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05/10/2017 | FRANCE | N°16LY02934

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 05 octobre 2017, 16LY02934


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... D...a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 29 avril 2015 du directeur des ressources humaines de la Poste refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie.

Par le jugement n° 1501783 du 9 juin 2016, le tribunal administratif de Dijon a annulé cette décision du 29 avril 2015.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 19 août 2016 et le 4 septembre 2017, la Poste, représentée par Me A..., demande à

la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Dijon du 9 juin 2016 ;

2°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... D...a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 29 avril 2015 du directeur des ressources humaines de la Poste refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie.

Par le jugement n° 1501783 du 9 juin 2016, le tribunal administratif de Dijon a annulé cette décision du 29 avril 2015.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 19 août 2016 et le 4 septembre 2017, la Poste, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Dijon du 9 juin 2016 ;

2°) de rejeter la demande de M. D... ;

3°) de mettre à sa charge la somme de 1 000 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La Poste soutient que :

- contrairement à ce qu'a retenu le jugement attaqué, il appartenait à M. D...d'établir un lien de causalité entre l'affection dont il souffre et les activités exercées ; ce dernier s'est borné à indiquer que sa charge de travail se serait fortement accrue depuis 2013 ; la situation qu'il décrit est le fait non d'une charge trop importante imposée par la Poste mais d'une incapacité à s'organiser et à déléguer son travail ;

- c'est à tort également que les premiers juges ont retenu que le trouble de la personnalité diagnostiqué par le médecin-expert n'avait pas déterminé à lui seul l'incapacité professionnelle de M. D... et, qu'ainsi, le syndrome anxio-dépressif ne pouvait être détaché du service ;

- la décision du 29 avril 2015, en ce qu'elle refuse de reconnaître que la maladie de M. D... est imputable au service, n'est pas illégale.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 mars 2017, M. D... représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la Poste ;

2°) d'annuler la décision du 29 avril 2015 portant refus de reconnaissance de la maladie professionnelle ;

3°) d'enjoindre à la Poste de reconnaître, sans délai, la qualité de maladie à caractère professionnel de la pathologie qu'il a développée sous astreinte de 50 euros par jour de retard, jusqu'à sa consolidation ;

4°) de mettre à la charge de la Poste la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. D... fait valoir que :

- la reconnaissance de l'imputabilité d'une maladie au service exige simplement la démonstration d'un lien qui doit être direct et certain entre la pathologie développée et le service, ce lien n'ayant pas à être exclusif ;

- comme l'a rappelé le Conseil d'État, un état pathologique antérieur ne peut conduire à remettre en cause l'imputabilité au service d'une maladie qu'à la condition que cet état antérieur en soit la cause exclusive ; l'expertise comporte des contradictions ;

- il est manifeste que l'évolution des conditions de travail se présente comme la cause déterminante de l'apparition de sa pathologie ;

- à titre subsidiaire, si la cour devait retenir l'argumentation de la Poste, il convient de relever l'absence de toute motivation de la décision annulée ;

- cette décision est, en outre, entachée d'erreur de droit puisque la Poste s'est considérée liée par la décision de la commission de réforme.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gondouin,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,

- les observations de Me B..., représentant la Poste et de Me C... représentant M. D... ;

1. Considérant que M. D..., fonctionnaire depuis 1982, a été affecté au bureau de poste de Toucy en janvier 2010 et nommé guichetier référent, responsable de bureau, en décembre 2011 ; qu'il a été placé en congé de maladie le 17 décembre 2014 en raison d'un syndrome anxio-dépressif sévère ; que ce congé a été transformé en congé de longue maladie le 2 décembre 2015 ; que, souhaitant que sa maladie soit reconnue comme imputable au service, il a présenté par un courrier du 24 mars 2015 une " demande de reconnaissance de maladie à caractère professionnel " ; qu'à la suite de l'avis défavorable de la commission de réforme de la Poste de Dijon du 29 avril 2015, sa demande a été rejetée par une décision du même jour du directeur des ressources humaines de la direction du réseau la Poste de Bourgogne Nord ; que M. D... a saisi le tribunal administratif de Dijon qui, par un jugement du 9 juin 2016 dont la Poste relève appel, a annulé cette décision ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant que le 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, ci-dessus visée, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, dans sa rédaction alors applicable, prévoit que le fonctionnaire en activité a droit : " À des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...). / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit en outre au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident " ; qu'en vertu du 3° du même article, le fonctionnaire en activité a également droit " À des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. L'intéressé conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence ; / Les dispositions du deuxième alinéa du 2° du présent article sont applicables au congé de longue maladie " ;

