Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...C...a demandé, le 20 juillet 2011, au tribunal administratif de Grenoble :
1°) de condamner la société des autoroutes Rhône-Alpes (AREA) à lui verser une indemnité de 616 988 euros, outre intérêts, en réparation des préjudices subis liés à la présence de l'autoroute A43 ;
2°) de condamner la société AREA au versement d'une somme de 4 315 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Par un jugement n° 1103845 du 18 décembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a partiellement fait droit aux conclusions de Mme C...en condamnant la société AREA à lui verser une indemnité de 54 715 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2011. Il a également condamné la société AREA à verser 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 février 2015, présentée pour MmeC..., il est demandé à la cour :
1°) de réformer ce jugement n° 1103845 du tribunal administratif de Grenoble du 18 décembre 2014 en tant qu'il ne lui a été alloué que 54 715 euros et de porter à 657 103 euros l'indemnité à lui accorder, outre intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 2011 ;
2°) à titre subsidiaire, si le trouble de jouissance ne devait être indemnisé qu'à compter du 15 juillet 2001, de porter à 513 103 euros, l'indemnité à lui accorder, outre intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 2011 ;
3°) de condamner la société AREA à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que le sens des conclusions du rapporteur public sur Sagace était insuffisamment précis, le montant des sommes à allouer n'étant pas précisé et le rejet des conclusions sur la perte de la valeur vénale de la maison et des deux terrains non bâtis pour cause de prescription n'étant pas mentionnés ;
- elle doit être indemnisée sur le fondement des dommages causés à un tiers par un ouvrage public, l'autoroute A4, dès lors qu'elle subit un dommage anormal et spécial ; la circonstance qu'elle n'ait pas demandé réparation de son préjudice pendant une longue période ne la prive pas de son droit à réparation ;
- son préjudice est anormal car sa maison d'habitation est située à moins de 20 mètres de l'autoroute ; la circulation est visible depuis son domicile ; si les mesures acoustiques sont légèrement inférieures aux normes de référence, les niveaux de pression acoustiques sont soutenus et continus, la cartographie d'exposition sonore dans le projet de plan de prévention du bruit mentionne que sa maison est située dans la zone où le Laeq est à 70dB(A) et devrait être identifié comme point noir bruit ; elle subit un trouble de jouissance excédant de par son importance celui subi par tout riverain d'une autoroute ;
- son préjudice est spécial car elle subit des nuisances sonores, visuelles et différentes pollutions causés par la circulation importante sur cette autoroute et car le classement en 2005 de deux terrains, dont elle est propriétaire et jouxtant sa maison, en zone non constructible rendent ces 2 terrains incessibles ;
- elle demande à être indemnisée de 4 chefs de préjudice : perte de la valeur vénale de sa maison d'habitation et des 2 terrains non bâtis la jouxtant, trouble de jouissance, coût des travaux réalisés pour atténuer le trouble de jouissance et enfin préjudice moral ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il y a prescription le 31 décembre 1995 pour la perte de la valeur vénale de sa maison et des terrains non bâtis ; la prescription a été interrompu par le courrier du 21 septembre 2001 de la société AREA ; le point de départ de l'action en responsabilité extra-contractuelle est la manifestation du dommage ou son aggravation ; le Conseil d'Etat estime qu'il faut regarder les droits de créances à la date à laquelle la réalité et l'étendue de ces préjudices ont été entièrement révélés ; le plan d'occupation des sols de la commune de Verel de Montbel a été révisé en vue de sa transformation en PLU au cours de l'année 2005 et le nouveau document de planification est devenu exécutoire le 5 septembre 2005 après délibération du 28 juillet 2005 ; ce n'est qu'au 5 septembre 2005 que les parcelles n° 995 et 1515 attenantes à la maison ont été classées en zone inconstructible, ce chef de préjudice de perte de valeur vénale n'a ainsi été entièrement révélé ; ces 2 parcelles restaient avant cette date cessibles car constructibles et ce malgré la mise en service de l'autoroute en 1974 ; la dépréciation de ces parcelles peut être évaluée à 27 000 euros pour la parcelle 995 et à 250 000 euros pour la parcelle n°1515 ; sa créance, débutant le 5 septembre 2005, n'était pas prescrite au 17 juin 2008, date de la loi n°2008-561 instituant une prescription de 5 ans et de plus un nouveau délai de 5 ans existait à compter du 19 juin 2008 car la prescription avait été interrompue avec l'introduction de sa demande devant le tribunal administratif le 20 juillet 2011 ;
