La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/11/2017 | FRANCE | N°15LY04039

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 28 novembre 2017, 15LY04039


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, à titre principal, de condamner la commune d'Eglisolles à lui payer une indemnité totale de 1 839 789,70 euros avec intérêts au taux légal, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale et de condamner ladite commune à lui payer une indemnité provisionnelle de 150 000 euros.

Par un jugement n° 1402113 du 4 novembre 2015, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande.

Procédure devant la c

our

Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2015, M. B... F..., représenté par Me ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, à titre principal, de condamner la commune d'Eglisolles à lui payer une indemnité totale de 1 839 789,70 euros avec intérêts au taux légal, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale et de condamner ladite commune à lui payer une indemnité provisionnelle de 150 000 euros.

Par un jugement n° 1402113 du 4 novembre 2015, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2015, M. B... F..., représenté par Me Duplessis, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1402113 du 4 novembre 2015 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) à titre principal, de condamner la commune d'Eglisolles à lui payer une indemnité totale de 1 839 789,70 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception de sa demande préalable d'indemnisation, en réparation des conséquence dommageables du harcèlement moral dont il se prétend victime ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale et de condamner la commune d'Eglisolles à lui payer une indemnité provisionnelle de 150 000 euros à valoir sur la réparation de ses préjudices ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Eglisolles les entiers dépens ainsi qu'une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- que la commune d'Eglisolles a commis une faute de nature à engager sa responsabilité du fait d'agissements de harcèlement moral dont il a été victime de la part d'un de ses collègues, de sa hiérarchie et de certains conseillers municipaux ; en effet,

sa hiérarchie ne lui transmettait jamais de planning ; après s'être plaint de cette situation, il lui a été imposé de se présenter le samedi à 11 h pour venir chercher son planning alors qu'il ne travaillait pas le week-end ;

il ne disposait pas de l'ensemble des outils nécessaires à l'exécution des tâches qui lui étaient confiées et a dû sans dédommagement utiliser des outils personnels ;

il a subi un comportement malveillant de la part de son collègue, M. J... A..., qui s'en prenait à lui gratuitement et lui adressait des reproches injustifiés ;

il s'est retrouvé au centre d'une polémique entre les membres du conseil municipal dont certains souhaitaient que M. J... A... fût recruté à sa place en juillet 2001 pour l'emploi d'agent d'entretien de la commune et qu'il fût évincé au profit de cette personne ; que, le 19 juillet 2004, huit conseillers municipaux ont écrit au maire pour se plaindre de prétendus manquements dans l'exécution de ses fonctions qu'ils n'avaient pas personnellement constatés, alors que sa fiche de notation du 19 février 2004 mentionnait qu'il était compétent dans son travail et dévoué ; que, par courrier du 6 septembre 2004, le maire de la commune l'a menacé de sanctions graves en reprenant mot pour mot les manquements indiqués dans la lettre précitée du 19 juillet 2004 des huit conseillers municipaux et sans avoir constaté ces manquements ;

à la suite du rapport du 27 février 2014 de l'expert médical désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand et concluant à la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie, la commune d'Eglisolles n'a entrepris aucune démarche et lui a laissé croire que des démarches étaient en cours ; que, malgré l'avis favorable à cette reconnaissance rendu le 30 avril 2015 par la commission départementale de réforme, le maire de la commune a pris le 7 mai 2015 un arrêté par lequel il a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, alors qu'il ne dispose que d'éléments prouvant le contraire ;

- du fait de ces agissements de harcèlement moral,

il a subi une perte de rémunération d'un montant actuel de 65 500 euros ;

il subira une perte de rémunération future d'un montant de 697 289,70 euros ;

il souffre d'un préjudice lié à son bien-être professionnel et à son insertion dans la société qui sera réparé par la somme de 10 000 euros ;

il a droit aux sommes respectives de 300 000 euros, de 100 000 euros, de 2 000 euros, de 600 000 euros, de 15 000 euros et de 50 000 euros en réparation de son déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, du préjudice esthétique, du déficit fonctionnel permanent, du préjudice d'agrément et du préjudice d'établissement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2016, la commune d'Eglisolles, représentée par la SCP d'avocats Marty Baffeleuf Blanchet, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Hervé Drouet, président assesseur,

- et les conclusions de M. Marc Clément, rapporteur public ;

1. Considérant que M. F..., adjoint technique territorial de deuxième classe de la commune d'Eglisolles, relève appel du jugement n° 1402113 du 4 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la réparation des conséquences dommageables des agissements de harcèlement moral dont il se prétend victime de la part de sa hiérarchie, d'un de ses collègues et de certains conseillers municipaux ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi susvisée du 13 juillet 1983 dans sa rédaction applicable au litige : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / (...) " ; qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que l'existence de faits de harcèlement doit s'apprécier au vu de ces échanges contradictoires ;

