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24/10/2017 | FRANCE | N°15LY03714

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 24 octobre 2017, 15LY03714


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... Zuddas a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 24 septembre 2012 par laquelle le directeur de l'Institut de cancérologie Lucien Neuwirth a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son arrêt de travail du 26 avril 2012 et la décision implicite de rejet née du silence gardé par le même directeur sur son recours gracieux dirigé contre la décision précitée du 24 septembre 2012, d'enjoindre à ce directeur de reconnaître ladite imputab

ilité au service et de mettre à la charge de cet établissement public une somme ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... Zuddas a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 24 septembre 2012 par laquelle le directeur de l'Institut de cancérologie Lucien Neuwirth a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son arrêt de travail du 26 avril 2012 et la décision implicite de rejet née du silence gardé par le même directeur sur son recours gracieux dirigé contre la décision précitée du 24 septembre 2012, d'enjoindre à ce directeur de reconnaître ladite imputabilité au service et de mettre à la charge de cet établissement public une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1301379 du 16 septembre 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 novembre 2015 et le 7 juin 2016, Mme B... Zuddas, représentée par Me Cauët, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301379 du 16 septembre 2015 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 24 septembre 2012 par laquelle le directeur de l'Institut de cancérologie Lucien Neuwirth a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son arrêt de travail du 26 avril 2012 ;

3°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par le même directeur sur son recours gracieux dirigé contre la décision précitée du 24 septembre 2012 ;

4°) d'enjoindre à ce directeur de reconnaître l'imputabilité au service de son arrêt de travail du 26 avril 2012 ;

5°) de mettre à la charge de l'Institut de cancérologie Lucien Neuwirth une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que c'est à tort que le jugement attaqué a estimé que les décisions en litige refusant de reconnaître l'imputabilité au service de son arrêt de travail du 26 avril 2012 n'étaient pas entachées d'erreur d'appréciation, dès lors que cet arrêt de travail évoque un surmenage, un harcèlement au travail et un état dépressif, que le certificat médical d'accident du travail établi le 30 avril 2012 par son médecin traitant mentionne un choc psychologique après altercation avec un supérieur ayant entraîné une anxiété majeure et une dépression réactionnelle, qu'il résulte des attestations du docteur Garnier, de Mme E... et de Mme D... qu'elle s'est effondrée psychologiquement sur son lieu de travail et pendant son temps de travail à la suite d'une altercation téléphonique avec sa supérieure hiérarchique directe, Mme F...A..., que le médecin agréé a conclu le 17 juillet 2012 à une dépression post-traumatique directement en rapport avec son milieu professionnel et avec sa déclaration d'accident du travail du 30 avril 2012 et que la commission départementale de réforme a émis le 7 septembre 2012 un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de son arrêt de travail du 26 avril 2012.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2016, l'Institut de cancérologie Lucien Neuwirth, représenté par la SELARL BLT Droit public, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soient mis à la charge de Mme Zuddas les entiers dépens ainsi qu'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que le moyen soulevé par la requérante n'est pas fondé.

Un mémoire, enregistré le 12 janvier 2017 et présenté pour l'Institut de cancérologie Lucien Neuwirth, n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Hervé Drouet, président assesseur,

- les conclusions de M. Marc Clément, rapporteur public,

- et les observations de Me Paquet, avocat, substituant Me Cauët, avocate, pour Mme Zuddas, ainsi que celles de Me Bitar, avocat (SELARL BLT Droit public), pour l'Institut de cancérologie Lucien Neuwirth ;