- la perte de la valeur vénale de sa maison peut être estimée à 93 800 euros et celle des 2 terrains non bâtis à 277 000 euros ;
- le trouble de jouissance subi se décompose en nuisances sonores qui ont affecté sa santé dont une nervosité accrue, de nuisances olfactives liée à la pollution de 37 000 véhicules par jour passant devant sa maison située à moins de 20 mètres de l'autoroute, de nuisances visuelles et d'ordre esthétique : défilement de 37 000 véhicules, objets divers provenant de ses véhicules retrouvés sur sa propriété, perte d'intimité, sa maison d'habitation et son potager de trouvant en contrebas de l'autoroute, de pollutions diverses qui ont conduit à ce qu'elle développe des rhinites à répétition ; ce chef de préjudice peut être estimé à 244 800 euros soit 216 000 euros augmentée de la somme de 28 000 euros à compter de la demande devant le tribunal administratif en juillet 2011 ; qu'au minimum, une somme de 100 800 euros sur la base de 600 euros par mois devra lui être allouée depuis le 15 juillet 2011 ;
- il y a lieu de confirmer la somme de 28 400 euros allouée en première instance pour les travaux d'isolation phonique réalisés et la mesure acoustique Socotec ;
- elle subit un préjudice moral lié notamment à l'absence d'utilisation normale de sa maison et de son jardin, elle ne peut pas déménager car elle ne peut pas céder son bien, elle est âgée et doit rester dans sa maison, elle ne peut pas réaliser de nouveaux travaux d'amélioration car ils ne pourront pas être valorisés ; ce chef de préjudice doit être estimé à 10 000 euros ;
Par un mémoire, enregistré le 25 mars 2015, présenté pour la société mixte des autoroutes Rhône-Alpes - AREA, elle conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Mme C...à lui verser une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- Mme C...a pris connaissance du sens des conclusions du rapporteur public avant l'audience ;
- il y a lieu de confirmer la prescription concernant la valeur vénale de la maison et des terrains non bâtis dès lors qu'il ne s'agit pas d'un préjudice continu et que l'existence et l'étendue du préjudice étaient connues depuis la mise en service de l'autoroute soit au plus tard le 31 décembre 1974 ; en appliquant les délais de prescription trentenaires puis décennaux, ils avaient expiré au plus tard le 31 décembre 1995 soit avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 ; la lettre du 21 septembre 2001 ne formule aucune reconnaissance des droits de Mme C...quant à une indemnité pour dépréciation immobilière ou perte de valeur vénale ; en appel, Mme C...mentionne que l'étendue réelle de son préjudice n'aurait été connue qu'à l'occasion de la déclaration de non-constructibilité de ces 2 parcelles le 5 septembre 2005, or c'est la mise en service de l'autoroute en 1974 qui est à l'origine de la perte de la valeur vénale de ces parcelles et non pas le classement ; dans sa lettre du 21 juin 2005, Mme C...évoquait la perte de valeur vénale de la maison familiale ;
- les premiers juges ont retenu à bon droit que seules étaient recevables les demandes d'indemnisation pour troubles de jouissance à compter du 15 juillet 2011 ;
- il n' y a pas de dommage anormal car les niveaux constatés de pression acoustique Laeq jour et nuit et les Lden jour et nuit sont légèrement inférieurs aux valeurs de référence du plan de prévention du bruit pour le département de la Savoie et ceux même s'ils sont soutenus et continus ; les seuils de 60 à 65 dB(A) du décret du 9 janvier 1995 ne sont pas applicables à Mme C... ; les décrets du 9 janvier 1995 et du 3 mai 2002 ont été abrogés en octobre 2007 même s'ils sont mentionnés dans la circulaire du 25 mai 2004 ; il n'y a pas de caractère spécial du dommage, Mme C...n'ayant réagi qu'en 2001 ; la société AREA a installé un dispositif en béton armé en 2001 afin d'atténuer le niveau sonore du logement de Mme C...et éviter aux véhicules d'entrer accidentellement dans sa propriété située en contrebas ; Mme C...a refusé tous les travaux d'aménagement proposés ; il y aurait lieu d'organiser une mesure d'expertise permettant de déterminer une fois posée la règlementation applicable, l'exposition au bruit de la propriété de MmeC... ;
- Mme C...n'établit pas la réalité de son préjudice de jouissance ; elle ne produit pas de lettres recommandées ou de réclamations depuis plus de 30 ans ; elle n'explique pas les sommes de 216 000 ou 100 800 euros demandées ; la dépréciation de la propriété immobilière et des terrains n'est pas établie ; à titre infiniment subsidiaire, la cour devra ordonner une mesure d'expertise aux fins de chiffrer l'éventuelle perte de valeur vénale ;
Par ordonnance des 11 mai 2015 et 18 juin 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 août 2015.