3. Considérant que le droit, prévu par ces dispositions, de conserver l'intégralité du traitement est soumis à la condition que la maladie mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'accomplir son service soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec un accident ou des évènements survenus dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du récit circonstancié que M. D... a produit en première instance, que de nouvelles fonctions lui ont été assignées à partir de l'année 2013 au bureau de poste de Toucy dont il est responsable ; qu'il ressort également de sa fiche d'évaluation datée du 11 février 2014, que ses compétences techniques, sa capacité à appliquer ces compétences, son efficacité personnelle et son comportement personnel avaient été jugés parfaitement adaptés à son poste et que son évaluateur avait relevé qu'il était polyvalent, parfaitement à l'aise avec les procédures de gestion de la clientèle, qu'il était très souvent sollicité par ses collègues et que les produits et services commercialisés étaient parfaitement connus et maîtrisés ; qu'à la suite de divers évènements, promotion, départ en retraite, réorganisation et même agression en novembre 2014, certains agents du bureau de Toucy, dont M. D..., ont rencontré des difficultés, ce que ne conteste pas sérieusement le directeur régional de La Poste ; que si le médecin spécialiste agréé, qui a examiné M. D... le 25 mars 2015, évoque " un trouble de la personnalité de type obsessionnel associé à un état dépressif en rémission partielle ", il a également précisé que " le facteur déclenchant de l'état dépressif est dû au contexte professionnel " tout en relevant en outre, au titre des antécédents médicaux, une migraine et une lombalgie ; que, par ailleurs, le médecin du travail qui a examiné l'intéressé le 8 avril 2015, a évoqué un syndrome d'épuisement professionnel, une relation " très probable " entre les risques professionnels et la pathologie observée et a précisé que " les seules doléances relatées par l'agent au cours de l'interrogatoire concernent ses conditions de travail. Il n'est pas signalé d'autres facteurs pouvant expliquer la pathologie " ;

5. Considérant que, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, l'existence de prédispositions liées à la personnalité de l'agent ne permet d'écarter l'imputabilité au service de l'état de ce dernier que lorsqu'il apparaît que ces prédispositions ont déterminé, à elles seules, sa maladie ou son incapacité professionnelle ; qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier, et notamment pas des certificats ou rapports médicaux produits, que le syndrome anxio-dépressif dont souffre M. D... trouve son origine exclusive dans sa personnalité ou résulte d'une pathologie antérieure ; qu'en l'espèce, et compte tenu de l'ensemble des évènements qui se sont produits dans le service à partir du printemps 2013 et qui ont été rappelés au point 4, la pathologie de M. D... doit être qualifiée d'imputable au service ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que la Poste n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision du 29 avril 2015 rejetant la demande de M. D... " de reconnaissance de maladie à caractère professionnel " ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Considérant que M. D...demande, pour la première fois en appel, d'enjoindre à la Poste de reconnaître, sans délai, la qualité de maladie à caractère professionnel de la pathologie qu'il a développée, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, jusqu'à sa consolidation ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ; que l'annulation de la décision attaquée pour le motif retenu au point 5 implique nécessairement que la Poste reconnaisse l'imputabilité au service de l'état dépressif ayant justifié les congés de maladie de M. D... ; qu'il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au directeur des ressources humaines compétent de procéder à cette reconnaissance dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que soit mise quelle que somme que ce soit à la charge de M. D..., qui n'est pas en l'espèce partie perdante ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la Poste la somme de 1 500 euros à verser à M. D... sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la Poste est rejetée.

Article 2 : Il est enjoint à la Poste de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de M. D... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : La Poste versera à M. D... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. D... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société la Poste et à M. E...D....

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2017 où siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Gondouin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 octobre 2017.

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N° 16LY02934


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY02934
Date de la décision : 05/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01-03 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Congés. Congés de maladie. Accidents de service.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Genevieve GONDOUIN
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : SELARL STRAT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 17/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-10-05;16ly02934 ?
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