Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. E...A...et M. C...B...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble, en premier lieu, de condamner solidairement le département de l'Isère et le syndicat intercommunal des eaux de la région d'Apprieu à verser à M. A... la somme de 10 000 euros et à M. B...la somme de 2 000 euros du fait de l'accident dont ils ont été victimes le 15 mai 2010 sur la route départementale 50, sommes à parfaire après le dépôt du rapport d'expertise et assorties des intérêts au taux légal à compter du 8 février 2013 et capitalisation, en deuxième lieu, d'ordonner la désignation d'un expert pour évaluer les préjudices qu'ils ont subis et, enfin, de mettre à la charge solidaire du département de l'Isère et du syndicat intercommunal des eaux de la région d'Apprieu le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse, appelée à l'instance, a demandé au tribunal administratif, d'une part, de condamner le département de l'Isère et le syndicat intercommunal des eaux de la région d'Apprieu à lui verser la somme de 8 565, 82 euros en remboursement des débours exposés avec intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement du mémoire, d'autre part, de mettre à la charge du département et du syndicat le versement de la somme de 1 028 euros sur le fondement des dispositions du neuvième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1301209 du 29 septembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a :
- donné acte du désistement des conclusions de M.B... ;
- condamné le département de l'Isère à verser à M. A...la somme de 7 750 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 février 2013 et de leur capitalisation, en réparation des préjudices personnels qu'il a subis et à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse la somme de 8 565, 82 euros en remboursement de ses débours avec intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2014 et à la somme de 1 028 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
- mis à la charge du département de l'Isère les frais d'expertise ;
- mis à la charge du département de l'Isère le versement à M. A...de la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
- rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 27 novembre 2015, le département de l'Isère, représenté par Phelip et associés, demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler ce jugement en tant qu'il a prononcé sa condamnation et rejeté sa demande d'appel en garantie du syndicat intercommunal des eaux de la région d'Apprieu et de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif ;
2°) à titre subsidiaire, de réformer ce jugement en ramenant l'indemnité allouée à M. A... à de plus justes proportions et de condamner le syndicat intercommunal des eaux de la région d'Apprieu à le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
3°) de mettre à la charge de M. A...ou du syndicat intercommunal des eaux de la région d'Apprieu le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le département soutient que :
- la dénivellation ne saurait caractériser un défaut d'entretien normal compte tenu de ce que la rainure présentait une largeur n'excédant pas deux centimètres ; cette défectuosité ne constitue pas un obstacle excédant ceux que doivent s'attendre à rencontrer les usagers de la route ;
- l'accident n'a pu avoir lieu qu'en raison de ce que les bicyclettes de course étaient dotées de pneumatiques particulièrement fins ; compte tenu de ces caractéristiques et de ce que la dénivellation était visible, M. A...aurait dû être particulièrement attentif ; il est probable que M. A...roulait à une vitesse excessive et seule l'inattention de M. A...est à l'origine de l'accident ;
- la circonstance que la commune ait procédé au comblement de cette rainure ne saurait constituer une quelconque reconnaissance de responsabilité ;
- la réparation du déficit temporaire, des troubles dans les conditions d'existence, le pretium doloris, le préjudice esthétique, le déficit fonctionnel permanent partiel et le préjudice d'agrément a été évaluée de façon excessive ;
- il appelle en garantie le syndicat intercommunal de la région d'Apprieu dès lors que ce syndicat a réalisé les travaux litigieux de pose de canalisations en tranchée sur la commune d'Apprieu et non sur celle de Saint Blaise du Buis ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2016, M.A..., représenté par Me G... et MeF..., conclut :
- au rejet de la requête
- à titre incident, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a limité à 7 750 euros les indemnités au versement desquelles a été condamné le département de l'Isère,
- à la condamnation solidaire du département de l'Isère et du syndicat intercommunal des eaux de la région d'Apprieu à lui verser les sommes, assorties des intérêts à compter de la date de la demande préalable avec capitalisation, de 63 euros au titre des dépenses de santé actuelles, de 7 590,31 euros au titre des frais divers, de 1 998 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, de 7 000 euros au titre des souffrances endurées, de 1 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, de 8 500 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, de 2 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent, de 5 000 euros au titre du préjudice d'agrément,
- à la réservation du poste de préjudice dépenses de santé futures,
- à la condamnation solidaire du département de l'Isère et du syndicat intercommunal des eaux de la région d'Apprieu à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à ce que les dépens soient mis à leur charge solidaire.
