Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SCI Les Pré-Alpes a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2007, et de cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés pour les exercices clos en 2009 et en 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1400825 du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 3 février 2016, la SCI Les Pré-Alpes, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 décembre 2015 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2007 ;
2°) de prononcer la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée et pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SCI Les Pré-Alpes soutient que :
- l'article 285 du code général des impôts étant incompatible avec l'article 21 de la 6ème directive européenne 77/388/CEE du 17 mai 1977 modifiée, il ne pouvait servir de fondement aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux ;
- elle est débitrice d'une somme de 33 777 euros au 31 décembre 2010 sur le fondement de la doctrine administrative BOI-BIC-CHAMP-20-10-10 dont il résulte que les opérations réalisées par les marchands de biens sont des bénéfices industriels et commerciaux assujettis à l'impôt sur les sociétés et les sociétés réalisant de telles opérations sont soumises au régime de la taxe sur la valeur ajoutée immobilière comme redevable habituel et peuvent exercer leurs droits à déduction sur la taxe sur la valeur ajoutée collectée ;
- subsidiairement, la soumission au régime de la taxe sur la valeur ajoutée des redevables occasionnels entraine la prise en compte de la taxe sur la valeur ajoutée déductible sur les travaux qu'elle a réalisés et qui s'élèvent à 40 394 euros pour les années 2007 à 2010.
Par un mémoire en défense enregistrés le 3 août 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- il est fait droit à l'argument de la requérante s'agissant de l'incompatibilité des dispositions du code général des impôts appliqués avec l'article de la 6ème directive européenne 77/388/CEE du 17 mai 1977 modifiée s'agissant de l'opération d'achat d'un terrain à bâtir ;
- il entend exercer son droit à compensation avec la taxe sur la valeur ajoutée admise par l'administration en déduction au titre de l'opération d'achat d'un terrain à bâtir lors du calcul des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dus lors de la revente, ce qui limite le montant du dégrèvement à la somme de 10 355 euros en droits et 5 592 euros en pénalités et intérêts de retard ;
- les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée établies postérieurement à la procédure de rectification et pour les besoins de la cause, comportent des anomalies, et alors que la charge de la preuve d'établir le caractère exagéré de l'imposition pèse sur la requérante ;
- la société requérante s'est déclarée comme une SCI de location de biens et non comme relevant du régime des marchands de bien, et elle n'a jamais opté pour la taxe sur la valeur ajoutée.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vinet, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
1. Considérant que la SCI Les Pré-Alpes, qui a pour activité la location de biens immobiliers, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le service a notamment considéré que l'opération d'acquisition et de revente de terrains à bâtir réalisée en 2007 par la SCI devait être soumise à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), en application du 7° de l'article 257 du code général des impôts et de l'article 246 de l'annexe II au même code ; qu'après le rejet implicite de sa réclamation préalable, la SCI Les Pré-Alpes a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant notamment à la décharge partielle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2007, ainsi que des pénalités correspondantes ; qu'elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 décembre 2015 en tant qu'il a rejeté ces conclusions ;
Sur l'étendue du litige :
2. Considérant que, dans son mémoire en défense, l'administration a indiqué prononcer un dégrèvement de 10 355 euros en droits et 5 592 euros en pénalités et intérêts de retard, en faveur de la société, et a joint à l'appui de ce mémoire le certificat de dégrèvement correspondant ; qu'elle indique accueillir le moyen de la requérante s'agissant de la TVA mise indument à sa charge au titre de l'achat des terrains litigieux, et tire comme conséquence de l'absence d'assujettissement de la SCI Les Pré-Alpes à la TVA s'agissant de cette première partie de l'opération en cause, l'absence de TVA déductible générée pouvant être prise en compte dans la seconde partie de l'opération ; qu'elle a, par suite, déduit du dégrèvement accordé, le montant de TVA déductible qu'elle avait admis au titre de la revente des terrains, qui s'élevait à 21 843 euros ; qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requérante à hauteur de la somme de 15 947 euros dégrevée au total ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne l'achat des terrains à bâtir :
3. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, l'administration a admis que la SCI Les Pré-Alpes ne devait pas s'acquitter du paiement de la TVA au titre de l'achat des terrains litigieux ; qu'ainsi, aucune TVA déductible n'a été générée à ce titre ; que, par suite, l'administration était fondée à opérer une compensation entre le montant des rappels de TVA qu'elle reconnaissait infondés, soit 32 198 euros, et le montant de la TVA déductible indument prise en compte, soit 21 843 euros ; que l'administration ayant fait droit aux conclusions auxquelles se rattache le moyen tiré de l'incompatibilité de l'article 285 du code général des impôts avec l'article 21 de la 6ème directive européenne 77/388/CEE du 17 mai 1977 modifiée, il y a lieu d'écarter ce moyen comme inopérant ;
En ce qui concerne la revente des terrains à bâtir :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 257 du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : " Sont également soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 7° Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles. Ces opérations sont imposables même lorsqu'elles revêtent un caractère civil. 1. Sont notamment visés : a) Les ventes et les apports en société de terrains à bâtir, des biens assimilés à ces terrains par le A de l'article 1594-0 G ainsi que les indemnités de toute nature perçues par les personnes qui exercent sur ces immeubles un droit de propriété ou de jouissance, ou qui les occupent en droit ou en fait ; Sont notamment visés par le premier alinéa, les terrains pour lesquels, dans un délai de quatre ans à compter de la date de l'acte qui constate l'opération, l'acquéreur ou le bénéficiaire de l'apport obtient le permis de construire ou commence les travaux nécessaires pour édifier un immeuble ou un groupe d'immeubles ou pour construire de nouveaux locaux en surélévation. Ces dispositions ne sont pas applicables aux terrains acquis par des personnes physiques en vue de la construction d'immeubles que ces personnes affectent à un usage d'habitation. " ;
5. Considérant que la SCI Les Prés-Alpes demande le bénéfice de la compensation entre la TVA collectée au titre de cette opération, qu'elle doit reverser, et la TVA qu'elle serait, selon elle, en droit de déduire du fait de sa qualité de redevable habituel de la TVA au titre de son activité de marchands de biens ; qu'elle a, à cette fin, en mai 2012, postérieurement à la vérification de sa comptabilité, déposé des déclarations de TVA portant notamment sur la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2007 ; que, toutefois, ces déclarations, qui ne se présentent en outre pas comme visant à régulariser des opérations effectuées antérieurement, ne sont assorties d'aucun élément permettant de justifier de la réalité des opérations déclarées comme ouvrant droit à déduction ; qu'au surplus, la requérante ne produit aucune pièce permettant d'attester qu'elle se livre habituellement, comme elle le soutient, à des opérations de marchand de biens et alors que cette activité n'est pas explicitement prévue à l'article 2 de ses statuts ; qu'aucune pièce ne permet de considérer qu'elle serait un redevable habituel de la TVA ; que, par ailleurs, si elle se prévaut de travaux réalisés sur les terrains à bâtir revendus le jour même de leur achat, qui auraient générés un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée, elle ne produit aucun justificatif permettant d'attester tant la réalité desdits travaux que de l'acquittement de la TVA à ce titre ; qu'ainsi, ses conclusions tendant à la compensation entre TVA collectée et TVA déductible doivent être rejetées ;
6. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, la SCI Les Prés-Alpes ne justifiant pas exercer l'activité de marchands de bien à titre habituel, elle n'entre pas dans le champ de la doctrine administrative BOI-BIC-CHAMP-20-10-10 qu'elle invoque, laquelle concerne en outre les bénéfices industriels et commerciaux ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCI Les Prés-Alpes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande en tant qu'elle porte sur le surplus de ses conclusions ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de la SCI Les Prés-Alpes à hauteur de la somme de 15 947 euros.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à la SCI Les Prés-Alpes au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SCI Les Prés-Alpes est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Les Prés-Alpes et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2017, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, président assesseur,
Mme Vinet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 5 décembre 2017.
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Le greffier,
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N° 16LY00418