La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/05/2017 | FRANCE | N°15LY01769

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 02 mai 2017, 15LY01769


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Le Manoir a demandé au tribunal administratif de Grenoble de lui accorder :

1°) la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006 et en 2007 ;

2°) la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er janvier 2006 au 30 novembre 2008.

Par un jugement n° 1102829-1102832

du 31 mars 2015, le tribunal administratif de Grenoble a constaté qu'il n'y avait plus lieu de sta...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Le Manoir a demandé au tribunal administratif de Grenoble de lui accorder :

1°) la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006 et en 2007 ;

2°) la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er janvier 2006 au 30 novembre 2008.

Par un jugement n° 1102829-1102832 du 31 mars 2015, le tribunal administratif de Grenoble a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de sa demande à concurrence de la somme de 230 euros en droits et pénalités au titre de l'impôt sur les sociétés, et a rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 mai 2015 et un mémoire, enregistré le 30 août 2016, la SARL Le Manoir, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble, en date du 31 mars 2015 ;

2°) de lui accorder la décharge des impositions contestées restant à sa charge et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SARL Le Manoir soutient que :

Sur la régularité de la procédure :

- c'est à tort que l'administration fiscale a considéré les redressements litigieux comme tacitement acceptés, alors qu'ils étaient verbalement contestés de manière explicite, à défaut d'être contestés de manière motivée, et que la société, dans son dernier courrier, avait rappelé sa contestation des rectifications, sollicitant seulement un délai afin de l'étayer ; qu'il s'ensuit que l'administration aurait dû lui proposer la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

- selon la doctrine administrative référencée 13-L-1514 n° 29 du 1er juillet 2002 et la note DGI du 25 mai 1965, n° 56, les observations du contribuable à l'égard de la proposition de rectification peuvent consister en un refus pur et simple ou comporter une argumentation à laquelle l'administration devra répondre ;

- sa comptabilité ne pouvant être regardée comme tenue au moyen de systèmes informatisés, le vérificateur ne pouvait mettre en oeuvre les dispositions de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ;

- l'administration ne pouvait procéder à des traitements informatiques des informations données en dehors des locaux de l'entreprise à partir de copies de fichiers enregistrées sur CD-ROM ; la doctrine BOI BIC DECLA 30-10-20-40 n° 260 du 12 septembre 2012 et CF IOR 60 40 n°20 et suivants conforte cette analyse ;

Sur le bien-fondé des impositions :

- la méthode de reconstitution des recettes est radicalement viciée dans son principe et n'est fondée sur aucun élément propre à l'entreprise ; elle n'a pas tenue compte du mode de fonctionnement du logiciel et de la circonstance qu'en organisant de nombreux séminaires, de nombreuses notes vierges sont générées ; les hypothèses retenues par le vérificateur sont arbitraires en ce qui concerne les notes supprimées qu'il a estimé réglées en espèces sans effectuer un contrôle de cohérence des chiffres reconstitués avec la capacité d'accueil de l'hôtel, et dès lors qu'il a considéré que chaque note n'ayant pas donné lieu à facturation correspondait néanmoins à une prestation réalisée en méconnaissance du fonctionnement du logiciel ; il n'a pas tenu compte des erreurs de saisie en cas de défection du client ou de prestations combinées ; l'analyse de la table mouchard ne peut justifier les redressements ; l'administration a admis son argumentation relative aux notes vierges et a prononcé un dégrèvement ; mais s'agissant du reliquat des notes supprimées elle a maintenu son analyse selon laquelle une note supprimée correspond à une prestation fournie et réglée en espèces ;

- l'administration ne répond pas à l'argument selon lequel les notes manquantes sont en réalité transférées vers d'autres notes ouvertes au nom du client, ou ont servi de base à la détermination d'un devis qui a ensuite donné lieu à facturation ; le postulat de l'administration ne repose sur aucun fondement et ne peut fonder les redressements, comme en atteste le dégrèvement partiel prononcé ; le vérificateur n'a pas admis que des erreurs de saisie aient pu être commises, ni que des prestations supprimées n'auraient pas donné lieu à règlement en espèces lorsque le client a retenu ce moyen de règlement ; des clients payant en espèces peuvent écourter leur séjour ; la méthode de reconstitution est donc excessivement sommaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre expose qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Terrade, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public.