Il soutient que :
- la fissure créée dans la chaussée pour les travaux était d'une longueur d'environ sept mètres et sur trois centimètres de largueur avec une profondeur d'une dizaine de centimètres environ ; cette longue saignée n'était ni protégée ni signalée ni visible ;
- il circulait à une vitesse adaptée à la configuration de la route, avec prudence et utilisait des pneumatiques standards ; il lui était impossible d'éviter la saignée dans ce lieu dont il n'avait pas connaissance ;
- il justifie de frais de santé restés à sa charge, il a dû annuler un voyage en Tunisie programmé de longue date, son équipement a été détérioré, il conviendra de réserver le poste " frais de santé futurs " en raison d'une rhinoplastie à réaliser, il a subi des gênes quotidiennes considérables, des souffrances physiques et psychiques, un préjudice esthétique temporaire et permanent, un déficit fonctionnel et un préjudice d'agrément.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 février 2016, le syndicat intercommunal des eaux de la région d'Apprieu, représenté par Me Ramon, conclut au rejet de la requête et de l'appel incident de M.A... et à la condamnation du département de l'Isère à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que, s'il a entrepris des travaux d'alimentation collective en eau potable et transit des eaux usées à compter de 2007, le 15 mai 2010, aucun travail n'était en cours dans le secteur de l'accident ; que les travaux sur le secteur dit de Planche Cattin se sont achevés en octobre 2009 ; que ces canalisations n'ont pas été enfouies sous la route départementale mais dans les champs voisins ; que les travaux de remise en état de la chaussée ont été réalisés par la commune de Saint Blaise du Buis ;
Par ordonnance du 16 mai 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 16 juin 2017.
Par un mémoire récapitulatif, enregistré le 14 et 15 juin 2017, le département de l'Isère conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ; il soutient en outre que c'est le défaut de reprise de la tranchée pratiquée à l'occasion de la pose de la canalisation qui est à l'origine du défaut d'entretien mis en cause par le requérant ; que la demande d'autorisation de voirie du syndicat en date du 10 juin 2009 mentionne que la tranchée se fera sous chaussée ; que les travaux n'ont jamais fait l'objet d'une remise des plans de recollement ;
Par mémoire, enregistré le 16 juin 2017, et non communiqué, le syndicat intercommunal des eaux de la région d'Apprieu conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caraës,
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,
- et les observations de Me Ramon, avocat du syndicat intercommunal des eaux de la région d'Apprieu.
1. Considérant que M.A..., âgé de soixante dix ans, a été victime, le 15 mai 2010, d'une chute sur le territoire de la commune d'Apprieu (Isère) alors qu'il circulait en bicyclette avec un groupe d'amis sur la route départementale D 50 ; que, par jugement du 29 septembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a condamné le département de l'Isère à verser, d'une part, à M. A...la somme de 7 750 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 28 février 2013 et capitalisation, en réparation des préjudices personnels qu'a subis M. A...du fait de cette chute et, d'autre part, à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse la somme de 8 565, 82 euros en remboursement de ses débours ; que le département de l'Isère relève appel de ce jugement en tant qu'il a prononcé ces condamnations et qu'il a rejeté sa demande tendant à ce que le syndicat intercommunal des eaux de la région d'Apprieu le garantisse des condamnations prononcées à son encontre ; que, par voie d'appel incident, M. A... demande une revalorisation des indemnités qui lui ont été allouées et la condamnation solidaire du syndicat intercommunal des eaux de la région d'Apprieu ;
Sur la responsabilité :
2. Considérant qu'il appartient à l'usager d'un ouvrage public, victime d'un dommage, de rapporter la preuve du lien de cause à effet entre l'ouvrage et le dommage dont il se plaint ; que la collectivité en charge de l'ouvrage public doit alors, pour que sa responsabilité ne soit pas retenue, établir que l'ouvrage public faisait l'objet d'un entretien normal ou que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des photographies réalisées peu après l'accident, que la roue avant de la bicyclette de M. A...s'est coincée dans une saignée, dont les dimensions ne sont pas sérieusement contestées par le département, de sept mètres de long, d'environ trois centimètres de large et d'une dizaine de centimètres de profondeur ; que la présence de cette défectuosité non signalée, dangereuse pour les cyclistes utilisant des bicyclettes de route, constitue un défaut d'entretien normal de la route départementale de nature à engager la responsabilité du département de l'Isère, en sa qualité de maître d'ouvrage de ladite route ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que les travaux d'enfouissement de canalisations opérés par le syndicat intercommunal des eaux de la région d'Apprieu sur la commune d'Apprieu, dans des champs voisins, qui se sont achevés en octobre 2009, auraient été également réalisés sur la route départementale ni, par suite, que le saignée dans la chaussée à l'origine de la chute de M. A...trouverait son origine dans les travaux dudit syndicat dont la responsabilité n'est, par suite, pas susceptible d'être recherchée par M.A... ;
