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05/12/2017 | FRANCE | N°16LY00649

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 05 décembre 2017, 16LY00649


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Rannard Frères a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période correspondant aux exercices clos en 2006, 2007 et 2008, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de chacun de ces exercices, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1302889 du 25 janvier 2016, le tribunal administratif de Gr

enoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, un mémoire en r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Rannard Frères a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période correspondant aux exercices clos en 2006, 2007 et 2008, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de chacun de ces exercices, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1302889 du 25 janvier 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, un mémoire en réplique, et un nouveau mémoire, enregistrés le 18 février 2016, le 28 juin 2016 et le 13 septembre 2017, la SARL Rannard Frères, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 25 janvier 2016 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 300 euros majorée de 4 % des sommes éventuellement dégrevées à l'issue de la procédure.

Elle soutient que :

- l'administration n'a pas rapporté la preuve que les factures établies par la société Prestabat étaient des factures fictives ou de complaisance et ne pouvait remettre en cause la déduction de la taxe qu'elles faisaient apparaître ;

- l'administration n'a pas apporté la preuve de ce que les charges correspondant aux factures émises par les sociétés Prestabat et Eclipse AC n'étaient pas déductibles ;

- il n'appartient pas à l'administration de s'immiscer dans sa gestion.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société appelante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Menasseyre, présidente assesseure,

- et les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public ;

1. Considérant que la SARL Rannard Frères qui exerce une activité de terrassements et de démolition a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2006, 2007 et 2008 ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration estimant que la réalité des prestations n'était pas démontrée, a réintégré dans ses bases imposables des sommes facturées par les sociétés Prestabat et Eclipse AC et, pour les mêmes motifs, remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur des factures émanant de la société Prestabat ; que la société relève appel du jugement du 25 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er novembre 2005 au 31 octobre 2008, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006, 2007 et 2008, et des pénalités et amendes correspondantes ;

Sur la remise en cause de la déduction de taxe sur la valeur ajoutée facturée par la société Prestabat :

2. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts et de l'article 230 de l'annexe II à ce code, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services ; que dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ; que si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération ;

3. Considérant que la SARL Rannard Frères a payé cinq factures émises par la société Prestabat entre le mois d'août 2006 et le mois de juillet 2007 et acquitté la taxe sur la valeur ajoutée pour les montants correspondants ; que l'administration a présenté des arguments tirés de ce que les prestations énoncées sur les factures, correspondant à des frais de décharge sur un site situé à Ballaison, à une commission relative à un terrain, et à une commission relative à l'élaboration d'un projet de carrière qui n'a pas abouti sont peu précises et n'ont pas de lien direct avec l'activité de maçonnerie et de gros oeuvre de la société Prestabat et de ce que surtout, les chèques ayant servi au règlement de ces factures ont été libellés au nom de personnes physiques sans lien apparent avec le prestataire, les paiements ayant été, de ce fait, effectués entre les mains de personnes étrangères à la société qui avait émis les factures ;

4. Considérant qu'en regard des éléments ainsi apportés par l'administration, la société invoque la nécessité de trouver des sites de décharge à moindre coût pour évacuer les déblais de chantier ; que cette nécessité ne permet toutefois pas de considérer comme établi le fait que la société Prestabat lui aurait effectivement fourni cette prestation pour le chantier en cause ou se serait entremise afin de lui permettre d'évacuer ces déblais ; que les attestations des deux particuliers ayant accueilli des déblais sur un terrain leur appartenant, produites par la société appelante, si elles font état de la société Rannard, sont silencieuses sur un rôle éventuellement joué par la société Prestabat ; que s'agissant du suivi assuré par M. B... pour le compte de la société Prestabat dans la confection d'un dossier de demande d'autorisation d'exploitation d'une gravière, la convention particulièrement sommaire et dépourvue de date certaine versée aux débats, qui mentionne un montant qui ne correspond pas à la somme facturée et ne précise pas quelle aurait été la mission de la société Prestabat concernant ce projet, ne permet pas de justifier la réalité et l'ampleur des différentes prestations censées être rémunérées ; qu'enfin si la société appelante fait valoir que l'anomalie du libellé de certains chèques de règlement des prestations de la société ne devrait pas faire obstacle à la déductibilité de la taxe facturée, l'un des bénéficiaires de ces chèques a fait valoir, en réponse à une proposition de rectification que lui a envoyée l'administration, que les sommes qu'il a perçues étaient sans lien avec la société Prestabat mais constituaient un acompte sur une vente immobilière conclue avec le gérant de la société Rannard Frères ;