Par un mémoire, enregistré le 13 août 2015, présenté pour MmeC..., elle modifie ses conclusions subsidiaires en indiquant que la somme pour son préjudice de jouissance devra être fixée à 100 800 euros en cas d'indemnisation à compter du 15 juillet 2001 et demande que soit ordonnée une expertise avant-dire droit pour évaluer les préjudices liés à la perte de valeur vénale de sa maison d'habitation et des deux terrains non bâtis la jouxtant.
Elle soutient que :
- elle ne conteste pas la mise en ligne du sens des conclusions du rapporteur public mais le contenu de celles-ci ;
- en ce qui concerne les nuisances sonores subies, les mesures relevées sur sa maison s'élèvent à 68 dB et 62 dB et sont extrêmement proches des valeurs maximales et excèdent largement les inconvénients devant être supportés par les propriétaires des fonds voisins des voies publiques ; les juges de première instance ont validé cette analyse ; les nuisances sonores, l'intensité des gênes d'autre nature olfactives, visuelles et liées à la pollution ainsi que la grande dépréciation des biens immobiliers fondent le caractère anormal du préjudice subi ;
- elle a dû agir en 2001 car le trafic a sensiblement augmenté à partir de 1999 ; le dispositif en béton armé installé par AREA n'a pas pour vocation de réduire les nuisances sonores mais a seulement pour vocation d'éviter que les véhicules poids lourds ne pénètrent sur son terrain en cas d'accident de la circulation comme le démontre les photographies produites ;
- l'existence d'un lien de causalité entre les préjudices subis et la présence de l'autoroute A43 n'est pas contestée par la société AREA ;
- l'article 2270-1 ancien du code civil fixait le point de départ du délai à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation ; le délai de prescription de droit commun n'a commencé à courir qu'à compter du 5 septembre 2005 pour les parcelles non bâties ; le courrier du 21 juin 2005 mentionné par AREA se borne à évoquer la valeur vénale de la " maison familiale " et non les deux terrains nus situés à proximité ;
- en admettant qu'elle ait eu connaissance de la perte de valeur vénale de ces parcelles antérieurement, elle n'a eu connaissance de l'étendue de ce chef de préjudice que lors de leur classement en zone inconstructible en 2005 ; en 2008, la créance n'était pas prescrite aussi bien pour la maison d'habitation que pour les 2 parcelles dès lors que la demande devant le tribunal administratif a été introduite le 20 juillet 2011 ;
- elle sollicite une expertise avant dire droit pour chiffrer le préjudice résultant de la perte de valeur vénale des 2 terrains nus ; depuis 1995, 31 constructions neuves ont fait l'objet de délivrance de permis de construire, ce qui démontre que le marché de l'immobilier reste actif ; elle aurait ainsi pu céder ces parcelles si elles n'étaient pas situées à moins de vingt mètres de l'autoroute au prix du terrain constructible ;
- les nuisances sonores perturbent le sommeil, la compréhension de la parole et les fonctions physiologiques dès 65-70 dB soit le niveau d'exposition au bruit de sa propriété ; ce trouble de jouissance est particulièrement lourd au quotidien pour une personne âgée ; ces bruits ont atteint son état de santé comme l'atteste son médecin traitant ;
- sur les pollutions, elle verse un certificat médical mentionnant des traitements fréquents pour des " rhino, maux de gorge ou irritation oculaire sans cause infection évidente " ;
Par ordonnance du 19 août 2015, la clôture de l'instruction a été reportée au 22 septembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Cottier, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;
- et les observations de Me Combes, avocat de Mme C...et de Me Mondan, avocat de la société des autoroutes Rhône-Alpes.
