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30/05/2017 | FRANCE | N°17LY00045

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 30 mai 2017, 17LY00045


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du préfet de Saône-et-Loire du 12 avril 2016 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1601946 du 6 octobre 2016 le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par

une requête, enregistrée le 5 janvier 2017, M. A... D..., représenté par la Selarl cabinet Cotessa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du préfet de Saône-et-Loire du 12 avril 2016 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1601946 du 6 octobre 2016 le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 5 janvier 2017, M. A... D..., représenté par la Selarl cabinet Cotessat-Buisson, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 6 octobre 2016 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet de Saône-et-Loire du 12 avril 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande dans le délai d'un mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat d'une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il comporte une erreur concernant la date de la décision attaquée et en ce qu'il n'a pas répondu à un moyen relatif à la consultation de la commission du titre de séjour ;

- le refus de titre de séjour méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ;

- ce refus méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été dispensée d'instruction en application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative.

M. A... D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 30 novembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

M. A...D...ayant été régulièrement averti du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Yves Boucher, président de chambre ainsi que les observations de M. A...D... ;

1. Considérant que M. A... D..., ressortissant camerounais, né le 29 avril 1991, est entré en France le 25 juillet 2015 selon ses déclarations ; que, le 4 novembre 2015, il a présenté une demande de carte de séjour mention "salarié" ; que, le 9 décembre 2015, il a complété sa demande en sollicitant la délivrance d'une carte de séjour au titre des 4° et 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par arrêté du 12 avril 2016, le préfet de Saône-et-Loire lui a opposé un refus assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et de la désignation du pays de renvoi en cas d'éloignement d'office à l'expiration de ce délai ; que M. A... D... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que, devant le tribunal administratif, M. A... D... a invoqué un moyen tiré d'une irrégularité de procédure tenant à l'absence de consultation par le préfet de la commission du titre de séjour ; que le tribunal administratif a omis de répondre à ce moyen ; que, dès lors, le requérant est fondé à soutenir que le jugement qu'il attaque est irrégulier et qu'il doit être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. A... D... devant le tribunal administratif de Dijon ;

Sur le refus de titre de séjour :

4. Considérant que la décision en litige du 12 avril 2016 est signée par M. B..., préfet de Saône-et-Loire, compétent pour signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département de Saône-et-Loire ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 311-7 du même code alors en vigueur : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour "compétences et talents" sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois. " ; qu'aux termes de l'article L. 211-2-1 du même code : " Le visa mentionné à l'article L. 311-7 ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. (...) / Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour. (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

6. Considérant que le requérant n'établit pas être entré régulièrement en France sous couvert d'un quelconque visa ; que, dans cette situation, il ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permettent à un étranger marié à un ressortissant français de présenter sa demande de visa de long séjour à l'autorité compétente pour délivrer le titre de séjour ; que le préfet de Saône-et-Loire pouvait, pour ce seul motif, rejeter la demande de carte de séjour de M. A...D...présentée, en qualité de conjoint d'une ressortissante française, sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

7. Considérant que M. A... D... se prévaut de la présence en France de son épouse de nationalité française qu'il soutient fréquenter depuis plus de cinq ans et qu'il a épousée le 24 octobre 2015, environ six mois avant la décision en litige, ainsi que de celle de sa soeur et de son frère ; qu'il soutient avoir quitté son pays d'origine, le Cameroun, en 2006, et avoir vécu régulièrement depuis lors en Allemagne puis en Espagne, grâce à son activité sportive qu'il continue à pratiquer en France au sein du club de l'union du football mâconnais ; que, toutefois, à la date du refus de titre de séjour en litige, M. A... D... n'était présent sur le territoire français que depuis moins d'un an et marié depuis environ six mois ; que la seule présentation d'une promesse d'embauche sous contrat à durée indéterminée en tant que commercial, établie le 5 juillet 2016, postérieurement à la décision contestée, ne suffit pas à justifier d'une insertion professionnelle particulière dans la société française ; que M. A...D...n'établit pas et ne soutient d'ailleurs pas être dépourvu d'attaches, notamment familiales, dans son pays d'origine, le Cameroun, où il indique avoir vécu jusqu'à l'âge de seize ans ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en particulier des conditions d'entrée du requérant en France, de la durée de son séjour sur le territoire français et du caractère récent de son mariage avec une ressortissante française, le refus de séjour contesté ne peut être regardé comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs pour lesquels il lui a été opposé ; que, par suite, ce refus ne méconnaît ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

8. Considérant qu'il résulte des articles L. 312-2 et R. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la commission du titre de séjour ne doit être saisie par le préfet que lorsqu'il envisage de refuser l'une des cartes de séjour mentionnées notamment à l'article L. 313-11 du même code à un étranger qui remplit effectivement les conditions pour en bénéficier ; qu'ainsi qu'il est dit aux points 6 et 7, M. A...D...ne remplissait pas, à la date des décisions en litige, les conditions pour obtenir une carte de séjour sur le fondement du 4° ou du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le moyen selon lequel la décision en litige aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière faute de consultation de la commission du titre de séjour doit être écarté ;

9. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) " ;

10. Considérant, d'une part, que M. A... D..., qui déclare être entré en France le 25 juillet 2015, ne justifie pas résider habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de la décision attaquée ; que, par suite, le préfet n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour avant de lui refuser le bénéfice d'une admission exceptionnelle au séjour ;

11. Considérant, d'autre part, qu'en se prévalant de son intégration ainsi que de la présence de son épouse sur le territoire français, le requérant n'établit pas, au regard de sa situation telle qu'elle a été exposée au point 7, que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne l'admettant pas au séjour à titre exceptionnel ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

12. Considérant, en premier lieu, que, pour les motifs déjà exposés au point 4, le moyen relatif à l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit être écarté ;

13. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui est dit aux points 4 à 11 que le requérant n'est pas fondé à se prévaloir, à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire, de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour ;

14. Considérant, en troisième lieu, que, pour les motifs déjà exposés aux point 7 et 11 et eu égard aux effets d'une mesure d'éloignement, le préfet de Saône-et-Loire n'a pas, eu égard à l'ensemble de la situation M. A... D..., commis d'erreur manifeste d'appréciation en lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

Sur la décision désignant le pays de renvoi :

15. Considérant, en premier lieu, que, pour les motifs déjà exposés au point 4, le moyen relatif à l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit être écarté ;

16. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui est dit aux points 4 à 14 que le requérant n'est pas fondé à se prévaloir, à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

17. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. " ; que la seule circonstance que la décision en litige aurait pour conséquence de séparer le requérant de son épouse n'est pas de nature à caractériser une violation de ces stipulations ;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... D... n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions du préfet de Saône-et-Loire du 12 avril 2016 ; que ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à ce qu'il soit fait application, au bénéfice de son avocat, des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 6 octobre 2016 est annulé.

Article 2 : La demande de M. A... D... devant le tribunal administratif de Dijon et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2017, à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président,

M. Antoine Gille, président-assesseur,

M. Juan Segado, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 mai 2017.

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N° 17LY00045

mg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY00045
Date de la décision : 30/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: M. Yves BOUCHER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : CABINET COTESSAT-BUISSON

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-05-30;17ly00045 ?
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