5. Considérant, en dernier lieu, qu'il n'est pas établi, d'une part, que la victime roulait à une vitesse excessive avec des pneumatiques particulièrement fins et, d'autre part, que cette rainure était visible de loin de sorte que l'intéressé, qui ne connaissait pas les lieux, aurait été en mesure de l'éviter en prenant toutes les précautions utiles ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, aucune imprudence fautive susceptible d'exonérer ne serait-ce que partiellement le département de sa responsabilité, ne peut être retenue à l'encontre de M.A... ; que, par suite, le département doit être regardé comme entièrement responsable de l'accident dont a été victime M.A... ;
Sur l'évaluation des préjudices :
S'agissant des préjudices patrimoniaux :
6. Considérant, en premier lieu, qu'il y a lieu, par adoption des motifs des premiers juges, de rejeter les conclusions de M. A...relatives aux frais de dépenses futures liés à la réalisation d'une rhinosplastie, aux frais liés à l'annulation de son voyage en Turquie et à l'endommagement de son vélo et de son équipement de cycliste ;
7. Considérant, en second lieu, que M. A...n'établit pas que des frais de santé seraient restés à sa charge pour un montant de 63 euros ;
S'agissant des préjudices personnels :
8. Considérant, en premier lieu, que M. A...a subi, avant la date de consolidation de son état de santé, un déficit fonctionnel temporaire de 100% le jour de l'hospitalisation, de 25 % du 11 mai au 30 juin 2010 et de 10% du 30 juin au 13 décembre 2011 ; que le tribunal administratif de Grenoble a fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 950 euros ;
9. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges aient, en fixant à 3 200 euros le montant de l'indemnité due par le département de l'Isère à M. A...au titre des souffrances physiques et psychiques endurées entre la date de l'accident et celle de la consolidation de l'état de santé, évaluées à 3 sur 7 par le rapport d'expertise médicale et en fixant à 200 euros le préjudice esthétique temporaire résultant des plaies couvrants une part importante de son visage, procédé à une évaluation insuffisante de ces chefs de préjudice ;
10. Considérant, en troisième lieu, que, compte tenu de l'âge de la victime à la date de l'accident et de ce qu'il ne souffre d'aucune limitation fonctionnelle importante, c'est à bon droit que les premiers juges lui ont accordé une indemnisation de 2 000 euros en réparation du déficit fonctionnel permanent, évalué à 2 % par l'expert et dont la victime n'établit pas, en produisant un certificat médical de son médecin traitant, le caractère erroné quant à l'appréciation portée par l'expert sur l'origine de ces pathologies ;
11. Considérant, en dernier lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges auraient mal évalué le préjudice d'agrément et le préjudice esthétique permanent de M. A... en lui accordant respectivement les sommes de 1 000 et 400 euros ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, le département de l'Isère n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamné à indemniser M.A.... et d'autre part, M. A... n'est pas fondé à demander le rehaussement de l'indemnité mise à la charge du département de l'Isère par le jugement attaqué ni la condamnation solidaire du syndicat intercommunal des eaux de la région d'Apprieu à l'indemniser des préjudices subis et au paiement des frais d'expertise ;
En ce qui concerne l'appel en garantie du département de l'Isère à l'encontre du syndicat intercommunal des eaux de la région d'Apprieu :
13. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, si le département de l'Isère soutient que le syndicat intercommunal des eaux de la région d'Apprieu a réalisé les travaux sur la commune d'Apprieu qui sont à l'origine de l'accident, il résulte de l'instruction que les travaux d'enfouissement de canalisations litigieux ont été réalisés, non sur la route départementale, mais sur les champs voisins et sont sans lien avec l'accident en cause ; que, par suite, les conclusions du département de l'Isère tendant à ce que le syndicat intercommunal des eaux de la région d'Apprieu le garantisse de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre doivent être rejetées ;
14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le département de l'Isère n'est pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à ce que le syndicat intercommunal des eaux de la région d'Apprieu le garantisse des condamnations prononcées à son encontre.
En ce qui concerne les frais non compris dans les dépens :
15. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions que le département de l'Isère, d'une part, et M.A..., d'autre part, présentent sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
16. Considérant que ces dispositions font également obstacle à ce que soit mis à la charge du syndicat intercommunal des eaux de la région d'Apprieu qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le département de l'Isère demande au titre des frais exposés en appel et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de l'Isère une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le syndicat intercommunal des eaux de la région d'Apprieu et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête du département de l'Isère et les conclusions de M. A...sont rejetées.
Article 2 : Le département de l'Isère versera une somme de 1 500 euros au syndicat intercommunal des eaux de la région d'Apprieu au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au département de l'Isère, à M. E... A..., au syndicat intercommunal des eaux de la région d'Apprieu et à la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 22 juin 2017, à laquelle siégeaient :
M. Seillet, président,
Mme D...et Mme Caraës, premiers conseillers,
Lu en audience publique le 13 juillet 2017.
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N° 15LY03762