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07/06/2017 | FRANCE | N°16LY03164

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 07 juin 2017, 16LY03164


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Etat à lui verser une somme de 27 471,54 euros en réparation du préjudice matériel résultant de l'illégalité d'une décision du 19 mai 2008 par laquelle le préfet du Rhône a refusé le renouvellement de son certificat de résidence algérien et une somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral, outre les intérêts au taux légal à compter de sa demande.

Par un jugement n° 1105061 du 12 juillet 2016, le tribunal a

dministratif de Lyon a condamné l'Etat à verser à M. A...une somme de 11 050 euros majoré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Etat à lui verser une somme de 27 471,54 euros en réparation du préjudice matériel résultant de l'illégalité d'une décision du 19 mai 2008 par laquelle le préfet du Rhône a refusé le renouvellement de son certificat de résidence algérien et une somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral, outre les intérêts au taux légal à compter de sa demande.

Par un jugement n° 1105061 du 12 juillet 2016, le tribunal administratif de Lyon a condamné l'Etat à verser à M. A...une somme de 11 050 euros majorée des intérêts au taux légal depuis le 16 novembre 2009.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 16 septembre 2016, présentée par le préfet du Rhône, il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1105061 du 12 juillet 2016 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à M. A... une indemnité d'un montant supérieur à 2 310 euros, outre intérêts au taux légal ;

2°) de rejeter les conclusions de la demande de M. A... en tant qu'elles tendent à la condamnation de l'Etat au versement d'une indemnité supérieure à 2 310 euros, outre intérêts au taux légal.

Il soutient que c'est à tort que les juges de première instance ont estimé que le préjudice subi par M. A... s'élevait à 11 050 euros, alors que l'État ne pouvait être condamné qu'à indemniser la perte de salaire net subie par l'intéressé du 4 novembre 2008, dernier jour payé avant le licenciement de l'intéressé intervenu le 3 novembre 2008, au 27 avril 2009, date de délivrance d'un récépissé de demande de certificat de séjour l'autorisant à exercer une activité professionnelle ; la circonstance qu'il n'ait retrouvé un emploi, qui a en outre pris fin à l'issue du mois d'essai, que le 15 octobre 2009 ne saurait être imputable directement à la décision fautive du préfet dès lors qu'il détenait un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler ; en outre, il ressort de son passeport qu'il avait quitté le territoire français le 26 mai 2009 pour entrer en Algérie le 27 mai 2009 sans que le passeport ne permette de savoir quand il est revenu en France, mais en tout état de cause, il séjournait en Algérie pendant la période durant laquelle les premiers juges ont considéré qu'il n'était pas allégué qu'il n'aurait pas fait des recherches actives d'emploi, entre le 27 avril et le 15 octobre 2009.

Par un mémoire, enregistré le 29 novembre 2016, présenté pour M. B... A..., il conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à l'annulation du jugement n° 1105061 du 12 juillet 2016 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a limité à 11 050 euros l'indemnité mise à la charge de l'Etat et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 27 471,54 euros en réparation de son préjudice matériel et une somme de 20 000 en réparation de son préjudice moral, outre les intérêts au taux légal à compter de sa demande ;

3°) à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête du préfet du Rhône est irrecevable en raison de sa tardiveté ;

- la décision du préfet est entachée d'une illégalité fautive ;

- il a été privé de revenus, pour un montant de 25 063,38 euros brut, en conséquence de son licenciement consécutif à sa situation irrégulière, de juin à novembre 2008 et il ne s'est rendu en Algérie que pendant 22 jours et a repris des démarches dès son retour ;

- son préjudice économique doit être évalué à 27 471,54 euros ;

- il a subi un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence, résultant notamment d'une garde à vue et d'un placement en centre de rétention administrative, de l'obligation de vivre éloigné de son épouse, qui doivent être évalués à 20 000 euros.

Des pièces ont été produites par M. A...le 8 mars 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 24 mai 2017 :

- le rapport de M. Seillet, président ;

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

1. Considérant que M. A..., ressortissant algérien arrivé en France le 6 septembre 1999, a été titulaire, au cours de la période de juin 2005 à juin 2007, d'un titre de séjour algérien, puis d'un récépissé valable jusqu'en février 2008 ; que, toutefois, par une décision du 19 mai 2008, le préfet du Rhône a refusé de renouveler le titre de séjour qu'il lui avait délivré en raison de son état de santé ; que le tribunal administratif de Lyon, par un jugement du 23 septembre 2008, a rejeté sa demande d'annulation du refus de titre mais la cour a annulé, par un arrêt du 23 avril 2009, ce jugement ainsi que la décision du préfet du Rhône du 19 mai 2008, au motif d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation, eu égard à la bonne insertion de M.A..., à sa présence depuis 9 ans sur le territoire français et à son état de santé ; que, par le même arrêt, il a été enjoint au préfet du Rhône de délivrer un titre de séjour à M. A... ; qu'à la suite de cet arrêt, le préfet du Rhône a délivré, le 27 avril 2009, à M. A...un récépissé, puis un certificat de résidence algérien valable à partir du 23 avril 2009 ; que M. A... a demandé l'indemnisation des préjudices subis en conséquence de l'illégalité fautive de la décision du préfet du Rhône du 19 mai 2008 ; que, par un jugement du 12 juillet 2016, le tribunal administratif de Lyon a condamné l'Etat à verser à M. A...une somme de 11 050 euros majorée des intérêts au taux légal depuis le 16 novembre 2009 ; que, d'une part, le préfet du Rhône fait appel dudit jugement en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à M. A... une indemnité d'un montant supérieur à 2 310 euros ; que, d'autre part, M. A... demande, à titre incident, l'annulation de ce jugement en tant qu'il a limité à 11 050 euros l'indemnité mise à la charge de l'Etat et demande la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant total de 47 471,54 euros, outre intérêts au taux légal ;