3. Considérant, en premier lieu, que la circonstance que, jusqu'en juillet 2005, M. F..., recruté en juillet 2001 pour exercer les fonctions d'agent d'entretien de la commune d'Eglisolles comprenant moins de trois cents habitants, ait reçu les instructions relatives à ses tâches à exécuter oralement de la part de plusieurs membres du conseil municipal, dont le maire et des adjoints au maire, et de la secrétaire de mairie, sans qu'un planning écrit lui soit communiqué, n'est pas en elle-même susceptible de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que, par délibération du 8 juillet 2005, le conseil municipal de la commune d'Eglisolles a défini les horaires de service des deux agents d'entretien de la commune, M. F... et M. J... A..., exerçant respectivement à temps plein et à temps partiel ; que cette délibération prévoyait notamment pour M. F... une plage de travail le samedi de 8 h 30 à 12 h dans le cadre d'une durée hebdomadaire de service de 35 heures ; que, dans ces conditions, la circonstance que cette même délibération prescrivait aux deux agents d'entretien de se présenter chaque samedi entre 11 h et 12 h au maire ou aux adjoints afin d'établir le bilan de la semaine écoulé et le planning de la semaine à venir n'est pas de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral à l'encontre de l'intéressé ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction, et notamment pas des pièces des dossiers de première instance et d'appel que, comme il le soutient, M. F... n'aurait pas disposé pas de l'ensemble des outils nécessaires à l'exécution des tâches qui lui étaient confiées et aurait dû sans dédommagement utiliser des outils personnels ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que ni l'attestation du 20 octobre 2011 de M. H... G..., premier adjoint au maire responsable des activités de M. F... de juillet 2001 à mai 2003, laquelle est peu circonstanciée sur l'attitude de M. J... A... à l'égard de M. F..., ni les deux attestations de M. J... A... lui-même, ni aucune autre pièce des dossiers de première instance et d'appel, ne permettent de regarder comme établies les allégations du requérant selon lesquelles il aurait subi le comportement malveillant de son collègue, M. J... A..., qui s'en serait pris à lui gratuitement et lui aurait adressé des reproches injustifiés ;

7. Considérant, en cinquième lieu, que, par un courrier du 19 juillet 2004, huit conseillers municipaux de la commune d'Eglisolles ont fait part au maire de plaintes des habitants de la commune relatives à divers manquements précisément identifiés de M. F... dans l'exécution de ses fonctions de ses agents d'entretien ; que la teneur de ce courrier, établi au cours de l'été 2004, quant à ces manquements n'est pas contredite par l'attestation précitée du 20 octobre 2011 de M. H... G... qui relate sa manière de servir de juillet 2001 à mai 2003 ni par la fiche de notation de l'intéressé du 19 février 2004 relative à l'année 2003 ; que les manquements mentionnés dans ce courrier du 19 juillet 2004, qui relève également que ces difficultés ont été abordées lors de précédentes séances du conseil municipal, sont corroborés par trois attestations, produites par la commune intimée et émanant d'un chef d'entreprise ayant travaillé sur un chantier de la commune, d'un ancien conseiller municipal, M. I... E..., et d'un habitant de la commune, M. D... C... ; que, dans ces conditions, l'existence des manquements de M. F... mentionnés dans le courrier du 19 juillet 2004, émanant de huit conseillers sur les douze que comprenaient le conseil municipal, doit être regardée comme établie ; que, par suite, ni ce courrier du 19 juillet 2014 ni la lettre du 6 septembre 2004 par laquelle le maire de la commune rappelle ces divers manquements à M. F... et le menace de sanctions en cas de persistance de ces manquements ne sauraient faire présumer l'existence d'un harcèlement moral à l'endroit de l'intéressé ;

8. Considérant, en sixième lieu, que la circonstance que, à la suite du rapport du 27 février 2014 de l'expert médical désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand et concluant à la reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie psychiatrique de M. F..., la commune d'Eglisolles n'a entrepris aucune démarche ne saurait en elle-même faire présumer l'existence d'un harcèlement moral à l'égard de l'agent ;

9. Considérant, en septième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que, comme le soutient le requérant, la commune d'Eglisolles lui aurait laissé croire que des démarches étaient en cours quant à la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie ;

10. Considérant, en huitième lieu, que la circonstance que, par arrêté du 7 mai 2015, le maire de la commune d'Eglisolles a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de M. F... malgré l'avis favorable à cette reconnaissance rendu le 30 avril 2015 par la commission départementale de réforme, n'est pas de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral de la part du maire, lequel n'était pas lié par l'avis de ladite commission ;

11. Considérant, en neuvième lieu, que les divers documents établis par des médecins ou des psychothérapeutes, qu'a produits par M. F... et qui reprennent les dires et doléances de l'intéressé, ne permettent pas de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre ;

12. Considérant, en dernier lieu, que les faits allégués aux points 3 à 11, qui, pris isolément, ne permettent pas de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, ainsi qu'il vient d'être dit, ne sont pas davantage de nature, considérés dans leur ensemble, à faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée par M. F..., que les agissements de harcèlement moral par lui allégués ne sont pas établis ; qu'il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions à fin de mise à la charge de la commune d'Eglisolles des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. F... la somme demandée par commune d'Eglisolles au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune d'Eglisolles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F... et à la commune d'Eglisolles.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

- M. Hervé Drouet, président assesseur,

- M. Samuel Deliancourt, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 novembre 2017.

4

N° 15LY04039


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY04039
Date de la décision : 28/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-07-10 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Garanties et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Hervé DROUET
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : DUPLESSIS et BARDIN-ROUSSEL et METIVIER

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-11-28;15ly04039 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award