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18/05/2017 | FRANCE | N°16LY01356

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 18 mai 2017, 16LY01356


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler, par deux demandes distinctes, la décision implicite du préfet de l'Isère refusant de réexaminer sa situation à la suite de l'injonction résultant d'un jugement du 28 novembre 2013, ainsi que l'arrêté du 11 décembre 2015 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il serait éloign

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler, par deux demandes distinctes, la décision implicite du préfet de l'Isère refusant de réexaminer sa situation à la suite de l'injonction résultant d'un jugement du 28 novembre 2013, ainsi que l'arrêté du 11 décembre 2015 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement nos 1403191, 1600157 du 31 mars 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et par un mémoire enregistrés les 15 avril et 4 juillet 2016, ainsi que par un mémoire récapitulatif enregistré le 2 février 2017, M.B..., représenté en dernier lieu par Me A..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 31 mars 2016, en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Isère du 11 décembre 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 11 décembre 2015 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 300 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé et n'a pas été précédé d'un examen complet et suffisant de sa situation ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ce refus méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le refus d'admission exceptionnelle au séjour est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français et le refus de lui accorder un délai de départ volontaire sont illégaux en raison de l'illégalité du refus de séjour ;

- l'obligation de quitter le territoire français et le refus de lui accorder un délai de départ volontaire sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour et de la mesure d'éloignement sans délai ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La caducité de la demande d'aide juridictionnelle de M. B...a été constatée par décision du 25 mai 2016.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience :

- le rapport de Mme Samson-Dye,

- les observations de MeC..., représentant M.B....

1. Considérant que M.B..., ressortissant guinéen, doit être regardé, compte tenu de la teneur de son mémoire récapitulatif produit le 2 février 2017, en réponse à une mise en demeure du 6 janvier 2017, comme relevant appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 31 mars 2016 seulement en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Isère du 11 décembre 2015 ;

Sur la légalité de l'arrêté litigieux :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

3. Considérant qu'il n'est pas contesté que M. B...est entré en France au cours de l'année 2001, à l'âge de 28 ans, et qu'il justifiait, à la date de l'arrêté litigieux, d'une résidence habituelle sur le territoire français de 14 ans ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il représenterait une menace pour l'ordre public ou serait défavorablement connu des forces de l'ordre ; qu'il a eu deux enfants, nés en 2014 et 2015, avec une compatriote, titulaire d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dont il n'est pas contesté que les parents, de nationalité française, résident sur le territoire français ; que le requérant justifie, en appel, des raisons matérielles pour lesquelles le couple ne vivait pas, à la date à laquelle le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, dans un domicile commun, et produit des éléments établissant l'existence d'une vie familiale ; que, dans ces conditions, et alors même qu'il conserve des attaches familiales dans son pays d'origine, le refus de titre litigieux porte au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B... une atteinte disproportionnée, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'illégalité du refus de titre de séjour entraîne, par voie de conséquence, l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire, désignation du pays de renvoi et interdiction de retour ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 décembre 2015 ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;

6. Considérant que le présent arrêt, qui annule l'arrêté du préfet de l'Isère du 11 décembre 2015 portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde et en absence de changement de circonstances, que l'autorité compétente délivre le titre sollicité à M. B...; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Rhône, territorialement compétent à la date du présent arrêt compte tenu du nouveau domicile du requérant, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la requête tendant à ce que cette injonction soit assortie d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement nos 1403191, 1600157 du tribunal administratif de Grenoble du 31 mars 2016 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. B...tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Isère du 11 décembre 2015.

Article 2 : L'arrêté du préfet de l'Isère du 11 décembre 2015 portant refus de titre de séjour à M. D... B..., obligation de quitter sans délai le territoire français, désignation du pays de renvoi et interdiction de retour est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à M. D...B...dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt.

Article 4 : L'Etat versera, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 000 euros à M.B....

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...B..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Rhône. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 13 avril 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Michel, président,

Mme Gondouin, premier conseiller.

Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 mai 2017.

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N° 16LY01356


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY01356
Date de la décision : 18/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Droits civils et individuels - Convention européenne des droits de l'homme - Droits garantis par la convention - Droit au respect de la vie privée et familiale (art - 8) - Violation.

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme MICHEL
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : BORGES DE DEUS CORREIA

Origine de la décision
Date de l'import : 20/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-05-18;16ly01356 ?
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