5. Considérant que, dans ces conditions, la SARL Rannard Frères ne peut être regardée comme justifiant de la réalité des services fournis par la société Prestabat, l'administration, qui ne s'est pas immiscée dans sa gestion, ayant dès lors à bon droit remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur les factures émises par cette dernière société ;

Sur la remise en cause de charges facturées par les sociétés Prestabat et Eclipse AC :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 de ce code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ; que, si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ; qu'en vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis ; que la seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense ; que le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration ;

7. Considérant, en premier lieu, que, s'estimant insuffisamment éclairée par le libellé de cinq factures émises par la société Prestabat entre le mois d'août 2006 et le mois de juillet 2007 pour un montant de 202 293 euros hors taxes, l'administration a demandé à la SARL Rannard frères de lui fournir des éléments d'information susceptible de justifier la réalité et la valeur des prestations acquises ; qu'au vu des éléments fournis par la société, l'administration a refusé à la société appelante le droit de déduire de ses résultats imposables les dépenses correspondantes ; qu'à l'appui de sa contestation de l'existence des prestations facturées, l'administration fait valoir l'imprécision des factures produites, dont le libellé ne permet pas de connaître la nature et la valeur des prestations réalisées ; qu'elle relève également que M. C..., qui a reçu une partie des paiements effectués par la société Rannard Frères en règlement des factures émises par la société Prestabat, a indiqué que les sommes payées correspondaient en réalité à des acomptes sur la cession d'une maison à une société dont le gérant de la société appelante est associé, sans rapport avec une quelconque prestation effectuée par la société Prestabat ; qu'en faisant valoir, dans ce contexte, la production de factures régulièrement émises, le lien entre son activité et des opérations de déblaiement alors que les attestations produites, émanant de propriétaires ayant reçu des déblais sur leur terrain, sont silencieuses sur une quelconque intervention de la société Prestabat, et l'intérêt qu'aurait pu présenter un projet d'exploitation d'une gravière, la société n'apporte pas de justifications suffisantes de la réalité des prestations facturées ; que, par suite, l'administration était fondée à refuser la déduction des charges mentionnées sur les factures de la société Prestabat au motif qu'il n'était pas démontré qu'elles correspondaient à la fourniture des prestations dont la société, qui ne saurait dès lors utilement faire valoir qu'elle n'a pas failli à ses obligations en réglant des factures par chèque même sans ordre, faisait état ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'il y a lieu d'écarter la contestation développée par la société appelante contre la réintégration dans ses bases imposables de charges facturées par la société Eclipse AC, contestation qui ne comporte en appel aucun développement ou élément nouveau, par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;

Sur l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts :

9. Considérant que la société se bornant à indiquer que le jugement déféré est " naturellement critiqué sur ces points ", il y a lieu d'écarter sa contestation par adoption des motifs qui lui ont été opposés à bon droit par les premiers juges ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que SARL Rannard Frères n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées par voie de conséquence ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Rannard Frères est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Rannard Frères et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2017, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, présidente assesseure,

Mme Terrade, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 décembre 2017.

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

N° 16LY00649


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY00649
Date de la décision : 05/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Déductions.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : ROBIN

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-12-05;16ly00649 ?
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