1. Considérant que la SARL Le Manoir, qui exploite un hôtel-bar-restaurant sous l'enseigne " Le Manoir " à Aix-les-Bains, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière d'impôt sur les sociétés sur les exercices clos les 31 décembre 2006 et 2007, et, en matière de taxe sur la valeur ajoutée sur la période du 1er janvier 2006 au 30 novembre 2008, à l'issue de laquelle elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sur l'impôt sur les sociétés et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi qu'à la majoration prévue à l'article 1729 du code général des impôts et des intérêts de retard, pour un montant total de 251 818 euros, dont elle a demandé la décharge ; que, par jugement du 31 mars 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que, par la présente requête, la SARL Le Manoir relève appel de ce jugement ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne le moyen tiré de ce que l'administration ne lui a pas proposé la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis soit de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts, soit de la Commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 H du même code, (...). " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 11, ce délai est prorogé de trente jours...). Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit également être motivée " ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre alors en vigueur : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs du redressement envisagé. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le contribuable dispose d'un délai de trente jours pour répondre à une proposition de rectification, délai porté à soixante jours lorsqu'il présente une demande de prorogation de délai, dans les trente jours de la réception de la proposition de rectification ; que les observations que le contribuable entend présenter en réponse à la proposition de rectification doivent être formulées par écrit dans le délai prévu par la loi ; que des observations écrites parvenant après expiration de ce délai sont tardives alors même que le contribuable aurait, dans ce délai, présenté des observations orales au cours d'un entretien avec le vérificateur ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que s'agissant des rectifications relatives à l'exercice clos en 2006, la société requérante s'est bornée à demander la prorogation du délai de réponse à la proposition de rectification notifiée en mains propres au gérant le 17 décembre 2009, par courrier du 28 janvier 2010, soit après expiration du délai de trente jours prévu par les dispositions précitées de l'article R. 57-1 du livre des procédures fiscales ; qu'un délai supplémentaire lui a néanmoins été accordé verbalement, sans toutefois qu'elle ne présente d'observations écrites ; qu'à l'occasion de la notification le 19 mars 2010 de la proposition de rectification relative à la période du 1re janvier 2007 au 30 novembre 2008, l'administration fiscale l'a invitée à présenter des observations y compris sur les rectifications concernant l'exercice clos en 2006 ; que, toutefois, la SARL Le Manoir s'est bornée à solliciter à nouveau des délais supplémentaires, que l'administration fiscale lui a accordé " à titre gracieux " jusqu'au 19 mai 2010, sans, toutefois, produire aucune observation écrite ; que l'administration fiscale a pris acte, par courrier du 21 mai 2010, de l'absence de contestation des redressements notifiés ; que, par un courrier du 18 mai 2010, posté le 21 mai 2010, soit postérieurement au délai imparti pour présenter ses observations, et parvenu à l'administration fiscale le 25 suivant et qui était donc tardif, la SARL Le Manoir s'est bornée à faire état d'une " contestation " sans l'assortir d'aucun élément ; qu'ainsi, en l'absence de désaccord manifesté expressément par la société avant l'expiration du délai qui lui était imparti pour présenter ses observations à l'égard de la proposition de rectification, celle-ci était réputée avoir implicitement acquiescé aux rectifications, et en l'absence de désaccord persistant au sens des dispositions précitées de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale n'était pas tenue de lui proposer la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

S'agissant de l'application de la doctrine administrative :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. (...) " ;

7. Considérant que si la société requérante se prévaut des prévisions de la doctrine mentionnée dans la documentation 13-L-1514 n° 29 du 1er juillet 2002 et la note DGI du 25 mai 1965, n° 56, relative aux conditions de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, celle-ci, qui porte sur la procédure d'imposition, ne constitue pas une prise de position formelle au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

En ce qui concerne la vérification de la comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

