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29/06/2017 | FRANCE | N°15LY03062

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 29 juin 2017, 15LY03062


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D...A...-F..., M. E...F...et la société Jeannie A...International ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'Agence française de lutte contre le dopage à verser une somme de 600 000 euros à Mme A...-F..., une somme de 200 000 euros à M. F...et une somme de 300 000 euros à la société Jeannie A...International, assorties des intérêts de droit à compter du 15 octobre 2012 et de leur capitalisation, afin de les indemniser des préjudices qu'ils estiment avoir subis à raison des fau

tes commises par l'Agence française de lutte contre le dopage.

Par un jugeme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D...A...-F..., M. E...F...et la société Jeannie A...International ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'Agence française de lutte contre le dopage à verser une somme de 600 000 euros à Mme A...-F..., une somme de 200 000 euros à M. F...et une somme de 300 000 euros à la société Jeannie A...International, assorties des intérêts de droit à compter du 15 octobre 2012 et de leur capitalisation, afin de les indemniser des préjudices qu'ils estiment avoir subis à raison des fautes commises par l'Agence française de lutte contre le dopage.

Par un jugement n° 1306839 du 9 juillet 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés le 9 septembre 2015, le 18 mars 2016 et le 16 novembre 2016, Mme A...-F..., M. F...et la société Jeannie A...International, représentés par MeB..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 juillet 2015 ;

2°) de condamner l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) à verser une somme de 600 000 euros à Mme A...-F..., une somme de 200 000 euros à M. F...et une somme de 300 000 euros à la société Jeannie A...International, assorties des intérêts de droit à compter du 15 octobre 2012 et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de l'Agence française de lutte contre le dopage une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent :

Sur la régularité du jugement :

- que le jugement est insuffisamment motivé ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- que l'AFLD a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en divulguant au journal l'Equipe des informations confidentielles les concernant, la relaxe prononcée par le tribunal correctionnel ne liant pas le juge administratif ;

- que l'AFLD a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne procédant pas à une enquête interne, en ne mettant en oeuvre aucune procédure disciplinaire et en refusant d'aviser le procureur de la République ;

- que l'AFLD a manqué à ses obligations de loyauté et de respect du contradictoire.

Par des mémoires enregistrés le 4 novembre 2015, le 1er juin 2016 et le 19 décembre 2016, l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), représentée par Me G..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge des requérants, dans le dernier état de ses écritures, une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir :

- que le jugement est suffisamment motivé et que les premiers juges n'avaient pas à répondre à l'ensemble des arguments développés en première instance ;

- que la violation du secret professionnel de son fait n'est pas établie avec certitude dès lors qu'elle n'était pas la seule à avoir connaissance des informations divulguées dans la presse et que d'ailleurs elle a été relaxée devant la juridiction judiciaire du chef de délit de violation du secret professionnel ;

- qu'il n'existe pas de lien de causalité direct et certain entre les prétendues carences qu'elle aurait commises en refusant de diligenter une enquête interne, d'engager des poursuites disciplinaires à l'encontre de certains de ses membres et de prévenir le procureur de la République et les préjudices liés à la publication des trois articles litigieux dans le journal l'Equipe les 9, 10 et 13 septembre 2011 ;

- que, de même, il n'existe pas de lien de causalité direct et certain entre la prétendue méconnaissance de son obligation de loyauté et du principe du contradictoire au cours des procédures disciplinaires engagées et les préjudices liés à la publication des trois articles litigieux dans le journal l'Equipe les 9, 10 et 13 septembre 2011.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du sport ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Beytout, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de Me Silvani, avocat de l'Agence française de lutte contre le dopage.

