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05/12/2017 | FRANCE | N°16LY03969

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 05 décembre 2017, 16LY03969


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du préfet de la Loire du 2 août 2016 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai et d'enjoindre au préfet, sous astreinte, de lui délivrer un titre ou de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 1606498 du 8 novembre 2016, le tribunal

administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du préfet de la Loire du 2 août 2016 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai et d'enjoindre au préfet, sous astreinte, de lui délivrer un titre ou de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 1606498 du 8 novembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 30 novembre 2016, M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 8 novembre 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Loire du 2 août 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer une carte de séjour portant la mention "vie privée et familiale" ou, à défaut, "salarié" ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, à charge pour lui de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- c'est à tort que le préfet et le tribunal administratif ont estimé que ses parents sont toujours vivants et à l'origine de la demande d'un jugement supplétif en date du 9 janvier 2015 tenant lieu d'état civil et constatant sa naissance au soutien de sa demande de titre de séjour en France ;

- le préfet et le tribunal administratif n'ont pas, pour l'examen de sa situation, pris en compte les conditions posées par l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ont ainsi commis une erreur de droit ;

- le préfet n'a pas procédé à une appréciation globale de sa situation et s'est concentré uniquement sur les liens entretenus avec sa famille restée en Guinée Conakry et a ainsi commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'arrêté attaqué méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision prononçant son éloignement est illégale à raison de l'illégalité du refus de titre de séjour qui lui est opposé et de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la désignation du pays de renvoi est illégale à raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français qui lui est opposée et méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu des menaces auxquelles il serait exposé en cas de retour en Guinée Conakry.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 10 janvier 2017.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2017, le préfet de la Loire fait valoir que la requête de M. B... n'appelle pas d'autres observations que celles qu'il a exposées devant le tribunal administratif.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christine Psilakis, premier conseiller ;

1. Considérant que M. B..., ressortissant de la République de Guinée né en 1998, est entré au mois de janvier 2015 en France, où il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Loire ; que, par arrêté du 2 août 2016, le préfet de la Loire a rejeté la demande de titre de séjour de M. B..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office ; que M. B... relève appel du jugement du 8 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé. " ;

3. Considérant que, lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire" présentée sur le fondement de ces dispositions dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et celui de dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle ; que, disposant d'un large pouvoir d'appréciation, il doit ensuite prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française ;

4. Considérant que l'arrêté en litige, après avoir décrit la situation du requérant en France depuis son admission à l'aide sociale à l'enfance, est fondé sur le motif selon lequel M. B... est célibataire et sans charge de famille en France, qu'il a déclaré que ses parents étaient décédés quand il était très jeune alors qu'un jugement supplétif du tribunal de première instance de Conakry valant acte de naissance a été établi le 9 janvier 2015 à la demande de ses père et mère et qu'il n'établit pas l'impossibilité de créer sa propre vie privée et familiale en Guinée où réside son oncle maternel, lequel à organisé son départ en France ; que cet arrêté doit ainsi être regardé comme motivé exclusivement par la circonstance que le requérant n'est pas dépourvu de liens familiaux dans son pays d'origine ;

5. Considérant que le préfet de la Loire a demandé une substitution de motif en se prévalant devant le tribunal de ce que M. B... n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Guinée et qu'il conserve des liens avec sa famille ;

6. Considérant que le motif que le préfet de la Loire entend substituer n'est pas différent de celui initialement invoqué dans sa décision, lequel ne suffit pas à fonder légalement un refus de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que l'autorité administrative doit, pour l'application de cette disposition, procéder à un examen global de la situation de l'étranger en prenant en considération le caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande et à demander l'annulation de ce jugement, celle du refus de titre de séjour qui lui a été opposé par le préfet de la Loire ainsi que, par voie de conséquence, celle des décisions portant obligation de quitter le territoire français et désignation du pays de renvoi ;

8. Considérant qu'eu égard aux motifs qui la fondent, l'annulation prononcée par le présent arrêt n'implique pas que le préfet du Rhône délivre à M. B... une carte de séjour temporaire mais seulement qu'il procède au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois et qu'il lui délivre, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

9. Considérant que M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Bescou, avocat du requérant, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive à l'aide juridictionnelle incombant à l'Etat, de mettre à la charge de celui-ci le versement à cet avocat de la somme de 1 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 8 novembre 2016 est annulé.

Article 2 : Les décisions du préfet de la Loire du 2 août 2016 sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Loire de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. B... dans un délai de quinze jours et de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me C... Bescou, avocat de M. B..., une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me C...Bescou et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée :

- au préfet de la Loire ;

- au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Saint-Etienne.

Délibéré après l'audience du 13 novembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président de chambre ;

M. Antoine Gille, président-assesseur ;

Mme Christine Psilakis, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 décembre 2017.

5

N° 16LY03969

mg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY03969
Date de la décision : 05/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : BESCOU

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-12-05;16ly03969 ?
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