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26/10/2017 | FRANCE | N°16LY03086

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 26 octobre 2017, 16LY03086


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...B...a saisi le tribunal administratif de Paris par une requête enregistrée le 25 octobre 2013 qui a été transmise au tribunal administratif de Lyon par une ordonnance du président de la 5ème section du 7 octobre 2014.

Mme B...a demandé au tribunal administratif d'annuler la décision du 21 mai 2013 par laquelle le ministre de l'éducation nationale a écarté sa candidature au concours réservé du certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré (CAPES), section anglais,

session 2013, ainsi que la décision du 28 août 2013 par laquelle le ministre de l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...B...a saisi le tribunal administratif de Paris par une requête enregistrée le 25 octobre 2013 qui a été transmise au tribunal administratif de Lyon par une ordonnance du président de la 5ème section du 7 octobre 2014.

Mme B...a demandé au tribunal administratif d'annuler la décision du 21 mai 2013 par laquelle le ministre de l'éducation nationale a écarté sa candidature au concours réservé du certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré (CAPES), section anglais, session 2013, ainsi que la décision du 28 août 2013 par laquelle le ministre de l'éducation nationale a rejeté son recours gracieux du 9 août 2013 et d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale de la considérer comme définitivement admise à ce concours réservé et de procéder à sa nomination officielle comme professeur d'anglais, dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir.

Par le jugement n° 1407681 du 6 juillet 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 7 septembre 2016 et le 16 février 2017, MmeB..., représentée par Me Smiai, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 juillet 2016 ainsi que les décisions ministérielles contestées ;

2°) de constater que, compte tenu de son admission au CAPES, de son ancienneté et du fait qu'elle satisfait à tous les critères, sa candidature était recevable, que, compte tenu de son admission au concours, elle devait être considérée comme définitivement admise et d'enjoindre en conséquence au ministre de l'éducation nationale d'en tirer les conséquences nécessaires, notamment en la considérant définitivement admise au concours et en procédant à sa nomination officielle comme professeur d'anglais dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir.

Mme B...soutient que :

- les décisions ministérielles contestées méconnaissent l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que le protocole additionnel n° 12 ;

- elles méconnaissent également les dispositions de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le ministre de l'éducation nationale ainsi que le tribunal administratif ont fait une interprétation erronée de l'article 4 de la loi du 12 mars 2012 ;

- elle satisfait à la condition d'ancienneté de quatre ans, y compris deux ans avant le 31 mars 2011, et à toutes les conditions posées par la loi du 12 mars 2012.

Par un mémoire distinct, enregistré le 23 septembre 2016, et un mémoire complémentaire enregistré le 23 janvier 2017, Mme B... soulève une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution et des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 tendant à faire constater que les dispositions du 4ème alinéa du paragraphe I de l'article 4 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ainsi que le dernier alinéa de ce même paragraphe I méconnaissent l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ainsi que le préambule de la Constitution de 1946.

Par un mémoire enregistré le 23 novembre 2016, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche demande à la cour de dire qu'il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité présentée par Mme B....

Par un mémoire en défense enregistré le 3 février 2017, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche conclut au rejet de la requête de Mme B....

Le ministre, outre ses observations présentées en première instance auxquelles il renvoie, fait valoir que :

- les stipulations de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne font pas obstacle à ce que des dispositions différentes règlent la situation de personnes se trouvant dans des situations différentes ; le législateur, par la loi de 2012, a eu pour objet de résorber l'emploi précaire que l'employeur public a laissé se développer dans les établissements publics d'enseignement ;

- pour les mêmes raisons, doit être écarté le moyen tiré de ce que seraient méconnus le protocole n° 12 à cette convention qui n'a été ni signé ni ratifié par la France ainsi que la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Par l'ordonnance n° 16LY03086 du 8 mars 2017, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'État le 20 juin 2017, le président de la 4e chambre de la cour administrative d'appel, avant qu'il soit statué sur l'appel formé par Mme B...contre le jugement n° 1407681 du 6 juillet 2016 du tribunal administratif de Lyon, a décidé, par application de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'État la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du quatrième alinéa du paragraphe I de l'article 4 de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique.

