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19/10/2017 | FRANCE | N°16LY02964

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 19 octobre 2017, 16LY02964


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 25 septembre 2015 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée en cas d'exécution d'office.

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 25 septembre 2015 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui

délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 25 septembre 2015 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée en cas d'exécution d'office.

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 25 septembre 2015 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée en cas d'exécution d'office.

Par un jugement nos 1600651 - 1600652 du 16 juillet 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 août et 14 septembre 2016, Mmes A...et B...C..., représentées par la SELARL LFMA, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 12 juillet 2016 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 25 septembre 2015 ;

3°) d'enjoindre à cette autorité de leur délivrer un titre de séjour avec autorisation de travail sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros, au profit de leur conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elles soutiennent que :

- les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues dès lors que l'état de santé de A...nécessite des soins dont l'absence entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que la poursuite de ces soins n'est pas possible en Albanie ; que la présence de sa mère à ses côtés est indispensable ;

- les décisions contestées sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation et elles méconnaissent l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2016, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mmes C...ne sont pas fondés.

Par décision du 28 septembre 2016, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle formulée par MmesC....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Lesieux.

1. Considérant que Mme A...C...et sa mère Majlinda, ressortissantes albanaises nées respectivement en 1994 et 1970, sont entrées en France, sous couvert de leur passeport biométrique, le 12 novembre 2012 accompagnées de leur frère et fils, Florenc ; que leurs demandes d'asile ont été rejetées par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 octobre 2013 confirmées le 2 juin 2014 par la Cour nationale du droit d'asile ; que Mme B...C...a alors sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se prévalant de l'état de santé de sa fille qui, le même jour, déposait une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du même code ; que, par décisions du 25 septembre 2015, le préfet du Rhône a refusé de faire droit à leurs demandes, a assorti ces refus d'obligations de quitter le territoire français et de décisions fixant le pays de destination ; que Mmes C...relèvent appel du jugement du 12 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes dirigées contre ces décisions ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ; que selon l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) " ;

3. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, dans son avis du 8 décembre 2014, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de Mme A... C...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'aucun traitement approprié n'existe dans le pays dont elle est originaire et que les soins nécessités par son état de santé doivent, en l'état actuel, être poursuivis pendant douze mois ; que le préfet du Rhône, qui n'est pas lié par cet avis, a refusé la délivrance du titre sollicité en se fondant sur les éléments recueillis auprès de l'ambassade de France en Albanie du 20 juin 2013, le rapport de l'organisation internationale pour les migrations du 6 avril 2009 et le rapport du comité d'informations médicales du 21 août 2009 ; qu'il ressort de ces documents que les institutions sanitaires de ce pays sont en mesure de traiter la majorité des maladies courantes et que les ressortissants albanais " sont indéniablement à même de trouver en Albanie un traitement adapté à leur état de santé " ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A... C...souffre d'une paralysie cérébrale de forme quadriplégie dystonique, conséquence probable d'une méningite, avec épilepsie séquellaire ; qu'elle ne marche pas, ne parle pas et est dépendante dans tous les actes de la vie quotidienne ; que la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées du Rhône lui a reconnu, à compter du 1er octobre 2014 et jusqu'au 30 septembre 2019, un taux d'incapacité d'au moins 80 % et a préconisé, par une décision du 29 octobre 2014, un placement en centre d'accueil de jour médicalisé ou en maison d'accueil spécialisé en externat ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A...C...serait effectivement prise en charge dans un tel établissement médico-social ; que le handicap de l'intéressée implique un traitement médicamenteux à base d'antiépileptiques et de neuroleptiques ainsi que d'antidépresseurs et d'anxiolytiques " si besoin " ; qu'elle se déplace en fauteuil roulant et bénéficie de séances de kinésithérapie ; que, toutefois, elle n'apporte pas d'éléments permettant d'établir qu'elle ne pourrait pas bénéficier, en Albanie, de soins appropriés à son état de santé ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'une prise en charge et des traitements existent et sont accessibles dans ce pays, tant pour les troubles neurologiques que psychiatriques ; que Mme A...C..., dont les séquelles sont irréversibles ainsi qu'en atteste, le 16 novembre 2015, le centre hospitalier universitaire " Mère Térésa " de Tirana, en Albanie, qui a pris en charge l'intéressée à l'âge de 6 mois, ne peut utilement se prévaloir de ce que l'accès effectif aux soins lui serait financièrement difficile ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 et de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

6. Considérant que Mme B...C...soutient qu'elle a quitté l'Albanie avec ses deux enfants pour fuir son époux violent et que sa présence est indispensable aux côtés de sa fille handicapée ; que son fils, Florenc, né en 1997, est scolarisé en France, qu'il a présenté une demande d'asile et qu'il est convoqué devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 6 septembre 2016 ; que sa fille Ardenisa est décédée le 8 mars 2007 et qu'elle n'a plus d'attaches familiales dans son pays d'origine ; que toutefois, il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône a pu, sans méconnaître les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refuser à Mme A...C..., un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et qu'il est constant que la présence de sa mère est indispensable à ses côtés ; que la circonstance que son fils est scolarisé en France et qu'il a présenté une demande d'asile postérieurement au refus de séjour opposé, par le préfet du Rhône, à MmesC..., est sans incidence sur la légalité de cette décision ; que par suite, le préfet du Rhône n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 12 juillet 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes ; qu'il s'ensuit que leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mmes C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mmes A...et B...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée pour information au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. d'Hervé, président de chambre,

- Mme Michel, président-assesseur,

- Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 octobre 2017.

4

N° 16LY02964


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY02964
Date de la décision : 19/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : SELARL LFMA

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-10-19;16ly02964 ?
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