Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. Michel B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés municipaux des 4 et 15 novembre 2013 portant réglementation de la circulation sur les voies indiquées et notamment sur le chemin desservant sa propriété.
Par le jugement n° 1402600 du 9 février 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 4 novembre 2013 en tant qu'il concerne la route pastorale de Vaugelaz ainsi que l'arrêté du 15 novembre 2013.
Procédure devant la cour
Par une requête et deux mémoires enregistrés respectivement le 13 avril 2016, le 10 février et le 16 mars 2017, la commune des Chapelles représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 février 2016 ;
2°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune soutient que :
- sa requête n'est pas tardive dès lors que le jugement ne lui a été notifié que le 15 février 2016 ;
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il ne vise pas le code de l'environnement alors que ses dispositions trouvent pleinement à s'appliquer ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a qualifié la voie de chemin ouvert à la circulation publique ; c'est également à tort qu'il a retenu que ni les éventuels conflits d'usages entre les quelques usagers motorisés et les skieurs ou randonneurs, ni la protection de l'environnement ne pouvaient justifier une interdiction visant les riverains ;
- la route pastorale de Vaugelaz est uniquement utilisée pour desservir des chalets d'alpage, non des habitations ; M.B..., par l'intermédiaire de la personne qui occupe son chalet, exploite une activité commerciale qui occasionne une utilisation importante de la route et justifie l'utilisation d'une dameuse pour les besoins des clients ;
- les arrêtés sont également, et à juste titre, fondés sur la nécessité de protéger la tranquillité et la sécurité en raison du conflit d'usage et des espèces protégées.
Par deux mémoires en défense enregistrés le 9 juin 2016 et le 2 mars 2017, M. B..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de la commune des Chapelles ;
2°) de confirmer le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 février 2016 ;
3°) de mettre à la charge de la commune des Chapelles la somme de 4 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B... fait valoir que :
- l'appel est irrecevable, car tardif ; le tampon de la réception de l'expédition du jugement apposé par la mairie ne peut constituer une preuve suffisante ;
- le jugement n'avait pas à viser le code de l'environnement dès lors qu'il n'est pas fondé sur les dispositions de celui-ci ;
- une voie ouverte à la circulation publique n'est pas forcément carrossable ; le tribunal administratif n'a commis aucune erreur ;
- la servitude de limitation d'usage attachée au chalet d'alpage ne peut servir de fondement à une mesure de police générale d'interdiction de circulation ; à supposer qu'il y ait une infraction par rapport au plan local d'urbanisme, cette circonstance est inopérante pour apprécier la légalité d'une mesure de police ;
- il n'y a de risque ni pour la sécurité publique, ni pour la tranquillité publique, ni pour les espèces protégées ;
- les mesures prises portent une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir et au droit d'accès ; elles sont également entachées de détournement de pouvoir.
