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02/05/2017 | FRANCE | N°15LY02889

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 02 mai 2017, 15LY02889


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté, en date du 10 février 2015, par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de tente jours, en fixant le pays de destination en cas d'éloignement d'office.

Par un jugement n° 1502749, en date du 21 juillet 2015, le tribunal administratif de Grenoble a accueilli sa demande et annulé l'arrêté du préfet de l'Isère du 10 févrie

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté, en date du 10 février 2015, par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de tente jours, en fixant le pays de destination en cas d'éloignement d'office.

Par un jugement n° 1502749, en date du 21 juillet 2015, le tribunal administratif de Grenoble a accueilli sa demande et annulé l'arrêté du préfet de l'Isère du 10 février 2015, en l'enjoignant de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois et en condamnant l'Etat à verser à son conseil Me B... la somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 20 août 2015, le préfet de l'Isère demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 21 juillet 2015 ;

2°) de rejeter les conclusions de M. C... devant les juges de première instance.

Le préfet de l'Isère soutient que les premiers juges ont commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation en considérant qu'aucun traitement approprié à son état de santé n'était disponible en République Démocratique du Congo ; que la surexposition aux facteurs traumatisants en cas de retour dans son pays d'origine n'est pas établie.

La requête a été communiquée à M. C...qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Terrade, premier conseiller ;

1. Considérant que M.C..., ressortissant de la République Démocratique du Congo, né le 19 octobre 1978, déclare être entré irrégulièrement en France le 10 septembre 2012 sans l'établir ; qu'il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 21 septembre 2012 ; que cette demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 5 juillet 2013 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 7 mars 2014 ; qu'il a sollicité le 13 février 2014 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par avis du 1er juillet 2014, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entrainer des conséquences d'une gravité exceptionnelle, qu'un traitement approprié n'était pas disponible dans son pays d'origine et que les soins nécessités par son état de santé devaient en l'état actuel être poursuivis pendant une durée de douze mois ; que toutefois, le préfet de l'Isère a, par un arrêté du 10 février 2015, refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'éloignement d'office ; que saisi d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions et a enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à M. C... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois et a condamné l'Etat à verser une somme de 800 euros à son conseil ; que, par la présente requête, le préfet de l'Isère relève appel de ce jugement dont il demande l'annulation ;

Sur le motif d'annulation retenu par les premiers juges :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant le mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l 'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ;

3. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

4. Considérant que pour annuler pour erreur de droit l'arrêté du 10 février 2015 du préfet de l'Isère refusant à M. C... un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur la circonstance que le préfet n'apportait pas d'élément suffisamment probant permettant d'affirmer que, contrairement à l'avis rendu le 1er juillet 2014 par le médecin de l'agence régionale de santé, un traitement médicamenteux approprié à la pathologie de M. C... comprenant la molécule hydroxysine était disponible en République Démocratique du Congo ;

5. Considérant que, pour s'écarter de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, selon lequel l'état de santé de M. C...nécessitait une prise en charge dont le défaut pouvait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'un traitement approprié n'existait pas dans son pays d'origine, et que les soins nécessités par son état de santé devaient être poursuivis pendant une durée de douze mois, le préfet de l'Isère s'est fondé sur des documents émanant de l'ambassade de France en République Démocratique du Congo concernant les capacités locales en matière de soins médicaux démontrant, selon les termes mêmes de la décision attaquée, " le sérieux et les capacités des institutions de santé Congolaises qui sont à même de traiter la majorité des maladies courantes " et que " les ressortissants congolais sont indéniablement en mesure de trouver en république démocratique du Congo un traitement adapté à leur santé " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C... souffre d'un syndrome de stress post-traumatique dont la gravité n'est pas contestée, nécessitant la poursuite d'un traitement adéquat ; que si l'autorité compétente n'apporte pas la preuve de la disponibilité en République Démocratique du Congo du médicament Atarax, qui contient le principe actif de l'hydroxysine, cette circonstance ne suffit pas à démontrer qu'aucun traitement de substitution approprié ne serait disponible dans ce pays ; qu'il n'est ni établi ni même allégué que la spécialité Atarax n'aurait aucun substitut alors qu'il s'agit d'un psycholeptique, psycho-dépresseur et anxiolytique dérivé avec effet sédatif, actif sur les symptômes mineurs d'anxiété, indiqué pour la prise en charge des insomnies d'endormissement et pour lequel il est recommandé de recourir à un traitement de courte durée ; que les autres spécialités prescrites en France à M. C...destinées au traitement des insomnies occasionnelles et transitoires ou de la dépression existent toutes sous forme générique ; qu'il ressort de la liste des médicaments essentiels disponibles en République Démocratique du Congo produite au dossier par le préfet de l'Isère, que des médicaments de la classe des psychotropes sont disponibles dans ce pays, et notamment des sédatifs équivalents à cette spécialité, des anxiolytiques, des médicaments de la dépression ainsi que ceux du désordre panique ; qu'il existe, en outre, dans ce pays des structures de soins et de prise en charge médicale des psycho-traumatismes et des pathologies psychiatriques ; que l'indisponibilité d'un traitement approprié à son état de santé en République Démocratique du Congo n'est donc pas établie ; que, par ailleurs, si l'intéressé fait valoir, en se prévalant du certificat médical du 23 avril 2015 du docteur Arel, son médecin psychiatre en France, qu'un retour en République Démocratique du Congo où a eu lieu le traumatisme à l'origine du syndrome dont il souffre l'exposerait à des complications graves, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un retour dans ce pays aurait pour effet de l'exposer aux violences qui seraient à la source de son traumatisme ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 10 février 2015, le tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de ce que la décision par laquelle le préfet de l'Isère a refusé la délivrance d'un titre de séjour à M. C...a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

8. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. C... en première instance ;

Sur les autres moyens :

9. Considérant que M. C... n'a articulé aucun autre moyen à l'encontre de l'arrêté attaqué que celui tiré de l'erreur de droit commise par le préfet en lui refusant la délivrance du titre de séjour sollicité sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 10 février 2015, lui a enjoint de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à M. C...dans un délai de deux mois et a mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros à verser à Me B...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1502749, en date du 21 juillet 2015, du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La demande de M. C... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur. Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2017, à laquelle siégeaient :

Mme Mear, président,

Mme Terrade, premier conseiller,

Mme Vinet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 mai 2017.

N° 15LY02889 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY02889
Date de la décision : 02/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEAR
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle TERRADE
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : SCHURMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-05-02;15ly02889 ?
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