8. Considérant, d'une part, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables./ Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements. (...) " ; qu'aux termes de l'article 54 du code général des impôts : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration (...) " ;

9. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 47 A du même livre, dans sa rédaction applicable au litige : " I.-Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable peut satisfaire à l'obligation de représentation des documents comptables mentionnés au premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts en remettant, sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget, une copie des fichiers des écritures comptables définies aux articles 420-1 et suivants du plan comptable général. L'administration peut effectuer des tris, classements ainsi que tous calculs aux fins de s'assurer de la concordance entre la copie des enregistrements comptables et les déclarations fiscales du contribuable. L'administration restitue au contribuable, avant la mise en recouvrement, les copies des fichiers transmis et n'en conserve aucun double. II.-En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. (...). Les résultats des traitements sont alors remis sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget ; c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. (...) L'administration communique au contribuable, sous forme dématérialisée ou non au choix du contribuable, le résultat des traitements informatiques qui donnent lieu à des rehaussements au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification mentionnée à l'article L. 57. (...) " ;

10. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que sur l'ensemble de la période vérifiée la comptabilité de la SARL Le Manoir était tenue au moyen d'un logiciel comptable, et que la gestion commerciale était tenue par un logiciel développé par la SARL Infhotik Distribution destiné aux professions hôtelières, permettant l'établissement des factures pour l'ensemble des prestations offertes et fonctionnant à l'aide d'une base de données Access ; que les opérations de contrôle ont permis de constater que les recettes de la société étaient enregistrées mensuellement en comptabilité, dans le logiciel comptable, par une ressaisie manuelle des données issues du logiciel de gestion commerciale, via l'édition d'états récapitulatifs mensuels globaux ne faisant état que d'une centralisation du chiffre d'affaires mensuel hors taxe et toutes taxes comprises ainsi que d'une ventilation des montants mensuels de taxe sur la valeur ajoutée, sans référence aux factures concernées par ces récapitulatifs ; que, nonobstant l'absence d'interface et de connexion entre le logiciel de gestion commerciale et le logiciel de comptabilité, les données du logiciel de gestion commerciale étant ressaisies manuellement dans le logiciel de comptabilité concourraient à la formation des résultats comptables ; que, dès lors, la SARL Le Manoir n'est pas fondée à soutenir que sa comptabilité n'était pas tenue au moyen de systèmes informatisés au sens des dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, l'administration fiscale a pu à bon droit appliquer les dispositions du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ;

11. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de ce qui précède que pour contrôler la comptabilité de cette société, le vérificateur a pu régulièrement formuler des demandes de traitements informatiques sur les données comprises dans le logiciel de gestion commerciale, constituant les pièces justificatives de la comptabilité présentée et seules à même de permettre d'en apprécier le caractère sincère et probant, en exposant les objectifs des traitements informatisés envisagés en application des dispositions précitées du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ; qu'informée des options qui lui étaient offertes quant à la réalisation de ces traitements, la société requérante a opté pour la réalisation des traitements informatiques sur son propre matériel conformément au a) du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ; que si la SARL Le Manoir soutient que l'administration fiscale aurait effectué des traitements informatiques en dehors des locaux de l'entreprise, en se prévalant du volume informatique modifié des fichiers gravés sur le CD Rom que lui a remis le service à l'issue des opérations de vérification le 23 octobre 2009, l'administration fiscale soutient que le service vérificateur n'a procédé à aucune création de données nouvelles et n'a fait que trier et classer sur un CD Rom les données issues des traitements informatiques réalisés sur place et qui figurent sur le disque dur de l'ordinateur que la société a mis à sa disposition pour la durée du contrôle ; qu'il résulte de l'instruction qu'afin de mettre en évidence, par une présentation plus lisible des données recueillies lors du contrôle, les anomalies répertoriées notamment dans la table " mouchard " du logiciel de gestion commerciale, l'administration s'est bornée à supprimer un champ au sein des fichiers du tableur " excel " résultant des traitements informatiques effectués sur place à partir des données extraites des logiciels de l'entreprise et copiés sur le CD Rom, et à ajouter un onglet afin d'y reporter, après filtrage, les lignes relatives aux notes et factures comportant la mention " sup " ; que ces opérations de " tri " et de présentation, qui ne visent ni à extraire, ni à analyser, ni à modifier ou supprimer, à l'aide de fonctionnalités informatiques, les données contenues dans les logiciels de gestion de l'entreprise, ne constituent pas, par elles-mêmes, des traitements informatiques au sens de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ; qu'au surplus et, en tout état de cause le contribuable n'a en l'espèce été privé d'aucune garantie dès lors que le vérificateur a remis à la société requérante une copie des fichiers qu'il a modifiés sur CD-ROM ;