Une note en délibéré, enregistrée le 24 mai 2017, a été présentée pour MmeC....
Une note en délibéré, enregistrée le 8 juin 2017, a été présentée pour la société AREA.
1. Considérant que Mme C...est propriétaire d'une maison d'habitation édifiée avant la mise en service en 1974 de l'autoroute A 43 ainsi que de terrains non bâtis jouxtant cette maison à Verel-de-Montbel (Savoie) ; qu'en 2001 puis en 2003 et en 2008, suite à des échanges entre Mme C...et la société anonyme des autoroutes Rhône-Alpes (AREA), concessionnaire de cette autoroute, sur les nuisances sonores affectant sa maison, AREA a proposé d'isoler certaines parties de sa maison à la condition que Mme C...renonce à toute réclamation ultérieure sur des nuisances sonores ; que Mme C...n'a pas répondu favorablement à de telles propositions ; que, par courrier du 11 juillet 2011, l'avocat de Mme C...a transmis une demande indemnitaire préalable à la société AREA tendant à ce qu'elle soit indemnisée des troubles de jouissance causés par le fonctionnement de l'autoroute et de la perte de la valeur vénale de sa maison d'habitation où elle réside en permanence et des 2 terrains non bâtis jouxtant sa maison ; que le tribunal administratif de Grenoble, par jugement du 18 décembre 2014, a partiellement fait droit à la demande indemnitaire de Mme C...à raison des troubles de jouissance subis à compter du 15 juillet 2001 en condamnant la société AREA à lui verser la somme de 25 000 euros ; que le tribunal administratif a également condamné la société AREA à rembourser à Mme C...des travaux d'isolation acoustique pour une valeur de 28 400 euros et le coût de réalisation de mesures acoustiques ; que le tribunal administratif a estimé qu'étaient atteintes de prescription ses demandes concernant la perte de valeur vénale de sa maison et de ses deux terrains non bâtis et le remboursement de certains travaux d'isolation et les a rejetées ; que Mme C...interjette appel de ce jugement en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à ses demandes indemnitaires et demande en appel à être indemnisée à hauteur de 657 103 euros, outre intérêts ; que, dans le dernier état de ses écritures, elle présente des conclusions subsidiaires tendant à ce que l'indemnité pour son préjudice de jouissance soit fixée à 100 800 euros en cas d'indemnisation à compter du 15 juillet 2001 et à ce que soit ordonnée avant-dire droit une expertise pour évaluer les préjudices liés à la perte de valeur vénale de sa maison d'habitation et des deux terrains non bâtis la jouxtant ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que la communication aux parties du sens des conclusions, prévue par les dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative, a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré ; qu'en conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire ; que cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public ; qu'en revanche, s'il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l'appréciation qu'il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu'appelle, selon lui, le litige, la communication de ces informations n'est toutefois pas prescrite à peine d'irrégularité de la décision ;
3. Considérant que, préalablement à l'audience qui s'est tenue devant le tribunal administratif de Grenoble le 4 décembre 2014 à 9h00, le rapporteur public a, le 1er décembre 2014 à 19h07, soit dans un délai raisonnable avant cette audience, renseigné dans l'application " Sagace " la rubrique " sens synthétique des conclusions " en indiquant "satisfaction totale ou partielle " et a précisé que le dommage causé par la proximité de l'autoroute A43 était anormal et spécial et que le lien de causalité avec l'ouvrage public était établi ; qu'il a ainsi mis les parties ou leurs mandataires en mesure de connaître le sens de ses conclusions et d'apprécier, par suite, l'opportunité d'assister à l'audience publique ainsi que de préparer, le cas échéant, des observations orales et d'envisager la production après cette audience d'une note en délibéré sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'il n'ait pas précisé que certaines demandes indemnitaires sur certaines périodes lui semblaient devoir être rejetées du fait des délais de prescription opposés par la partie défenderesse et n'ait pas chiffré les montants relatifs à ces périodes ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 711-3 du code de justice administrative manque en fait et doit être écarté ;