1. Considérant qu'à quelques jours des championnats du monde devant se tenir à Copenhague du 19 au 25 septembre 2011, Mme A...-F..., licenciée à la Fédération française de cyclisme (FFC), et M.F..., son époux et entraîneur, ont fait l'objet de trois articles publiés les 9, 10 et 13 septembre 2011 dans le quotidien sportif " l'Equipe " et rédigés par un journaliste d'investigation spécialisé dans les affaires de dopage ; que Mme A... -F..., M. F...et la société Jeannie A...International relèvent appel du jugement du 9 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) à verser une somme de 600 000 euros à Mme A...-F..., une somme de 200 000 euros à M. F...et une somme de 300 000 euros à la société Jeannie A...International en réparation des fautes commises en lien avec la publication de ces articles ;

Sur la responsabilité de l'AFLD :

En ce qui concerne la violation du secret professionnel :

2. Considérant que, si les faits constatés par le juge pénal et qui commandent nécessairement le dispositif d'un jugement ayant acquis force de chose jugée s'imposent à l'administration comme au juge administratif, la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité ; que, par suite, l'AFLD ne peut utilement invoquer l'autorité de chose jugée du jugement de la 17ème chambre du tribunal correctionnel de Paris relaxant trois de ses membres des délits de violation du secret professionnel ou de complicité de violation du secret professionnel faute d'éléments suffisants permettant au tribunal d'imputer la responsabilité des faits reprochés aux prévenus ;

3. Considérant que les membres et agents de l'AFLD, ainsi que les collaborateurs occasionnels, experts et personnalités qualifiées auxquelles elle fait appel, sont tenus au secret professionnel en application des articles L. 232-7, R. 232-24 et R. 232-25 du code du sport ;

4. Considérant que le premier article, publié dans " l'Equipe " le 9 septembre 2011, intitulé " A...bientôt suspendue ", faisait état de ce que l'AFLD avait relevé, de la part de Mme A...-F..., inscrite dans le groupe cible des sportifs de haut niveau, trois manquements aux règles de localisation au cours des dix-huit derniers mois, de ce qu'à trois reprises, le comité d'experts chargé d'examiner sa défense avait rejeté ses recours et de ce que l'AFLD avait, en conséquence, transmis à la FFC un constat d'infraction par lettre recommandée, de sorte que Mme A...-F... allait prochainement faire l'objet d'une procédure disciplinaire ; que le deuxième article, publié le 10 septembre 2011, intitulé " A...face à son ombre ", précisait notamment que " la décision finale " avait été validée la semaine précédente dans son principe par l'AFLD, qu'un courrier recommandé avait été adressé à la sportive, sous-entendait qu'elle l'avait retiré la veille, indiquait que plusieurs membres de la FFC avaient été mis au courant par l'AFLD depuis la fin du mois de juillet et que la procédure disciplinaire n'avait pas encore été ouverte par la FFC mais pourrait l'être " dans une grosse semaine, voire plus ", le courrier recommandé de l'AFLD à la FFC n'ayant pas encore été envoyé ; que cet article indiquait également que, d'après un site Internet américain, un ancien coureur cycliste américain reconverti dans le commerce de produits dopants, aurait publié sur son compte Twitter, plus d'un mois auparavant, " de vagues accusations à l'égard de JeannieA... " en évoquant un homme faisant partie de son entourage ; qu'enfin le troisième article, publié le 13 septembre 2011, intitulé " A...piégée par son mari ", illustré par des copies de courriels de l'ancien coureur cycliste américain susmentionné et une interview de celui-ci, relatait l'achat par M. F... en 2007 d'érythropoïétine (EPO) en provenance de Chine, par l'intermédiaire de cet ancien coureur ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la lecture des procès-verbaux des différents protagonistes auditionnés à la suite de la plainte déposée par Mme A...-F... pour violation du secret professionnel le 10 octobre 2011, que l'Agence américaine de lutte contre le dopage (USADA) a transmis des informations à l'AFLD dès novembre 2010 sur l'achat de produits dopants par M.F... et qu'elle a également transmis ces informations à l'Agence mondiale de lutte contre le dopage (AMA) ; que c'est également l'USADA, qui devait pratiquer un test pour le compte de l'AFLD le 20 juin 2011, qui a signalé à celle-ci l'absence de Mme A...à l'adresse indiquée sur le territoire américain, constitutive du troisième manquement à l'obligation de localisation ; que, pour sa part, la FFC avait également connaissance du troisième manquement à l'obligation de localisation, que Mme A...avait elle-même signalé à la directrice technique nationale dès juillet 2011, et que des échanges téléphoniques ont eu lieu entre l'AFLD et la FFC lors de la validation du principe du troisième avertissement après la réunion du comité des experts début septembre 2011 et avant la remise en mains propres du dossier par l'AFLD à la FFC le 14 septembre 2011 ; qu'ainsi, dès lors que plusieurs institutions autres que l'AFLD, et au sein de celles-ci plusieurs personnes, étaient susceptibles d'avoir connaissance des informations divulguées dans la presse les 9, 10 et 13 septembre 2011, il n'est pas établi que celles-ci émanaient de l'AFLD ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à mettre en cause la responsabilité de l'AFLD à raison de la violation du secret professionnel par ses membres et agents ;

