Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme D...A...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, à titre principal :
1°) d'ordonner une contre-expertise ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Vichy à lui verser la somme de 8 000 euros à titre de provision sur l'indemnisation de son préjudice corporel subi à raison des fautes commises par cet établissement lors de sa prise en charge;
A titre subsidiaire :
1°) de condamner le centre hospitalier de Vichy à lui verser la somme totale de 19 121,74 euros en réparation de ces mêmes préjudices ;
2°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Vichy la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
3°) de condamner le centre hospitalier de Vichy au paiement des entiers dépens ;
Par un jugement n° 1300986 du 9 avril 2015, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a partiellement fait droit à la demande de Mme A...et a condamné le centre hospitalier de Vichy à lui verser la somme de 5 247, 83 euros. Le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a mis les frais d'expertise à la charge définitive du centre hospitalier de Vichy et l'a condamné à verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 10 juin 2015, et par un mémoire ampliatif enregistré le 21 juillet 2015, le centre hospitalier de Vichy, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 9 avril 2015 ;
2°) de rejeter la demande de MmeA... ;
Le centre hospitalier de Vichy soutient que :
- le jugement critiqué est insuffisamment motivé au regard des conclusions dont le tribunal a été saisi ;
- la requête présentée devant le tribunal était tardive dès lors qu'à la date du 28 juillet 2011, date d'enregistrement du recours tendant à contester l'ordonnance du 9 juin 2011 par laquelle le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a liquidé et taxé les frais d'expertise, Mme A...avait connaissance du rapport d'expertise ;
- c'est à tort que le tribunal a jugé qu'il avait commis une faute dans la prise en charge de Mme A...lors de son hospitalisation le 28 février 2009 et a retenu l'existence d'un défaut fautif de surveillance entre le 28 février à 23 heures 30 et le 1er mars ;
- ce prétendu défaut de surveillance ne présentait pas de lien de causalité avec les préjudices subis par MmeA... ;
- à titre très subsidiaire, l'évaluation des préjudices subis est excessive ;
Par un mémoire en défense enregistré le 30 octobre 2015, MmeA..., représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à ce que le centre hospitalier de Vichy soit condamné à lui verser une somme de 19 121, 74 euros, à ce que les entiers dépens soient mis à la charge du centre hospitalier et à la condamnation du centre hospitalier de Vichy au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa demande d'indemnisation consécutivement au dépôt du rapport d'expertise est recevable dès lors qu'il n'est pas rapporté la preuve de la date de notification du rapport d'expertise ;
- l'erreur de diagnostic est constitutive d'une faute médicale compte tenu de ce qu'elle présentait les principaux signes fonctionnels d'une grossesse extra-utérine confirmés par les données échographiques et biologiques ;
- le défaut de soins dans la nuit du 28 février au 1er mars 2009 a été la cause d'un retard de prise en charge ;
- il n'y a aucune certitude sur le traitement qui aurait été choisi si l'intervention médicale avait été plus rapide ;
- elle a été traumatisée par les conditions de sa prise en charge et par l'opération pratiquée qui ont eu de graves conséquences psychologiques ;
Par un mémoire, enregistré le 2 août 2016, le centre hospitalier de Vichy conclut aux mêmes fins que précédemment et au rejet de l'appel incident et soutient en outre que la requête devant le tribunal administratif est irrecevable dès lors Mme A...reconnaît avoir communiqué le rapport d'expertise au tribunal administratif de Limoges le 18 janvier 2013 dans le cadre de la procédure engagée à l'encontre de l'ordonnance de taxation ; qu'à titre subsidiaire, seules les pertes de salaires durant deux mois pourront être indemnisées et le montant des sommes allouées en première instance est conforme à la jurisprudence ;
Par un mémoire, enregistré le 13 décembre 2016, Mme A...conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ; elle soutient en outre que la seule référence à la requête déposée devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand à la suite de l'ordonnance de taxe du 10 juin 2011 ne saurait suffire à rapporter la preuve de la notification du rapport d'expertise ;
Par courrier du 5 mai 2017, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de la tardiveté de la requête présentée en première instance dans un délai non raisonnable à la suite de la connaissance acquise de la décision de rejet de la réclamation préalable nonobstant la circonstance de l'absence de mention de ce que le délai de recours contentieux est suspendu en cas de saisine de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI).
En réponse à la communication de ce moyen d'ordre public, le centre hospitalier de Vichy a présenté des observations par mémoire, enregistré le 12 mai 2017, par lequel il soutient qu'il appartient à tout requérant de saisir le juge administratif dans un délai d'un an à compter de la décision expresse de rejet de sa demande indemnitaire préalable en l'absence de toute mention des voies et délais de recours ; qu'il appartenait à Mme A...de saisir le tribunal administratif d'un recours tendant à sa condamnation au plus tard le 7 mai 2011 ; que le recours de Mme A...est tardif.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caraës, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,
Une note en délibéré présentée pour Mme A...a été enregistrée le 9 juin 2017.
