Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler, d'une part, la décision du 13 décembre 2011 par laquelle l'inspecteur du travail de la 4ème section de l'unité territoriale de la Loire de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, du travail et de l'emploi de Rhône-Alpes a autorisé son licenciement pour inaptitude physique et, d'autre part, la décision du 25 juin 2012 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a annulé la décision de l'inspecteur du travail et a autorisé son licenciement.
Par un jugement n° 1205403 du 31 mars 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 25 juin 2015, M.A..., représenté par Me Ritouet, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 31 mars 2015 ;
2°) d'annuler la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 25 juin 2012 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient :
- que la décision est entachée d'une erreur de droit dès lors que, quand l'autorisation de licenciement est fondée sur une impossibilité de reclassement suite à une inaptitude, l'exigence d'absence de lien avec le ou les mandats exercés doit s'appliquer sur l'ensemble des faits conduisant à la rupture du contrat ;
- que la décision est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que, dans son cas, son inaptitude est uniquement la conséquence des pressions exercées par l'entreprise à son égard ;
- que son entreprise n'a pas respecté son obligation en matière de reclassement dès lors qu'il n'a pas été tenu compte du dernier avis d'inaptitude émis le 29 août 2011 dans ses recherches de reclassement, que les recherches de reclassement n'ont pas porté sur l'ensemble du groupe auquel elle appartient, et notamment dans ses filiales à l'étranger, et qu'enfin il existait un poste de manutentionnaire vacant au sein de la société HTS Bio.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2016, la société SNF, représentée par Me Chautard, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir :
Sur le lien avec le mandat :
- qu'il n'appartient pas à la cour de se prononcer sur la cause de l'inaptitude du salarié ;
- qu'en tout état de cause, l'inaptitude de M. A...ne résulte pas d'une attitude malveillante de sa part à raison des mandats exercés par celui-ci ;
Sur l'obligation de reclassement :
- qu'après la décision de l'inspecteur du travail du 29 août 2011 relative à l'inaptitude du salarié, elle a effectué une nouvelle recherche de reclassement dans les entreprises du groupe en France, M. A...ayant indiqué qu'il ne souhaitait pas que la recherche de reclassement porte sur les filiales étrangères du groupe, et a ainsi satisfait à ses obligations en la matière.
Un mémoire, présenté par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, a été enregistré le 19 mai 2017 mais non communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Beytout, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,
- et les observations de Me Ritouet, avocat de M.A..., et de Me Chautard, avocat de la société SNF.
1. Considérant que M. A...a été embauché par la société SNF le 13 janvier 1997 en qualité d'agent de fabrication " polymériseur " au sein de l'établissement situé à Andrézieux-Bouthéon ; qu'il était délégué du personnel suppléant et membre titulaire du comité d'entreprise ; que M. A...a été placé en congé maladie à compter du 29 décembre 2009 ; qu'une visite de reprise a eu lieu le 30 juin 2011, à l'issue de laquelle M. A...a été déclaré temporairement inapte par le médecin du travail ; que, dans le cadre d'une seconde visite médicale qui a eu lieu le 19 juillet 2011, le médecin du travail a conclu à l'inaptitude de M. A..., avec possibilité de reclassement hors secteur poudres et sans travail de nuit possible ; que la société SNF a contesté l'avis médical du 19 juillet 2011 ; qu'après avis du médecin de l'inspection régionale du travail du 25 août 2011, l'inspecteur du travail de la 4ème section de l'unité territoriale de la Loire a annulé le précédent avis et constaté l'inaptitude de M. A...à tout poste dans l'entreprise par une décision du 29 août 2011 ; que, le 18 novembre 2011, la société SNF a sollicité l'autorisation de le licencier pour inaptitude ; que, par une décision du 13 décembre 2011, l'inspecteur du travail de la 4ème section de l'unité territoriale de la Loire a accordé l'autorisation de licenciement sollicitée ; que M. A...a formé un recours hiérarchique auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social le 15 février 2012 ; que celui-ci, par une décision du 25 juin 2012, a annulé la décision de l'inspecteur du travail et a lui-même accordé l'autorisation de licenciement sollicitée ; que M. A... relève appel du jugement du 31 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;
Sur la légalité de la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 25 juin 2012 :
2. Considérant qu'en vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude du salarié, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement envisagé, compte tenu des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise ; qu'en revanche, dans l'exercice de ce contrôle, il n'appartient pas à l'administration de rechercher la cause de cette inaptitude ; qu'enfin, même lorsque le salarié est atteint d'une inaptitude susceptible de justifier son licenciement, la circonstance que le licenciement envisagé est également en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale fait obstacle à ce que l'administration accorde l'autorisation sollicitée ; que le fait que l'inaptitude du salarié résulte d'une dégradation de son état de santé, elle-même en lien direct avec des obstacles mis par l'employeur à l'exercice de ses fonctions représentatives est à cet égard de nature à révéler l'existence d'un tel rapport ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier du recours hiérarchique formé par M. A...auprès du ministre du travail, que l'intéressé se prévalait, au soutien de ce recours, d'un lien direct entre son inaptitude et les obstacles mis par son employeur à l'exercice de ses fonctions représentatives ; que, toutefois,, dans la décision en litige du 15 juin 2012, le ministre du travail, s'est borné à constater, d'une part, l'inaptitude de M. A...et, d'autre part, l'absence de lien entre la procédure de licenciement engagée et les mandats exercés, sans examiner si la dégradation de l'état de santé de M. A...était en lien direct avec les obstacles mis par l'employeur à l'exercice de ses fonctions représentatives ; que, dans ces conditions, en s'abstenant de procéder à un contrôle effectif de la réalité des pressions exercées, le ministre du travail a méconnu l'étendue de sa compétence ; qu'ainsi, la décision du 25juin 2012 est entachée d'erreur de droit ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens ;
6. Considérant, en revanche, que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société SNF au même titre ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 31 mars 2015 est annulé.
Article 2 : La décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 25 juin 2012 est annulée.
Article 3 : L'Etat versera à M. A...une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la société SNF tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre du travail et à la société SNF.
Délibéré après l'audience du 24 mai 2017 à laquelle siégeaient :
M. Seillet, président,
Mme B...et Mme Beytout, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 14 juin 2017.
1
4
N° 15LY02212