En ce qui concerne le défaut d'organisation d'une enquête interne, l'absence de poursuites disciplinaires et le défaut de saisine du procureur de la République :

6. Considérant que les requérants soutiennent que l'AFLD a commis des fautes en n'effectuant pas d'enquête interne, en ne mettant pas en oeuvre une procédure disciplinaire sur le fondement de son règlement intérieur et en refusant d'aviser le procureur de la République du délit commis, en application du second alinéa de l'article 40 du code de procédure pénale ; que, toutefois, les fautes ainsi reprochées à l'AFLD sont sans lien de causalité direct avec les préjudices moraux et financiers invoqués par les requérants, résultant de l'atteinte portée à leur image du fait de la publication de ces articles ; qu'au demeurant, et compte tenu de ce qui a été dit précédemment, il ne résulte pas de l'instruction que l'organisation d'une enquête interne ou la saisine du procureur de la République auraient évité la publication des deux articles suivants ou auraient permis d'identifier, le cas échéant, les personnes responsables d'une fuite au sein de l'AFLD ;

En ce qui concerne la méconnaissance du principe de loyauté et du contradictoire :

7. Considérant que les requérants soutiennent enfin que l'AFLD a manqué à ses obligations de loyauté et de respect du contradictoire en n'informant pas Mme A...-F... et M. F...qu'elle détenait des documents et informations mettant celui-ci en cause, alors que ces éléments avaient motivé en fait le maintien abusif de Mme A...-F... dans le groupe cible des sportifs de haut niveau soumis à l'obligation de localisation ; que, toutefois, les préjudices matériels et moraux dont les requérants demandent réparation trouvent leur origine dans la publication d'articles dans le journal " l'Équipe " les 9, 10 et 13 septembre 2011 et non dans l'engagement des procédures disciplinaires et les modalités de leur déroulement ; que les fautes reprochées à l'AFLD sont ainsi sans lien de causalité direct avec les préjudices moraux et financiers invoqués par les requérants, résultant de l'atteinte porté à leur image du fait de la publication de ces articles ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...-F..., M. F...et la société Jeannie A...International ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'AFLD, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent les requérants au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

10. Considérant en revanche qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire des requérants une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'AFLD et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...-F..., de M. F...et de la société Jeannie A...International est rejetée.

Article 2 : Mme A...-F..., M. F...et la société Jeannie A...International verseront solidairement à l'Agence française de lutte contre le dopage une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A...-F..., à M. E... F..., à la société Jeannie A...International et à l'Agence française de lutte contre le dopage.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2017 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

Mme C...et Mme Beytout, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 29 juin 2017.

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N° 15LY03062


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY03062
Date de la décision : 29/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité pour faute.

Sports et jeux - Sports.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: Mme Emilie BEYTOUT
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : BARTHELEMY et MATUCHANSKY et VEXLIARD et POUPOT

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-06-29;15ly03062 ?
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