M. B...a également produit un mémoire, enregistré le 4 avril 2017, qui n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gondouin,
- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,
- et les observations de Me C... représentant la commune des Chapelles et de Me A... représentant M. B... ;
1. Considérant que, par un arrêté du 4 novembre 2013, le maire de la commune des Chapelles, située en Haute-Tarentaise dans le département de la Savoie, a interdit la circulation hivernale des véhicules à moteur entre le 1er décembre et le 31 mars sur certaines voies de la commune non déneigées en hiver, dont la route pastorale de Vaugelaz qui dessert la propriété de M. B... ; que, par un arrêté du 15 novembre 2013, compte tenu des conditions météorologiques, il a avancé cette interdiction au jour même en ce qui concerne cette route ; que, saisi par M. B..., le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 4 novembre 2013 en tant qu'il concerne la route pastorale de Vaugelaz et l'arrêté du 15 novembre 2013 ; que la commune des Chapelles relève appel de ce jugement du 9 février 2016 ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que le deuxième alinéa de l'article R. 741-2 du code de justice administrative prévoit que la décision juridictionnelle contient " les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application " ;
3. Considérant que, pour annuler les arrêtés municipaux contestés, le tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur la méconnaissance par le maire de la commune des Chapelles des dispositions des articles L. 2213-2 et L. 2213-4 du code général des collectivités territoriales et non sur la méconnaissance de dispositions du code de l'environnement ; que, dès lors, la commune requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué, qui n'a pas fait application du code de l'environnement, est irrégulier faute d'avoir visé ce code ;
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Considérant, en premier lieu, que le premier alinéa de l'article L. 362-1 du code de l'environnement dispose : " En vue d'assurer la protection des espaces naturels, la circulation des véhicules à moteur est interdite en dehors des voies classées dans le domaine public routier de l'État, des départements et des communes, des chemins ruraux et des voies privées ouvertes à la circulation publique des véhicules à moteur " ;
5. Considérant que les deux arrêtés contestés interdisent totalement la circulation des véhicules à moteur sur plusieurs chemins non déneigés, notamment la route pastorale de Vaugelaz ; qu'il ressort des pièces du dossier que la route pastorale de Vaugelaz, constituée par des terrains communaux et des chemins ruraux, est ouverte à la circulation publique, en ce qu'elle peut être librement empruntée par tout piéton, skieur, cycliste, cavalier, ou conducteur de traîneau ou de véhicule à moteur lorsque les conditions météorologiques s'y prêtent ; que, dès lors, le maire de la commune des Chapelles ne pouvait se fonder sur l'article précité pour interdire la circulation des véhicules à moteur sur cette voie ;
6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / 1°Tout ce qui intéresse la sûreté, et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques (...) " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 2213-4 du même code : " Le maire peut, par arrêté motivé, interdire l'accès de certaines voies ou de certaines portions de voies ou de certains secteurs de la commune aux véhicules dont la circulation sur ces voies ou dans ces secteurs est de nature à compromettre soit la tranquillité publique, soit la qualité de l'air, soit la protection des espèces animales ou végétales, soit la protection des espaces naturels, des paysages ou des sites ou leur mise en valeur à des fins esthétiques, écologiques, agricoles, forestières ou touristiques " ;
7. Considérant que les arrêtés contestés interdisent la circulation des véhicules à moteur, notamment sur la route pastorale de Vaugelaz, sans prévoir de dérogation au profit des riverains ; qu'il n'est pas contesté que cette route pastorale est le seul accès au chalet dont M. B... est propriétaire ; qu'il ne ressort pas du dossier qu'elle traverse des couloirs avalancheux ou est située dans une zone particulièrement dangereuse ; qu'il ne ressort pas davantage du dossier que les éventuels conflits d'usage entre les usagers motorisés et les autres usagers, skieurs, randonneurs, ou cavaliers, pouvaient justifier une interdiction de circulation visant aussi les riverains ; que la volonté d'assurer la protection des espaces naturels et la tranquillité de la faune sauvage ne pouvait pas davantage en l'espèce justifier une interdiction aussi générale, alors que la commune relève par ailleurs que ce chemin pastoral dessert le seul chalet de M. B... ; que, par suite, et contrairement à ce que soutient la commune, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que le maire avait assujetti le requérant à des contraintes excédant celles qui pouvaient légalement lui être imposées sur le fondement des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que la commune des Chapelles n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 4 novembre 2013 en tant que cet arrêté concerne la route pastorale de Vaugelaz ainsi que l'arrêté du 15 novembre 2013 ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que M. B... n'étant pas partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par la commune des Chapelles sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune le versement d'une quelconque somme à M. B...au titre de ces dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune des Chapelles est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. B... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune des Chapelles et à M. B....
Délibéré après l'audience du 29 juin 2017 où siégeaient :
Mme Michel, président,
Mme Gondouin, premier conseiller,
Mme Samson-Dye, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 juillet 2017.
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N° 16LY01344