Sur la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-8-2 du code de justice administrative : " Les avocats, les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, les administrations de l'Etat, les personnes morales de droit public et les organismes de droit privé chargés de la gestion d'un service public peuvent s'inscrire dans l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1, dans les conditions fixées par l'arrêté prévu à cet article./ Toute juridiction peut adresser par le moyen de cette application, à une partie ou à un mandataire ainsi inscrit, toutes les communications et notifications prévues par le présent livre pour tout dossier et l'inviter à produire ses mémoires et ses pièces par le même moyen./ Les parties ou leur mandataire sont réputés avoir reçu la communication ou la notification à la date de première consultation du document qui leur a été ainsi adressé, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de huit jours à compter de la date de mise à disposition du document dans l'application, à l'issue de ce délai. Sauf demande contraire de leur part, les parties ou leur mandataire sont alertés de toute nouvelle communication ou notification par un message électronique envoyé à l'adresse choisie par eux. /Lorsque le juge est tenu, en application d'une disposition législative ou réglementaire, de statuer dans un délai inférieur ou égal à un mois, la communication ou la notification est réputée reçue dès sa mise à disposition dans l'application " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement du tribunal administratif de Lyon du 12 juillet 2016 a été régulièrement notifié au préfet du Rhône le 13 juillet 2016 par voie de transmission électronique, au moyen de l'application Télérecours ; que le jugement a été consulté pour la première fois par le service de la préfecture du Rhône le 19 juillet 2016, comme l'atteste l'accusé de réception délivré par Télérecours, émis à cette occasion ; qu'en application des dispositions précitées de l'article R. 611-8-2, ce jugement est réputé avoir été notifié au préfet à cette date ; que le délai de recours expirait le 20 septembre 2016 ; qu'ainsi la requête du préfet du Rhône, enregistrée le 16 septembre 2016, n'est pas tardive ; que dès lors la fin de non recevoir opposée par M. A... ne peut qu'être écartée ;

Sur l'indemnisation :

4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la situation irrégulière de M. A... au regard du droit au séjour a conduit son employeur à le licencier, avec effet le 4 novembre 2008 ; qu'ainsi, le préjudice né de ce licenciement trouve sa cause directe dans l'illégalité fautive du refus de séjour opposé par le préfet du Rhône ; qu'en revanche, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. A... avait, dès la délivrance du récépissé par le préfet du Rhône, le 27 avril 2009, une chance sérieuse d'obtenir un nouveau contrat à durée déterminée ou indéterminée, il n'est fondé à demander la réparation du préjudice né de l'absence de contrat de travail que pour la période du 4 novembre 2008 au 27 avril 2009, en dépit de la circonstance qu'il n'a de nouveau été embauché par contrat qu'à compter du 15 octobre 2009 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges ont fait une estimation excessive ni insuffisante du salaire mensuel moyen net qu'aurait dû percevoir M. A... au cours de cette période, en l'évaluant à la somme de 1 200 euros ; qu'ainsi, le préjudice résultant de la perte de revenus de M. A... durant cette période doit être évalué à la somme totale de 7 200 euros ; que, contrairement à ce que soutient le préfet du Rhône, il n'y a pas lieu de déduire de cette somme les allocations d'aide au retour à l'emploi qui n'ont été versées à l'intéressé qu'à partir du 5 mai 2009 et ne concernaient pas la période antérieure ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que, comme l'ont relevé les premiers juges, alors que M. A... avait droit à l'allocation personnalisée au logement, pour un montant de 50,01 euros en juin 2008, le refus illégal de renouveler son titre de séjour lui a fait perdre cet avantage, de sorte qu'il est fondé à demander l'indemnisation du préjudice qui en résulte, pour la période du 1er juillet 2008 au 1er mai 2009, par le versement d'une indemnité d'un montant arrondi à 500 euros ;

6. Considérant, en troisième lieu, que, pour les motifs retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter, les conclusions de M. A... tendant à l'indemnisation d'autres préjudices matériels doivent être rejetées ;

7. Considérant, en dernier lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges ont fait une évaluation insuffisante ou excessive du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence subis par M. A... en conséquence de l'illégalité fautive de la décision du préfet du Rhône du 19 mai 2008 en le fixant à 1 500 euros ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône est seulement fondé à soutenir que l'indemnité totale mise à la charge de l'Etat par le jugement attaqué du tribunal administratif de Lyon, en réparation des préjudices subis par M. A... en raison de l'illégalité fautive de la décision du 19 mai 2008, doit être ramenée à la somme de 9 200 euros ; qu'il en résulte également que M. A... n'est pas fondé à demander le rehaussement de l'indemnité mise à la charge de l'Etat ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La somme de 11 050 euros mise à la charge de l'Etat par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lyon du 12 juillet 2016 est ramenée à la somme de 9 200 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 12 juillet 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du préfet du Rhône et les conclusions de M. A... sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 24 mai 2017 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

Mme D...et MmeC..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 7 juin 2017.

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N° 16LY03164


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY03164
Date de la décision : 07/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

60-01-04 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Responsabilité et illégalité.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : HASSID

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-06-07;16ly03164 ?
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