de la décision attaquée, mentionnant la circonstance qu'elle ne pourrait pas voyager sans risque vers l'Arménie, ces certificats sont rédigés en termes généraux et convenus ; que, par ailleurs, et ainsi que le fait valoir le préfet du Rhône en défense, ni la nature, ni la gravité de la pathologie de l'intéressée ne fait obstacle à ce qu'elle puisse voyager vers son pays d'origine ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D... épouse E..., qui n'apporte aucun élément probant de nature à remettre en cause les pièces produites par le préfet du Rhône en défense, n'est pas fondée à soutenir que le refus de titre de séjour méconnaîtrait les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle n'est pas davantage fondée à soutenir que le préfet du Rhône, qui n'était pas lié par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé n'aurait pas procédé à l'examen particulier de sa situation ; qu'ainsi le moyen tiré de l'erreur de droit doit également être écarté ;

10. Considérant, en troisième lieu, que Mme D... épouse E... soutient qu'elle vit en France depuis plus de quatre ans à la date de la décision attaquée et qu'elle y a reconstitué sa cellule familiale auprès de son fils, dont la qualité de réfugié a été reconnue, de sa belle-fille, de ses petits-enfants et son époux ; que toutefois, il ressort des pièces du dossier, et en particulier de l'attestation de son fils, en date du 19 mai 2016, qu'elle n'a repris la vie commune avec son époux que postérieurement à la date de la décision attaquée, au mois de novembre 2015 ; que, par ailleurs, et ainsi que l'ont relevé les premiers juges, elle ne justifie d'aucune insertion sociale ou professionnelle en France où elle est arrivée à l'âge de 57 ans après avoir vécu une grande partie de son existence en Arménie où réside sa fille ; que, par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que la décision litigieuse serait entachée d'une erreur de fait, d'une méconnaissance de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

11. Considérant, en premier lieu, que n'ayant pas établi l'illégalité de la décision du 12 octobre 2015 portant refus de séjour, Mme D... épouse E... ne peut en déduire celle de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

12. Considérant, en second lieu, que les moyens tirés de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux développés précédemment, Mme D... épouse E... n'évoquant, à l'appui de ces moyens, aucun élément particulier tenant à l'obligation de quitter le territoire français ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

13. Considérant que n'ayant pas établi l'illégalité de la décision du 12 octobre 2015 portant refus de séjour, Mme D... épouse E... ne peut, en tout état de cause, en déduire celle de la décision fixant le pays de destination en cas d'exécution d'office ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D... épouse E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 11 octobre 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; qu'il s'ensuit que ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... épouse E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D... épouse E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée pour information au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2017, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 décembre 2017.

6

N° 16LY04270


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY04270
Date de la décision : 07/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : PETIT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-12-07;16ly04270 ?
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