4. Considérant que le concessionnaire d'une autoroute est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement ; qu'il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages, qui doivent revêtir un caractère anormal et spécial pour ouvrir droit à réparation, résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure ; qu'il appartient toutefois aux tiers d'apporter la preuve de la réalité des préjudices allégués et du lien de causalité entre la présence ou le fonctionnement de l'ouvrage et lesdits préjudices ; que Mme C...doit être regardée comme étant tiers par rapport à l'ouvrage public que constitue l'autoroute A 43 mise en fonctionnement en 1974 ;
En ce qui concerne la maison d'habitation et le terrain bâti :
5. Considérant que la maison de MmeC..., dont la construction est très largement antérieure à la création de l'autoroute, est située à une vingtaine de mètres de l'emprise de l'autoroute A 43 et en contrebas de celle-ci ; qu'aucun mur anti-bruit n'étant implanté sur cette portion de l'autoroute, elle subit des gênes sonores importantes du fait de la circulation estimée en 2010 à plus de 34 000 véhicules sur cette portion de voie entre 6h00 et 22H00 et 2 790 véhicules, en trafic moyen journalier ; que si le niveau de pression acoustique mesuré à l'extérieur de sa maison a pu être évalué à 68 dB(A) le jour et 62 dB (A) la nuit soit 2 et 3 dB en-dessous de la norme autorisée, il est constant que le niveau sonore est très élevé autour de la maison et que sa parcelle est répertoriée comme devant être intégrée dans le plan de prévention du bruit comme un " point noir bruit " ; qu'en outre, il n'est pas contesté que ce très important flux de véhicules engendre de nombreuses gênes olfactives, des poussières et différentes pollutions aériennes et suscite la présence de déchets sur le terrain de la requérante ; que le passage incessant de véhicules dont de nombreux camions constitue également une gêne visuelle importante pour la requérante ; que, la combinaison de telles nuisances sonores, olfactives et de pollutions diverses engendrées par la présence et le fonctionnement de cette autoroute est ainsi à l'origine d'un préjudice anormal et spécial, excédant les inconvénients que doivent normalement supporter dans l'intérêt général les propriétaires des fonds voisins des voies publiques ; que, par suite, en l'absence de toute faute de sa part et de tout cas de force majeure, MmeC..., tiers par rapport à cette autoroute, est fondée à demander à la société Area réparation des préjudices subis en matière de troubles de jouissances et de troubles dans ses conditions d'existence ;
6. Considérant que la créance indemnitaire relative à la réparation d'un préjudice présentant un caractère évolutif doit être rattachée à chacune des années au cours desquelles ce préjudice a été subi ;
7. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, les troubles dans les conditions d'existence et de jouissance de sa propriété par Mme C...liés au fonctionnement de l'autoroute A43, revêtent la forme de préjudices évolutifs se renouvelant chaque année et donnent lieu à des créances rattachées à chacune des années au cours desquels ils ont été subis ;
8. Considérant que la société Area se prévaut des principes du code civil relatifs à la prescription, d'abord trentenaire régie par l'article 2262 ancien du code civil, de la prescription décennale régie par l'article 2270-1 ancien du même code et de la prescription quinquennale régie par l'article 2224 du code civil résultant de l'article 1er de la loi n° 2008-561du 17 juin 2008 comme faisant obstacle à une indemnisation de tels préjudices ;