Par la décision n° 411637 du 15 septembre 2017 le Conseil d'État a décidé qu'il n'y avait pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme B....

Par un mémoire enregistré le 29 septembre 2017, Mme B...maintient ses conclusions initiales et demande en outre à la cour de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Un nouveau mémoire, produit par Mme B...et enregistré le 5 octobre 2017, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gondouin,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;

- et les observations de Me Smiai, avocat de Mme B... ;

1. Considérant que Mme B... a été déclarée admise au concours réservé du certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré (CAPES) section anglais, session 2013 ; que le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche l'a toutefois informée, le 21 mai 2013, quelques jours après les épreuves d'admission, qu'elle ne pouvait bénéficier du dispositif du concours réservé, que sa candidature était irrecevable et, qu'en conséquence, le président du jury allait retirer son nom de la liste d'admissibilité établie le 15 avril 2013 ; qu'à la suite du recours gracieux présenté par Mme B..., le ministre a confirmé le 28 août 2013 sa décision initiale tout en substituant au motif tiré de l'insuffisance des services accomplis au regard de la quotité de durée du travail exigée celui selon lequel elle ne remplissait pas la condition d'ancienneté requise ; que Mme B... relève appel du jugement du 6 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande dirigée contre les décisions des 21 mai et 28 août 2013 ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'afin de lutter contre la précarité dans la fonction publique, l'article 1er de la loi du 12 mars 2012, ci-dessus visée, relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, a prévu, à titre dérogatoire, un mode de recrutement expressément réservé à certains agents publics ; que, selon le paragraphe I de son article 2 dans sa rédaction alors applicable, ce recrutement dérogatoire est réservé notamment " aux agents occupant, à la date du 31 mars 2011, en qualité d'agent contractuel de droit public et pour répondre à un besoin permanent de l'État, de l'un de ses établissements publics ou d'un établissement public local d'enseignement : 1° L'un des emplois mentionnés aux 1° et 2° de l'article 4 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée ; 2° Un emploi impliquant un service à temps incomplet conformément au premier alinéa de l'article 6 de la même loi, à la condition que la quotité de temps de travail soit au moins égale à 70 % d'un temps complet ; (...) " ; que les quatre premiers alinéas du paragraphe I de l'article 4 de la même loi, dans leur rédaction alors applicable prévoient que : " I.- Le bénéfice de l'accès à la fonction publique de l'État prévu à l'article 1er est subordonné, pour les agents titulaires d'un contrat à durée déterminée, à une durée de services publics effectifs au moins égale à quatre années en équivalent temps plein : / 1° Soit au cours des six années précédant le 31 mars 2011 ; / 2° Soit à la date de clôture des inscriptions au recrutement auquel ils postulent. Dans ce cas, au moins deux des quatre années de services exigées, en équivalent temps plein, doivent avoir été accomplies au cours des quatre années précédant le 31 mars 2011. / Les quatre années de services publics doivent avoir été accomplies auprès du département ministériel, de l'autorité publique ou de l'établissement public qui emploie l'intéressé au 31 mars 2011 ou, dans le cas prévu au second alinéa du III de l'article 2 de la présente loi, qui l'a employé entre le 1er janvier 2011 et le 31 mars 2011 " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B..., à la date du 31 mars 2011, était professeur vacataire au collège Jacques Prévert d'Andrézieux-Bouthéon ; qu'elle a ensuite été recrutée comme professeur contractuel dans divers collèges de l'enseignement public dans les départements de la Loire et du Rhône ; qu'à la date à laquelle elle a présenté sa candidature au concours réservé du CAPES, section anglais, session 2013, elle assurait un service d'enseignement à temps complet, toujours en qualité de professeur contractuel, au collège Louis Lachenal de Saint-Laurent-de-Mure ; que, pour la période antérieure au 31 mars 2011, à compter du mois de mai 2008, Mme B...avait principalement assuré des vacations ou des remplacements soit dans l'enseignement public, soit dans l'enseignement privé ;

