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21/11/2017 | FRANCE | N°16LY00195

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 21 novembre 2017, 16LY00195


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 4 mars 2015, par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1505594 du 16 décembre 2015, le tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 janvier 2016, le préfet du Rh

ône demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 décembre 2015 ;

2°) de rejeter la demande ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 4 mars 2015, par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1505594 du 16 décembre 2015, le tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 janvier 2016, le préfet du Rhône demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 16 décembre 2015 ;

2°) de rejeter la demande de Mme C...présentée devant le tribunal administratif.

Le préfet du Rhône soutient que le traitement requis par l'état de santé de Mme C... est disponible en République démocratique du Congo.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 2017, Mme A... C..., représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au profit de son conseil, à charge pour lui de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat.

Mme C...soutient que :

- les pièces produites par le préfet ne permettent pas de considérer qu'elle peut trouver en République démocratique du Congo un traitement approprié à son état de santé ;

- l'avis du médecin inspecteur de l'agence régionale de santé est irrégulier, faute de connaitre son pays d'origine.

Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 novembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1990 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vinet, premier conseiller,

- et les observations de Me B..., représentant MmeC....

1. Considérant que MmeC..., née le 8 juillet 1972 et ressortissante de République démocratique du Congo, est entrée irrégulièrement en France le 10 octobre 2012, selon ses déclarations ; que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides par une décision du 31 juillet 2013, puis par la Cour nationale du droit d'asile par une décision du 30 janvier 2014 ; que le 23 décembre 2013, Mme C... a sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 4 mars 2015, le préfet du Rhône a rejeté la demande de titre de séjour de Mme C...et a assorti cette décision de refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai ; que le préfet du Rhône relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne le refus de séjour :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ( ...) " ;

4. Considérant que sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;

5. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect du secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et d'établir l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

6. Considérant que, par un avis du 18 février 2014, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de Mme C...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il n'existait pas de traitement approprié dans son pays d'origine, que les soins nécessités par cet état de santé doivent être poursuivis pendant une durée minimale de douze mois et qu'elle ne peut voyager sans risque vers son pays d'origine ; que le préfet du Rhône, qui n'était pas lié par cet avis, a refusé de délivrer un titre de séjour à MmeC..., motif pris de ce qu'il ressortait des informations en sa possession que des possibilités de traitement approprié existaient en République démocratique du Congo et de ce qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier qu'elle ne puisse voyager sans risque vers son pays d'origine ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les soins requis par l'état de santé de Mme C...consistent en un suivi psychothérapeutique et en la prise d'un traitement médicamenteux composé de neuroleptiques dont un neuroleptique antipsychotique ; que le préfet a produit pour la première fois en appel, d'une part, la liste des médicaments essentiels de la République démocratique du Congo de 2010 dans laquelle figurent des médicaments appartenant aux mêmes familles que celles prescrites à Mme C... compte tenu de ses pathologies, notamment l'halopéridol en comprimé de 2 milligrammes et des antipsychotiques et, d'autre part, un courriel du médecin référent de l'Ambassade de France en République démocratique du Congo, du 5 septembre 2013, qui précise que ce pays dispose de structures à même de prendre en charge les pathologies de l'intéressée et que toutes les spécialités médicamenteuses usuelles sont disponibles à Kinshasa, réserve faite des médicaments réservés à l'usage hospitalier, en particulier en cancérologie ; que, compte tenu de ces éléments, la production d'un courrier du laboratoire fabriquant le Tercian selon lequel celui-ci n'est commercialisé qu'en France et d'un courrier du laboratoire commercialisant l'Haldol (halopéridol), selon lequel l'Haldol, sous forme de comprimés 1 milligramme et 5 milligrammes, ne serait pas commercialisé en République Démocratique du Congo, ne permet pas d'établir que, contrairement aux documents produits par le préfet, le traitement adapté à l'état de santé de Mme C... ne serait pas disponible dans ce pays, et alors que celle-ci ne soutient pas que les molécules qui lui ont été prescrites ne sont pas substituables et que cela ne ressort pas des éléments produits ; que si le rapport de l'organisme suisse d'aide aux réfugiés (OSAR), produit par MmeC..., fait état de l'état dégradé des structures hospitalières et sanitaires en République démocratique du Congo, Mme C...ne soutient pas, et cela ne ressort pas des pièces du dossier, que son état de santé nécessiterait une hospitalisation ; que, pour le reste, le rapport fait avant tout état du coût que l'accès aux soins représente pour les patients ; qu'enfin, si le médecin de l'agence régionale de santé a indiqué dans son avis qu'elle ne pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que cette incapacité résulterait d'une autre circonstance que celle tirée de l'appréciation portée par ce médecin sur l'impossibilité, pour MmeC..., d'être soignée dans son pays ; que par suite, le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que pour annuler les décisions en litige, le tribunal administratif de Lyon a estimé qu'il avait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, ce faisant, avait privé de base légale les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

8. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme C... tant en première instance qu'en appel ;

9. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus au point 6, le médecin de l'agence régionale de santé a indiqué que Mme C...ne pouvait voyager sans risque ; que toutefois, contrairement à ce que soutenait l'intéressée en première instance, le préfet du Rhône a évoqué ce point dans sa décision en estimant que l'incapacité à voyager ne ressortait pas des pièces dont il disposait ; qu'ainsi, la décision litigieuse n'est pas entachée d'un défaut d'examen réel de sa situation ; que, par ailleurs, la décision litigieuse de refus de titre de séjour comporte l'ensemble des considérations de fait et de droit qui en sont le fondement ; qu'elle comprend, par suite, la motivation requise par les dispositions de l'article 3 de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ;

10. Considérant que Mme C...soutient par ailleurs que l'avis du médecin de l'agence régionale de santé serait irrégulier faute de s'être prononcé en connaissance exacte de son pays d'origine ; qu'il n'est toutefois pas contesté que cet avis, qui lui est favorable, indique l'origine congolaise de Mme C...et se prononce sur la disponibilité des soins en République démocratique du Congo dont elle ne soutient pas qu'il ne s'agirait pas de son pays d'origine ;

11. Considérant qu'eu égard à ce qui été dit ci-dessus au point 7 s'agissant de la disponibilité des soins requis par l'état de santé de MmeC..., la décision litigieuse de refus de titre de séjour n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; qu'elle n'a pas davantage méconnu, au regard de son seul état de santé, les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 4 mars 2015 et lui a enjoint de délivrer à Mme C...une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " d'une durée de validité d'un an ; que ce jugement doit être annulé et la demande de Mme C...présentée devant le tribunal administratif rejetée ;

Sur les conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens :

13. Considérant que les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse une somme au conseil de Mme C... au titre des frais exposés à l'occasion du litige ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 16 décembre 2015 est annulé.

Article 2 : La demande de première instance et les conclusions d'appel de Mme C... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A... C.... Copie en sera adressée au préfet du Rhône et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président,

Mme Menasseyre, président-assesseur,

Mme Vinet, premier conseiller.

Lu en audience publique le 21 novembre 2017.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY00195
Date de la décision : 21/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : DRAHY

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-11-21;16ly00195 ?
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