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme C...a adressé une réclamation indemnitaire à la société Area le 11 juillet 2011, laquelle a été reçue le 15 juillet 2011, et qu'elle a saisi le 20 juillet 2011 le tribunal administratif de Grenoble d'une demande à fin de condamnation de la société Area à l'indemniser des préjudice subis du fait de la présence et du fonctionnement de l'autoroute ; que la lettre de la société Area en date du 21 septembre 2001, ne comportant pas de reconnaissance de responsabilité de la part d'Area et les pourparlers transactionnels n'étant pas constitutifs d'une reconnaissance de responsabilité interruptive du délai de prescription, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré comme prescrites les créances indemnitaires antérieures au 15 juillet 2001 et ont jugé que sur le fondement de la demande indemnitaire reçue le 15 juillet 2011 la société AREA devait indemniser Mme C...des troubles subis postérieurement au 15 juillet 2001 ; que la société Area ne contestant pas que les troubles de jouissance subis par Mme C...n'ont pas cessé à la date de l'arrêt de la cour, il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence et des troubles de jouissance subis par Mme C...depuis juillet 2011 et jusqu'à l'arrêt de la cour en condamnant la société Area à verser à l'intéressée une somme de 45 000 euros en réparation desdits préjudices ;
10. Considérant que Mme C...ne conteste pas, en appel, les motifs retenus par le jugement de première instance pour rejeter les conclusions de sa demande tendant à la réparation du dommage résultant de la perte de valeur vénale de sa maison d'habitation en lien avec la présence et le fonctionnement de l'autoroute et des nuisances olfactives, sonores et les pollutions diverses en résultant, tiré de la prescription, au plus tard le 31 décembre 1995, de sa créance relative à la perte de valeur vénale liée à la mise en service de l'autoroute en 1974 dès lors que ce préjudice était connu dans son existence et son étendue au plus tard au 31 décembre 1995 ; qu'en se bornant à faire état, dans le cadre de son argumentation sur ses troubles de jouissance, d'une hausse de la circulation à compter de 1999, Mme C...n'établit pas l'existence d'un nouveau fait générateur ayant conduit à une aggravation de la perte de valeur vénale de sa maison née de l'implantation de l'autoroute en 1974 et la naissance d'un préjudice de perte de valeur vénale qui n'aurait pas été prescrit lors de sa demande indemnitaire de juillet 2011 ;
En ce qui concerne les parcelles non bâties :
11. Considérant que Mme C...fait valoir en appel qu'elle n'a eu connaissance de l'étendue de la perte de la valeur vénale des parcelles non bâties jouxtant son tènement bâti qu'à compter du 5 septembre 2005, date de déclaration du caractère inconstructible de telles parcelles par délibération du conseil municipal de Verel-de-Montbel, et que ce nouvel élément fait obstacle à ce que lui soit opposée par la société Area une prescription de sa créance pour ce chef de préjudice ; que, toutefois, Mme C...ne démontre pas un lien de causalité entre, d'une part, la présence ou le fonctionnement de l'autoroute et, d'autre part, le classement par la commune de Verel-de-Montbel de ces parcelles non bâties en 2005 en terrain inconstructible, résultant d'une modification du plan local d'urbanisme ; que, par suite, Mme C...n'est pas fondée à demander à la société Area l'indemnisation du préjudice résultant de la perte de valeur vénale de ses terrains non bâtis provoquée par la déclaration municipale d'inconstructibilité de septembre 2005 ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'expertise, que Mme C...est seulement fondée à demander que l'indemnité, d'un montant de 54 715 euros, mise à la charge de la société AREA par le jugement attaqué du tribunal administratif de Grenoble, soit portée à la somme de 74 715 euros ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que MmeC..., qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, soit condamnée à payer à la société Area une somme au titre des frais exposés par ladite société et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la société Area à verser à Mme C... la somme de 1 500 euros au titre de ce même article ;
DECIDE :
Article 1er : L'indemnité de 54 715 euros mise à la charge de la société Area par l'article 1er du jugement n° 1103845 du 18 décembre 2014 du tribunal administratif de Grenoble est portée à la somme de 74 715 euros.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble est modifié en ce qu'il a de contraire à cet arrêt.
Article 3 : La société AREA versera 1 500 euros à Mme C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et à la société AREA.
Délibéré après l'audience du 24 mai 2017 à laquelle siégeaient :
M. Seillet, président,
Mmes Cottier etB..., premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 14 juin 2017.
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N° 15LY00601