1. Considérant que Mme Zuddas, adjoint administratif titulaire de deuxième classe à l'Institut de cancérologie Lucien Neuwirth, relève appel du jugement n° 1301379 du 16 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 24 septembre 2012 par laquelle le directeur de cet établissement public de santé a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son arrêt de travail du 26 avril 2012 et de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le même directeur sur son recours gracieux dirigé contre cette décision du 24 septembre 2012 ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué et la légalité des décisions en litige :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière dans sa rédaction en vigueur aux dates des décisions en litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. / (...) " ; qu'au titre des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite figure la maladie contractée en service ; que le droit, prévu par ces dispositions, de conserver l'intégralité du traitement est soumis à la condition que la maladie mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'accomplir son service soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance, et notamment de l'attestation du 4 juin 2012 de Mme C...D..., cadre supérieur de santé à l'Institut de cancérologie Lucien Neuwirth et de celle du 1er juin 2012 du docteur Jean-François Garnier, médecin au département de radiologie de cet établissement public de santé, que, le 26 avril 2012 vers 16 h, Mme Zuddas, secrétaire au même département, a eu avec sa supérieure hiérarchique directe, Mme F...A..., attachée d'administration hospitalière, une conversation téléphonique au cours de laquelle Mme A... a employé un ton peu aimable et même sarcastique à l'égard de sa subordonnée, laquelle s'est effondrée psychologiquement dès la fin de cet entretien téléphonique, ce qui a nécessité, quelques minutes après, la prescription par le docteur Jean-François Garnier d'un arrêt de travail de Mme Zuddas à compter de ce même jour au motif d'un état dépressif du fait d'un surmenage par harcèlement au travail ; que, le 30 avril 2012, le docteur Christophe Bois, médecin traitant de l'intéressée, a établi sur formulaire Cerfa un "certificat médical d'accident du travail" pour un accident du 26 avril 2012 et mentionnant notamment une "anxiété majeure" et une "dépression réactionnelle" à la suite d'un "choc psychologique après altercation avec supérieur" ; que, dans son rapport du 17 juillet 2012, le docteur Olivier Drevon, médecin agréé, a conclu que Mme Zuddas présentait "une dépression post-traumatique due à un conflit dans son milieu professionnel", "directement en rapport avec sa déclaration d'accident de travail" et devant être considérée "comme tel" ; que, le 7 septembre 2012, la commission départementale de réforme a émis un avis favorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'arrêt de travail du 26 avril 2012 ; que, dans ces conditions, et alors même que selon l'attestation du 15 juin 2012 du docteur Jean-Noël Talabard, médecin audit département de radiologie, Mme Zuddas présentait, avant le 26 avril 2012 et depuis fin 2011, des troubles du sommeil accompagnés, par la suite, d'une tristesse d'idéation, d'une dévalorisation de soi et d'une difficulté à gérer ses affaires personnelles, l'état dépressif présenté le 26 avril 2012 par Mme Zuddas à l'issue de sa conversation téléphonique avec Mme A... et ayant nécessité son arrêt de travail à compter de cette même date doit être regardé comme étant en lien direct avec les circonstances précitées dans lesquelles s'est déroulée cet entretien téléphonique de l'intéressée avec sa supérieure hiérarchique ; qu'il suit de là qu'en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'arrêt de travail prescrit à Mme Zuddas à compter du 26 avril 2012, le directeur de l'Institut de cancérologie Lucien Neuwirth a fait une inexacte application des dispositions précitées du deuxième alinéa du 2° de l'article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision du 24 septembre 2012 par laquelle le directeur cet établissement public de santé a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son arrêt de travail du 26 avril 2012 et de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le même directeur sur son recours gracieux dirigé contre cette décision du 24 septembre 2012 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;

6. Considérant que le présent arrêt, qui annule les deux décisions mentionnées au point 4, implique nécessairement, eu égard au motif qui fonde ces annulations, que l'autorité administrative déclare imputable au service l'arrêt de travail prescrit à Mme Zuddas à compter du 26 avril 2012 ; qu'il y a lieu pour la cour d'ordonner au directeur de l'Institut de cancérologie Lucien Neuwirth de procéder à cette déclaration d'imputabilité dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme Zuddas, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'Institut de cancérologie Lucien Neuwirth demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Institut de cancérologie Lucien Neuwirth une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme Zuddas et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Sont annulés le jugement n° 1301379 du 16 septembre 2015 du tribunal administratif de Lyon, la décision du 24 septembre 2012 du directeur de l'Institut de cancérologie Lucien Neuwirth refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'arrêt de travail du 26 avril 2012 de Mme Zuddas et la décision implicite de rejet née du silence gardé par le même directeur sur le recours gracieux dirigé contre la décision précitée du 24 septembre 2012.

Article 2 : Il est enjoint au directeur de l'Institut de cancérologie Lucien Neuwirth, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, de déclarer imputable au service l'arrêt de travail prescrit à Mme Zuddas à compter du 26 avril 2012.

Article 3 : L'Institut de cancérologie Lucien Neuwirth versera à Mme Zuddas une somme de 1 500 (mille cinq cent) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de l'Institut de cancérologie Lucien Neuwirth présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... Zuddas et à l'Institut de cancérologie Lucien Neuwirth.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

- M. Hervé Drouet, président assesseur,

- M. Samuel Deliancourt, premier conseiller.

Lu en audience publique le 24 octobre 2017.

Le rapporteur,

Hervé DrouetLe président,

Jean-François Alfonsi

La greffière,

Anne Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 15LY03714

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY03714
Date de la décision : 24/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01-03 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de maladie. Accidents de service.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Hervé DROUET
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : CAUET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-10-24;15ly03714 ?
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