Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme D... C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 6 octobre 2008 par laquelle le président du centre communal d'action sociale (CCAS) de la Tour-du-Pin a procédé à son changement d'affectation et d'enjoindre à ce président de la réintégrer dans ses précédentes fonctions.
Par un jugement n° 0804817-0900481 du 27 septembre 2011, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Par une décision n° 354397 du 30 décembre 2013, le Conseil d'Etat, statuant sur le pourvoi de Mme C..., a annulé ce jugement du 27 septembre 2011 en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation de la décision susmentionnée du 6 octobre 2008 et a renvoyé, dans cette mesure, le jugement de l'affaire au tribunal administratif de Grenoble.
Par un jugement n° 1400630 du 22 décembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 6 octobre 2008 par laquelle le président du CCAS de la Tour-du-Pin a procédé au changement d'affectation de Mme C..., a enjoint à ce président de la réintégrer dans ses fonctions de directrice des foyers pour personnes âgées "Allagnat" et "Arc-en-ciel" à échéance de sa mise en disponibilité et sous les conditions posées par le deuxième alinéa de l'article 72 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, et a mis à la charge du CCAS de la Tour-du-Pin une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 février 2015 et le 7 mars 2016, le centre communal d'action sociale (CCAS) de la Tour-du-Pin, agissant par son président en exercice, représenté par la SELARL Cabinet d'avocats Philippe B...et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 22 décembre 2014 ;
2°) de rejeter la demande de MmeC... ;
3°) de mettre à la charge de Mme C...une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le principe du contradictoire a été méconnu par les premiers juges ;
- le président du CCAS tenait de la loi la compétence pour prononcer le changement d'affectation contesté ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision du 19 novembre 1999 par laquelle Mme C... a été affectée à la direction des foyers pour personnes âgées "Allagnat" et "Arc-en-ciel" était créatrice de droits et ne pouvait être abrogée au-delà du délai de quatre mois ;
- c'est par une erreur de droit qu'ils ont considéré que l'intéressée ne pouvait, en aucune manière, faire l'objet d'un changement d'affectation sans son accord ;
- l'intéressée, compte tenu de son grade, en l'absence de circonstance exceptionnelle, n'avait pas vocation à occuper un tel emploi de direction et d'encadrement sans qu'elle puisse se prévaloir d'un quelconque délai ;
- le changement d'affectation contesté n'est ni contraire à l'intérêt du service, ni constitutif de harcèlement moral ou de sanction disciplinaire déguisée ;
- c'est à tort que les premiers juges lui ont, par l'article 2 du jugement entrepris, enjoint de réintégrer Mme C... sur son emploi antérieur à l'issue de son placement en disponibilité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 avril 2015, et un mémoire enregistré le 16 mars 2016, Mme D...C..., représentée par Me Aldeguer, avocat, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du CCAS de la Tour-du-Pin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- il n'a pas été porté atteinte aux droits du CCAS requérant par une méconnaissance du principe du contradictoire ;
- la décision du 19 novembre 1999 créatrice de droits, à la supposer illégale, ne pouvait être annulée que dans le délai de quatre mois ;
- le maintien dans ses fonctions pendant dix ans constitue une reconnaissance qu'elle détient les qualités requises ;
- le harcèlement moral est établi à l'encontre d'un agent qui détenait les compétences de direction requises ;
- ses droits acquis ne pouvaient être remis en cause qu'après le 21 février 2017, soit au-delà du délai de dix ans dont elle disposait pour obtenir les qualifications nécessaires ;
- c'est à bon droit que les premiers juges ont prononcé l'injonction prononcée à l'article 2 de leur jugement.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 2006-1690 du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints administratifs territoriaux ;
- le décret n° 2007-221 du 19 février 2007 pris en application du II de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles relatif aux modalités de délégation et au niveau de qualification des professionnels chargés de la direction d'un ou plusieurs établissements ou services sociaux ou médico-sociaux ;
- l'arrêté du 19 janvier 2010 pris pour l'application de l'article D. 312-176-10 du code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Alfonsi, président,
- les conclusions de M. Marc Clément, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., substituant Me B... pour le CCAS de la Tour-du-Pin ;
1. Considérant que, par un jugement du 22 décembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 6 octobre 2008 par laquelle le président du CCAS de la Tour-du-Pin a procédé au changement d'affectation de MmeC... et a enjoint à ce président de la réintégrer dans ses fonctions de directrice des foyers pour personnes âgées "Allagnat" et "Arc-en-ciel" à échéance de sa mise en disponibilité et sous les conditions posées par le deuxième alinéa de l'article 72 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; que le CCAS de la Tour-du-Pin relève appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. " ;
3. Considérant qu'il ressort tant du dossier de première instance que des termes mêmes du jugement attaqué, d'une part, que l'ensemble des pièces de la procédure a été communiqué aux parties, auxquelles il revenait de produire telles écritures qu'elles auraient jugées utiles sans qu'il soit nécessaire de les y inviter expressément et, d'autre part, que le CCAS de la Tour-du-Pin a produit un mémoire, enregistré le 4 décembre 2014, par lequel il s'est borné à persister dans ses conclusions tendant au rejet de la demande de Mme C...en faisant valoir que les moyens soulevés par cette dernière n'étaient pas fondés ; que le CCAS requérant n'est, dans ces conditions, pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier faute pour le tribunal d'avoir invité les parties à présenter de nouvelles écritures à la suite de la décision du 30 décembre 2013 par laquelle le Conseil d'Etat lui a renvoyé l'affaire ;
