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19/10/2017 | FRANCE | N°15LY04076

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 19 octobre 2017, 15LY04076


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par deux recours distincts, la SAS STEF Logistique Bourgogne Essonne et la SCI Immolog ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2014 par lequel le maire de la commune de Marsannay-la-Côte a interdit aux abords des habitations du secteur de la Rente Logerot, chaque jour de la semaine de 20 heures à 7 heures, toute livraison, tout déchargement ou tout chargement de denrées, périssables ou non, de matériels et de matériaux de quelque nature que ce soit.

Par un juge

ment nos 1402610 - 1500050 du 19 octobre 2015, le tribunal administratif de Di...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Par deux recours distincts, la SAS STEF Logistique Bourgogne Essonne et la SCI Immolog ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2014 par lequel le maire de la commune de Marsannay-la-Côte a interdit aux abords des habitations du secteur de la Rente Logerot, chaque jour de la semaine de 20 heures à 7 heures, toute livraison, tout déchargement ou tout chargement de denrées, périssables ou non, de matériels et de matériaux de quelque nature que ce soit.

Par un jugement nos 1402610 - 1500050 du 19 octobre 2015, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande et les conclusions de la commune de Marsannay-la-Côte au titre des frais non compris dans les dépens.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 23 décembre 2015, la SAS STEF Logistique Bourgogne Essonne, représentée par Me A..., demande à la cour :

1) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 19 octobre 2015 ;

2) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté en litige ;

3) de mettre à la charge de la commune de Marsannay-la-Côte une somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier, dès lors que les premiers juges ont omis de viser et d'analyser son argumentation relative à l'atteinte à une liberté publique lorsqu'ils se sont prononcés sur le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté attaqué ; il méconnaît les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

- le jugement est irrégulier, dès lors qu'il mentionne que l'arrêté en litige portait interdiction entre 22 heures et 6 heures alors que cette interdiction porte de 20 heures à 7 heures ;

- c'est à tort que les premiers juges ont écarté comme inopérant le moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation de motivation prévue par l'article L. 2213-4 du code général des collectivités territoriales ; l'arrêté est insuffisamment motivé au regard de ces dispositions ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la mesure contestée n'est pas nécessaire ; elle est manifestement disproportionnée, au regard de l'atteinte portée à la liberté du commerce et de l'industrie et à la liberté d'entreprendre, et en absence de délai raisonnable prévu pour sa mise en oeuvre ; elle porte également une atteinte disproportionnée au principe d'égalité.

Par un mémoire enregistré le 29 juin 2016, la commune de Marsannay-la-Côte, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la requérante une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal s'est prononcé sur le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté attaqué et son jugement n'est pas entaché d'irrégularité ;

- l'erreur de rédaction commise par les premiers juges est sans incidence sur le bien-fondé du jugement ;

- l'arrêté en litige n'a pas été pris sur le fondement des dispositions de l'article L. 2213-4 du code général des collectivités territoriales mais sur le fondement des pouvoirs de police générale du maire ; en tout état de cause, il est suffisamment motivé ;

- la mesure d'interdiction était nécessaire et proportionnée au regard de la liberté d'entreprendre ; elle ne porte pas atteinte au principe d'égalité.

Par ordonnance du 30 juin 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 août 2016.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lesieux, rapporteur,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant la société STEF Logistique Bourgogne et de Me D...représentant la commune de Marsannay-la-Côte ;

1. Considérant que la société STEF Logistique Bourgogne Essonne conteste le jugement du tribunal administratif de Dijon, en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 juillet 2014 du maire de Marsannay-la-Côte interdisant aux abords des habitations du secteur de la Rente Logerot, chaque jour de la semaine de 20 heures à 7 heures, toute livraison, tout déchargement ou tout chargement de denrées, périssables ou non, de matériels et de matériaux de quelque nature que ce soit ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application (...) ; que, contrairement aux allégations de la société requérante, il ressort des mentions du jugement attaqué que les premiers juges ont expressément visé le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté attaqué ; que le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de viser tous les arguments avancés par la société STEF au soutien de ce moyen, ni de répondre à chacun de ces arguments, a, en l'espèce, suffisamment répondu au moyen invoqué ;

3. Considérant, en second lieu, qu'en relevant, au point 7 du jugement, que l'interdiction en cause portait de 22 heures à 6 heures et non de 20 heures à 7 heures, les premiers juges n'ont commis qu'une erreur matérielle qui n'est pas de nature à entacher la régularité du jugement ;

Sur le bien-fondé du jugement :

4. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté en litige, qui vise les dispositions sur lesquels il se fonde et précise que la mesure d'interdiction est nécessaire pour la protection des habitants du secteur de la Rente Logerot contre les nuisances sonores nocturnes est, en tout état de cause, suffisamment motivé ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que l'erreur matérielle mentionnée au point 3 est sans incidence sur le bien-fondé du jugement dès lors qu'il ressort des termes mêmes de ce jugement, et en particulier de son point 15, que les premiers juges ont bien relevé que l'interdiction en litige portait de 20 heures à 7 heures ;

6. Considérant, en troisième lieu que l'arrêté attaqué interdit, aux abords des habitations du secteur de la Rente Logerot, toute livraison, déchargement ou chargement de denrées périssables ou non, de matériels ou de matériaux de quelque nature que ce soit, tous les jours de la semaine, de 20 heures à 7 heures ; que cette interdiction est justifiée par " la nécessité de prendre des mesures pour la protection des habitants du secteur à considérer contre les nuisances nocturnes " ; qu'il ressort des pièces du dossier que la société STEF est à l'origine de nuisances sonores ainsi qu'en attestent les nombreuses plaintes des riverains dès le mois de juin 2013, les constatations d'huissiers, ainsi qu'un rapport établi par un acousticien agréé le 19 décembre 2013 qui conclut à des niveaux de bruit non conformes en période nocturne ;

7. Considérant que la société requérante soutient que l'interdiction imposée par l'arrêté litigieux n'était pas nécessaire, dès lors que de nombreuses mesures destinées à garantir la tranquillité publique ont déjà été prises ; que le maire de Marsannay-la-Côte a notamment, par l'arrêté du 11 juillet 2014, interdit tout stationnement de camions frigorifiques de 20 heures à 7 heures dans un certain nombre de rues de la commune, dont le secteur considéré ; qu'en outre, après une mise en demeure du maire, la société STEF a déclaré avoir effectué des travaux d'isolation phonique du groupe froid extérieur et avoir cessé, depuis le 24 février 2014, toute activité de 22 heures à 6 heures, et qu'un parking pour les poids lourds a été aménagé ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que ces mesures se sont avérées insuffisantes pour garantir la tranquillité publique ; qu'en effet, le rapport du 5 juin 2014 de l'expert judiciaire désigné par le tribunal de grande instance de Dijon conclut à un niveau de bruit non conforme constaté entre 6 heures et 7 heures, ainsi qu'un non respect par la société de ses engagements puisqu'il note des circulations de camions jusqu'à 23 heures ; que les constats d'huissiers viennent corroborer ces constatations expertales ; que par suite, la société STEF, n'est pas fondée à soutenir que la mesure contestée ne serait pas nécessaire à la préservation de la tranquillité publique ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que, dès lors que l'exercice de pouvoirs de police administrative est susceptible d'affecter des activités de production, de distribution ou de services, la circonstance que les mesures de police ont pour objectif la protection de l'ordre public ou, dans certains cas, la sauvegarde des intérêts spécifiques que l'administration a pour mission de protéger ou de garantir n'exonère pas l'autorité investie de ces pouvoirs de police de l'obligation de prendre également en considération la liberté du commerce et de l'industrie et les règles de concurrence ;

9. Considérant que l'interdiction édictée par l'arrêté 8 juillet 2014, justifiée par des considérations tirées de la préservation de la tranquillité publique, est limitée à certaines parties de la commune et à la période comprise entre 20 heures et 7 heures ; que la société appelante fait valoir qu'un délai raisonnable d'application de l'interdiction devait être mis en oeuvre pour lui permettre d'effectuer les changements d'horaires nécessaires en respectant la législation du travail ; que toutefois, elle n'assortit pas ses allégations de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que, dans ces conditions, les moyens tirés du caractère disproportionné de la mesure de police litigieuse et de l'atteinte excessive à la liberté du commerce et de l'industrie et à la liberté d'entreprendre ne peuvent qu'être rejetés ;

10. Considérant, en dernier lieu, que l'arrêté litigieux n'a ni pour objet ni pour effet de créer des différences de traitement entre des situations identiques ; que les allégations de la société requérante selon lesquelles d'autres entreprises implantées dans la zone d'activité pourraient elles aussi créer des nuisances sonores, ne sont pas assorties des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé et, partant, pour caractériser une atteinte au principe d'égalité ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions de la société STEF Logistique Bourgogne doivent être rejetées ;

13. Considérant, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Marsannay-la-Côte, sur le même fondement ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société STEF Logistique Bourgogne Essonne est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Marsannay-la-Côte présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Société STEF Logistique Bourgogne Essonne et à la commune de Marsannay-la-Côte.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 octobre 2017.

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N° 15LY04076


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY04076
Date de la décision : 19/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-04-01 Police. Police générale. Circulation et stationnement.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : CABINET GOUTAL et ALIBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-10-19;15ly04076 ?
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