S'agissant de l'application de la doctrine :

12. Considérant qu'il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, au vu du dossier qui lui est soumis par l'administration et le contribuable, si ce dernier est en droit de se prévaloir des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales relatives à la portée d'une instruction publiée ;

13. Considérant que si la SARL Le Manoir entend se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales de la doctrine BOI BIC DECLA 30-10-20-40 n° 260 du 12 septembre 2012 et de la doctrine BOI CF IOR 60 40 n° 20 et suivants, son moyen doit être écarté dès lors que les prévisions de cette doctrine, sont relatives à la procédure d'imposition, et, en outre, ne comportent aucune interprétation différente de la loi fiscale ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

14. Considérant qu'aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. (...) " ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que la SARL Le Manoir qui n'a ni répondu à la proposition de rectification, ni expressément contesté les redressements mis à sa charge dans le délai légal, est réputée avoir accepté tacitement les rectifications litigieuses ; que, par suite, en application des dispositions précitées de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, elle supporte la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions dont elle entend obtenir la décharge ;

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

16. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le vérificateur a consulté et analysé, à l'aide des fonctionnalités des applications logicielles, les données contenues dans les systèmes informatisés au moyen desquels la société tenait sa comptabilité, notamment à partir d'une copie de sauvegarde des tables du logiciel de gestion commerciale qui lui a été fournie par le prestataire informatique de la société requérante ; qu'il a constaté que l'enregistrement mensuel des données et les ressaisies des données du logiciel de gestion commerciale infhotik sur le logiciel comptable ne permettaient pas d'assurer la permanence du chemin comptable sur la période vérifiée, et empêchait de rapprocher les écritures comptables des pièces justificatives de recettes que constituent les factures éditées par le logiciel infhotik ; qu'il a relevé que sur le logiciel de gestion commerciale, des " notes en cours " et des factures déjà émises pouvaient être " supprimées ", que des factures pouvaient être modifiées postérieurement à leur émission et que des notes en cours pouvaient être intégralement supprimées avant l'émission de la facture et qu'une table " mouchard " retraçait toutes les modifications de prestations ou de prix ainsi que les annulations de ligne de prestations, de notes et de factures effectuées dans ce logiciel ; que le mode opératoire de comptabilisation de la SARL Le Manoir ne reflétait donc pas la réalité des prestations effectivement proposées aux clients ; que, dans ces conditions, et compte tenu de la non conservation des pièces justificatives antérieures au 30 juin 2006 et de l'importance du nombre des suppressions de notes et des modifications de factures postérieurement à leur édition, sans justification, l'administration fiscale a pu, à bon droit, eu égard aux anomalies et aux discordances relevées, considérer la comptabilité présentée comme irrégulière en la forme, insincère, et non probante des résultats déclarés et l'écarter pour ces motifs ;

En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires :

17. Considérant que le vérificateur ayant écarté la comptabilité présentée comme insincère et non probante a procédé à la reconstitution des recettes à partir des données recueillies dans le logiciel de gestion commerciale, notamment à partir de la liste des notes supprimées et des suppressions de lignes réalisées manuellement postérieurement à l'émission des factures et des lignes de notes constatées en amont de l'émission des factures réglées en espèces ressortant de l'examen des tables du logiciel ; que, compte tenu des modalités de fonctionnement de ce logiciel, et notamment de la table " mouchard " qui selon le prestataire n'a vocation à tracer que " les modifications, ajouts ou suppression de prestations ", le service a estimé que les notes supprimées et retracées sur la table " mouchard ", qui auraient dû donner lieu à facturation, et dont l'annulation n'a pu être justifiée par la société requérante, étaient constitutives d'un chiffre d'affaires occulté ; que pour reconstituer le chiffre d'affaires afférent aux notes supprimées, l'administration, en se fondant sur les données propres à l'entreprise, a déterminé pour chaque période le montant moyen des notes payées en espèces partant de l'hypothèse que le chiffre d'affaires non comptabilisé résulte généralement d'encaissements en espèces ;