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Considérant que, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer ou abroger une décision expresse individuelle créatrice de droits que dans le délai de quatre mois suivant l'intervention de cette décision et si elle est illégale ; que la décision par laquelle le président d'un centre communal d'action sociale nomme un fonctionnaire dans l'emploi de directeur d'un foyer pour personnes âgées, ce fonctionnaire fût-il titulaire d'un grade ne lui donnant normalement pas vocation à occuper de telles fonctions, a le caractère d'une décision individuelle créatrice de droits ; que s'il incombe à l'autorité administrative de procéder au changement d'affectation d'un tel fonctionnaire qui, par suite d'un changement de circonstances, notamment de droit, postérieures à sa nomination, cesserait de remplir les conditions requises pour occuper un tel emploi, elle ne peut, sans méconnaître les droits acquis qui résultent de la nomination, décider plus de quatre mois après celle-ci de la retirer ou de l'abroger ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret susvisé du 19 février 2007, publié au journal officiel du 21 février 2007 : " Les professionnels chargés de la direction d'un ou plusieurs établissements ou services sociaux ou médico-sociaux, en fonctions à la date de publication du présent décret, qui ne justifient pas des qualifications prévues aux articles D. 312-176-6 à D. 312-176-8 et D. 312-176-10 du code de l'action sociale et des familles, disposent pour obtenir ces qualifications, d'un délai : / - de dix ans s'ils étaient en fonctions à la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 ; " ; qu'en vertu de ces dispositions, les fonctionnaires exerçant, à la date d'entrée en vigueur de la loi du 2 janvier 2002, les fonctions de directeur de l'un des établissements qui y sont mentionnés sans être titulaires des qualifications requises, bénéficient, afin de leur permettre d'acquérir de telles qualifications, du droit de rester en fonction jusqu'au 21 février 2017 ;
6. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que le changement d'affectation de Mme C...est motivé par la circonstance que l'intéressée ne justifie pas des qualifications imposées aux directeurs d'établissements relevant du secteur sanitaire et social par les dispositions précitées du décret du 19 février 2007 ; que toutefois, et dès lors qu'il est constant que MmeC..., recrutée le 19 novembre 1999 en qualité de directrice d'un foyer pour personnes âgées, exerçait toujours ces fonctions à la date de publication du décret du 19 février 2007, elle bénéficiait d'un droit à demeurer en fonction jusqu'au 21 février 2017 qui ne pouvait être remis en cause pour les motifs exposés dans la décision qu'elle conteste ; que le CCAS de la Tour-du-Pin n'est, par suite, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit aux conclusions de Mme C...tendant à l'annulation de la décision de son président du 6 octobre 2008 ;
Sur l'injonction adressée par le tribunal administratif de Grenoble :
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;
8. Considérant que, à la date à laquelle le tribunal a statué sur la demande de Mme C..., cette dernière, en disponibilité pour convenance personnelle, n'avait pas sollicité sa réintégration ; que le tribunal ne pouvait, dès lors ainsi qu'il l'a fait par son jugement attaqué, ordonner sa réintégration à l'échéance de sa disponibilité ;
9. Considérant toutefois qu'à la date du présent arrêt, Mme C...avait sollicité sa réintégration dans l'emploi qu'elle occupait précédemment à partir du 31 mai 2016, date d'expiration de sa période de disponibilité ; qu'il y a lieu, par suite, d'ordonner au CCAS de la Tour-du-Pin de procéder à sa réintégration à compter de cette dernière date ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le CCAS de la Tour-du-Pin est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble lui a enjoint de réintégrer Mme C...à l'issue de sa mise en disponibilité pour convenances personnelles ; que le surplus des conclusions de sa requête doit, en revanche, être rejeté ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que MmeC..., qui n'est pas partie perdante, soit condamnée à rembourser au CCAS de la Tour-du-Pin les frais non compris dans les dépens qu'il a exposés à l'occasion de la présente instance ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de condamner ledit centre communal d'action sociale à payer à Mme C...une somme de 1 500 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions ;
DECIDE
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 22 décembre 2014 est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du centre communal d'action sociale de la Tour-du-Pin est rejeté.
Article 3 : Il est enjoint au centre communal d'action sociale de la Tour-du-Pin de procéder à la réintégration de Mme C...dans les fonctions de directrice des foyers pour personnes âgées "Allagnat" et "Arc-en-ciel" à compter du 1er juin 2016.
Article 4 : Le centre communal d'action sociale de la Tour-du-Pin paiera à Mme C...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre communal d'action sociale de la Tour-du-Pin et à Mme D...C....
Délibéré après l'audience du 5 septembre 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
- M. Hervé Drouet, président-assesseur,
- M. Samuel Deliancourt, premier conseiller.
Lu en audience publique le 26 septembre 2017.
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N° 15LY00661
mg