1. Considérant que, le 27 février 2009, MmeA..., enceinte depuis le 31 janvier 2009, s'est présentée aux urgences gynécologiques du centre hospitalier de Vichy en raison de douleurs abdominales et de saignements ; que l'interne de garde, après avoir fait réalisé des examens échographiques et biologiques, a évoqué la menace d'une fausse couche et conseillé à la patiente de se rapprocher de son gynécologue ; que, le 28 février, devant la persistance de ses douleurs, Mme A...s'est présentée à nouveau, à 20h30, au service des urgences qui a décidé d'une hospitalisation dans le service de gynécologie-obstétrique à 23h30 ; qu'au matin du 1er mars, elle a été opérée en raison d'un diagnostic d'hémopéritoine ; qu'au cours de l'intervention chirurgicale, une grossesse extra-utérine a été décelée et a nécessité l'ablation chirurgicale de la trompe droite de la patiente ; que Mme A...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand la condamnation du centre hospitalier de Vichy à l'indemniser des préjudices subis à la suite de son hospitalisation ; que, par jugement du 9 avril 2015, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a partiellement fait droit aux demandes de MmeA... ; que le centre hospitalier de Vichy relève appel de ce jugement et Mme A...demande, à titre incident, la réformation du jugement en tant qu'il ne lui a pas donné entièrement satisfaction ;
Sur la régularité du jugement du 9 avril 2015 :
2. Considérant qu'en se bornant à soutenir dans sa requête que le jugement attaqué est insuffisamment motivé au regard des conclusions dont les premiers juges étaient saisis, le centre hospitalier de Vichy ne permet pas à la cour d'apprécier la pertinence de ce moyen qui ne peut dès lors qu'être écarté ;
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :
3. Considérant que si la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) est saisie, avant l'expiration du délai de deux mois à compter de la notification, par un établissement public de santé, d'une décision rejetant une demande d'indemnisation, ce délai se trouve suspendu conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article L. 1142-7 du code de la santé publique ; qu'eu égard à l'objectif poursuivi par le législateur en instituant une procédure de règlement amiable des litiges, la notification de la décision rejetant la demande d'indemnité doit indiquer non seulement que le tribunal administratif peut être saisi dans le délai de deux mois mais aussi que ce délai est suspendu en cas de saisine de la CRCI ; que la notification ne fait pas courir le délai si elle ne comporte pas cette double indication ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la décision expresse de rejet du 5 mai 2010, notifiée le 7 mai, par laquelle le centre hospitalier de Vichy a rejeté la réclamation indemnitaire de MmeA..., ne comportait pas l'indication de ce que le délai de deux mois pour saisir le tribunal administratif était suspendu en cas de saisine, dans ce délai, de la CRCI ; que, par suite, une telle notification n'a pu faire courir les délais de recours contentieux et ce alors que, dès le 7 mai 2010, Mme A...a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'une demande tendant à ce que soit ordonnée une expertise médicale aux fins de rechercher les causes des dommages imputés au service public hospitalier ; qu'il suit de là que, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier de Vichy, la demande présentée par Mme A...et enregistrée le 22 juin 2013 devant le tribunal n'était pas tardive, sans que puisse être opposé à l'intéressée le non-respect d'un délai raisonnable pour exercer son recours juridictionnel qui ne tendait pas à la contestation d'une décision administrative individuelle mais à l'indemnisation de ses préjudices ;
En ce qui concerne la responsabilité :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut de produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ( ...) ".
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise médicale, que, lorsque Mme A...s'est présentée à deux reprises au service des urgences du centre hospitalier de Vichy, le 27 et 28 février 2009, les médecins de garde ont commis une erreur de diagnostic en ne détectant pas une grossesse extra-utérine ; que cette erreur n'est cependant pas constitutive d'une faute médicale eu égard à la difficulté d'établir le diagnostic de cette pathologie, en raison de symptomatologies souvent trompeuses, et dès lors que les clichés de l'échographie réalisée le 27 février pouvaient laisser penser à une grossesse non évolutive ; que, dans tous les cas, l'intervention chirurgicale pratiquée consistant en une salpingectomie apparaissait comme la solution la plus adaptée et a été réalisée conformément aux règles de l'art ;
7. Considérant, toutefois, que, lors de son hospitalisation dans la nuit du 28 février au 1er mars 2009, Mme A...n'a pas bénéficié, malgré ses nombreux appels, d'un examen qualifié pratiqué par une sage-femme ou le gynécologue d'astreinte ; que ce retard dans la prise en charge de la patiente a constitué une faute, à l'origine des souffrances endurées et du préjudice d'ordre psychologique qu'elle a présenté ultérieurement, de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Vichy et ce alors même que ledit retard n'a pas eu de conséquence sur le choix de la technique chirurgicale ni sur la fertilité de Mme A...;
Sur l'évaluation des préjudices
8. Considérant que Mme A...demande que les indemnités qu'a fixées le tribunal administratif soient portées de 747,83 euros à 1 121,74 euros au titre de la perte de salaire, de 1 000 euros à 4 500 euros au titre de l'incapacité temporaire partielle, et de 3 000 euros à 13 000 euros au titre des souffrances endurées ;
En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :
9. Considérant que c'est par une juste appréciation des préjudices ayant résulté pour Mme A...de la perte de salaire liée à l'unique prolongement de l'arrêt maladie consécutif à la dépression post-traumatique subie du fait du retard dans sa prise en charge que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a alloué à l'intéressée la somme de 743, 83 euros ;
En ce qui concerne les préjudices personnels :
10. Considérant qu'en se bornant à reproduire en appel ses écritures de première instance Mme A...ne conteste pas sérieusement l'évaluation de ces différents chefs de préjudices faite par le tribunal administratif ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, d'une part, le centre hospitalier de Vichy n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamné à indemniser Mme A...des préjudices subis du fait du retard dans la prise en charge dans la nuit du 28 février 2009 et, d'autre part, que Mme A...n'est pas fondée à demander la réformation du jugement en tant qu'il a limité la condamnation du centre hospitalier de Vichy à lui verser la somme de 5 247, 83 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Vichy la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête du centre hospitalier de Vichy et les conclusions incidentes de Mme A... sont rejetées.
Article 2 : Le centre hospitalier de Vichy versera à Mme A...la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Vichy, à Mme D...A...et à la mutuelle Intériale.
Délibéré après l'audience du 24 mai 2017 à laquelle siégeaient :
M. Seillet, président,
Mme B...et Mme Caraës, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 14 juin 2017.
1
6
N° 15LY01932