4. Considérant que, pour écarter sa candidature, le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a retenu que Mme B... n'avait pas l'ancienneté requise puisque, entre le 31 mars 2007 et le 31 mars 2011, date fixée par les dispositions précitées de la loi du 12 mars 2012, elle n'avait qu'une ancienneté de 11 mois et 12 jours inférieure à celle requise de deux ans ; que le ministre a précisé que les deux contrats effectués par Mme B... en qualité de maître auxiliaire dans un établissement d'enseignement privé ne pouvaient être pris en compte, puisque ces contrats ont été conclus sur le fondement du code de l'éducation et non sur celui des articles 3, 4 et 6 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions relatives à la fonction publique de l'État ;

5. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 914-45 du code de l'éducation : " Il est pourvu aux services vacants des classes sous contrat d'association, dans les conditions définies aux articles R. 914-75 à R. 914-77, par la nomination de maîtres titulaires, de maîtres contractuels ou, pour suivre l'année de stage, de lauréats de concours externe ou interne de l'enseignement privé ou bénéficiaires d'une mesure de résorption de l'emploi précaire ou, à défaut, de délégués nommés par le recteur " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 914-58 du même code : " Les maîtres délégués exerçant dans les établissements d'enseignement privés sous contrat d'association sont soumis, pour la détermination de leurs conditions d'exercice et de cessation de fonctions, aux règles applicables aux agents contractuels enseignants de l'enseignement public des premier et second degrés. Ils bénéficient, dans les mêmes conditions que ces derniers, du régime de travail à temps partiel, du régime des congés de toute nature ainsi que d'autorisations d'absence " ;

6. Considérant que les enseignants employés comme maîtres auxiliaires ou maîtres délégués sont affectés indifféremment, comme l'a été MmeB..., par les recteurs d'académie dans des établissements d'enseignement publics ou privés sous contrat d'association en fonction des besoins ; que ces enseignants sont, lorsqu'ils exercent leurs fonctions dans un établissement d'enseignement privé, rémunérés directement par l'État et occupent des emplois retracés au budget du département ministériel chargé de l'éducation ; que, par suite, ils doivent être regardés comme ayant pour employeur l'État et comme servant au sein du département ministériel de l'éducation au sens des dispositions du paragraphe I de l'article 4 de la loi du 12 mars 2012 citées au point 2 ; que, dès lors, les services d'enseignement qu'ils ont accomplis auprès d'établissements d'enseignement privés sous contrat d'association ne peuvent être exclus des services pris en compte pour l'appréciation de la condition d'ancienneté posée au premier alinéa du paragraphe I de l'article 4 de la loi du 12 mars 2012 pour l'accès aux concours réservés ; que le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ne pouvait donc, comme il l'a fait par la décision contestée du 28 août 2013, refuser de prendre en compte au titre de l'ancienneté de Mme B... la durée des contrats effectués en qualité de maître auxiliaire dans un établissement de l'enseignement privé sous contrat d'association ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions ministérielles contestées ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Considérant que l'exécution de la présente décision implique qu'il soit enjoint au ministre de l'éducation nationale de procéder à un nouvel examen de la situation de Mme B..., de vérifier si, compte tenu de la prise en compte des services effectués auprès d'établissements d'enseignement privé sous contrat d'association, elle remplissait l'ensemble des conditions posées par les textes applicables et d'en tirer toutes les conséquences sur la situation de Mme B..., qui avait été déclarée admise par le jury au concours réservé du certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré (CAPES) section anglais, session 2013 avant l'intervention de la décision du 21 mai 2013 ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à Mme B...en application de ces dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1407681 du 6 juillet 2016 du tribunal administratif de Lyon ainsi que les décisions du ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche du 21 mai et du 28 août 2013 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'éducation nationale de procéder à un nouvel examen de la situation de Mme B... selon les modalités prévues au point 8.

Article 3 : L'État versera à Mme B... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...Smiai épouse B...et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2017 où siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Gondouin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 octobre 2017.

6

N° 16LY03086


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY03086
Date de la décision : 26/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

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Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Genevieve GONDOUIN
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : SMIAI

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-10-26;16ly03086 ?
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