18. Considérant que si, pour démontrer le caractère vicié de la méthode de reconstitution des recettes mise en oeuvre par l'administration fiscale, la société requérante soutient que certaines notes supprimées correspondaient en réalité à des transferts de notes de restaurant ou de bar sur des notes d'hôtel ou à des devis, elle n'en justifie pas ; que si elle conteste le montant moyen retenu par l'administration fiscale pour reconstituer les recettes afférentes aux notes supprimées réglées en espèces, elle n'apporte, toutefois, aucun élément de nature à démontrer le caractère exagéré de ce montant ; qu'alors que le logiciel de gestion commerciale offrait la possibilité de corriger une ligne de facture erronée par l'entrée d'une prestation équivalente affectée d'une quantité négative, l'administration fiscale a constaté que certaines lignes de factures et certaines lignes de notes avaient été purement et simplement supprimées, indépendamment du mode de règlement, sans que la société requérante ne puisse en justifier de manière probante ; qu'il résulte de l'instruction que pour tenir compte du fait que certaines suppressions de lignes pouvaient correspondre à des erreurs de saisies du personnel, l'administration fiscale a limité la reconstitution des recettes non déclarées aux seules factures payées en espèces ; que si la requérante soutient que la reconstitution de ses recettes serait dépourvue de vraisemblance au motif que l'administration fiscale n'aurait pas vérifié la cohérence des résultats reconstitués avec les capacités d'accueil de l'hôtel, elle n'apporte toutefois aucun élément de nature à démontrer que les recettes reconstituées seraient incohérentes à cet égard ; que contrairement à ce que soutient la SARL Le Manoir, la reconstitution de son chiffre d'affaires pour les trois années vérifiées a tenu compte des données propres de l'entreprise, notamment du mode de fonctionnement du logiciel de gestion commerciale ; que les dégrèvements prononcés, notamment pour tenir compte des " notes vierges ", ne sont pas de nature à démontrer le caractère radicalement vicié de la méthode de reconstitution de ses recettes ; que, par suite, la SARL Le Manoir ne démontre pas que la méthode de reconstitution mise en oeuvre serait radicalement viciée ou excessivement sommaire et n'apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère exagéré des redressements en résultant ;

Sur les pénalités :

19. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) " ;

20. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'après réception de l'avis de vérification, la SARL Le Manoir a eu recours aux services du gestionnaire du logiciel de gestion commerciale et qu'à l'ouverture du contrôle, le vérificateur a constaté que les donnés commerciales de l'hôtel avaient été entièrement effacées ; que le contrôle n'a pu avoir lieu que par la circonstance que le gestionnaire du logiciel avait conservé une copie de sauvegarde des données de l'entreprise qu'il a pu fournir à l'administration à sa demande ; que pour justifier l'application de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré, l'administration fiscale se prévaut de l'importance et du caractère répété des infractions et des omissions constatées sur la période contrôlée, notamment du nombre de lignes de prestations, de notes, et de factures sciemment effacées dans le logiciel de gestion comptable ; que ce faisant, l'administration fiscale apporte la preuve qui lui incombe de l'intention délibérée de la SARL Le Manoir d'éluder l'impôt, et par suite, du caractère fondé de l'application aux montants redressés de la pénalité prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts ;

21. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Le Manoir n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Le Manoir est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Le Manoir et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du à laquelle siégeaient :

Mme Mear, président,

Mme Terrade, premier conseiller,

Mme Vinet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 mai 2017.

2

N° 15LY01769


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award