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04/04/2017 | FRANCE | N°15LY03294

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 04 avril 2017, 15LY03294


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C...épouse B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 janvier 2015 par lequel le préfet de l'Isère a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un mois, d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale"

, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autoris...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... C...épouse B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 12 janvier 2015 par lequel le préfet de l'Isère a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un mois, d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale", ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée de trois mois renouvelable et de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 1500652 du 1er juin 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 13 octobre 2015, Mme A... C...épouse B..., représentée par la SELARL Aboudahab, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1500652 du tribunal administratif de Grenoble du 1er juin 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2015 par lequel le préfet de l'Isère a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un mois ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée de trois mois renouvelable ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant du refus de titre de séjour :

- le tribunal administratif a insuffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de ce refus ;

- la décision administrative en litige est entachée d'un vice de procédure, dès lors qu'en méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 3ème alinéa de l'article R. 313-22 du même code, le préfet n'a pas recueilli l'avis du directeur général de l'agence régionale de santé alors que, par courrier du 6 décembre 2014 notifié le 22 décembre 2014, son conseil avait informé le préfet de l'existence de circonstances humanitaires exceptionnelles ; en effet, son époux ayant engagé au Maroc une procédure de divorce, elle n'a plus de proche famille dans ce pays, alors que ses trois enfants, dont deux sont français, vivent en France ; âgée de plus de cinquante ans, elle vit en France chez sa fille, qui a la nationalité française, qui travaille et dont elle dépend matériellement ; son divorce et la séparation d'avec ses enfants qui vivent tous en France sont de nature à compromettre sa santé psychique et l'efficacité des soins que son état nécessite et qui consistent en des injections hebdomadaires par une infirmière venant à son domicile ;

- le préfet ne s'est pas livré à un examen particulier de sa situation personnelle, dès lors qu'il ne s'est pas prononcé sur les circonstances humanitaires exceptionnelles dont son conseil avait fait état ;

- la décision en litige est insuffisamment motivée, dès lors qu'elle ne précise pas en quoi les circonstances dont son conseil avait fait état n'ont pas un caractère humanitaire exceptionnel ;

- elle est entachée d'erreur de fait, dès lors que le préfet nie avoir été saisi de circonstances humanitaires exceptionnelles ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors que son état de santé nécessite une prise en charge médicale qui consiste notamment en des injections hebdomadaires par une infirmière venant à son domicile et dont le défaut peut entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, que, son époux ayant engagé au Maroc une procédure de divorce, elle n'a plus de proche famille dans ce pays, que ses trois enfants, dont deux sont français, vivent en France et qu'âgée de plus de cinquante ans, elle vit en France chez sa fille, qui a la nationalité française, qui travaille et dont elle dépend matériellement ;

S'agissant de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

- le tribunal administratif a insuffisamment motivé son jugement sur cette décision en négligeant sa situation de femme divorcée ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article 14 de la même convention qui prohibe notamment les discriminations à raison de l'état de santé ;

S'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an :

- elle est entachée d'un vice de procédure, dès lors qu'en méconnaissance du premier alinéa de l'article R. 511-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle a été notifiée par voie postale et non par voie administrative ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience public, le rapport de M. Hervé Drouet, président-assesseur ;

Sur le refus de titre de séjour :

1. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. (...) " ; que selon le troisième alinéa de l'article R. 313-22 du même code dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. " ;

2. Considérant que Mme C... épouseB..., née le 15 août 1962 et de nationalité marocaine, soutient que le refus de titre de séjour en litige est entaché d'un vice de procédure, dès lors, selon elle, qu'en méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du troisième alinéa de l'article R. 313-22 du même code, le préfet n'a pas recueilli l'avis du directeur général de l'agence régionale de santé alors que, par courrier du 6 décembre 2014 notifié le 22 décembre 2014, son conseil avait informé le préfet de l'existence de circonstances humanitaires exceptionnelles tirées de ce que, son époux ayant engagé au Maroc une procédure de divorce, elle n'a plus de proche famille dans ce pays, alors que ses trois enfants, dont deux sont français, vivent en France, qu'âgée de plus de cinquante ans, elle vit en France chez sa fille, qui a la nationalité française, qui travaille et dont elle dépend matériellement et que son divorce et la séparation d'avec ses enfants qui vivent tous en France sont de nature à compromettre sa santé psychique et l'efficacité des soins que son état nécessite et qui consistent en des injections hebdomadaires par une infirmière venant à son domicile ; que, toutefois et alors que, par avis du 2 décembre 2014, le médecin de l'agence régionale de santé de Rhône-Alpes a estimé qu'il existait un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressée à destination duquel elle pouvait voyager sans risque, ces circonstances ainsi alléguées ne constituent pas des circonstances humanitaires exceptionnelles au sens des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du troisième alinéa de l'article R. 313-22 du même code ; que, dans ces conditions, le préfet n'était pas tenu de consulter le directeur général de l'agence régionale de santé sur l'existence de circonstances humanitaires exceptionnelles avant d'opposer un refus à la demande de titre de séjour de Mme C... épouse B...présentée sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 dudit code ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des termes de la décision en litige, que le préfet s'est prononcé sur l'existence de circonstances humanitaires exceptionnelles ; que, par suite, doit être écarté le moyen tiré de l'absence d'examen particulier par l'autorité administrative de la situation personnelle de Mme C... épouseB... ;

4. Considérant, en troisième lieu, que le refus de titre de séjour contesté énonce les considérations de droit et les éléments de fait propres à la situation personnelle de l'intéressée, dont l'absence de circonstances humanitaires exceptionnelles, qui en constituent le fondement ; qu'il satisfait ainsi à l'obligation de motivation résultant des articles 1er et 3 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée en vigueur à la date de la décision en litige ; que, par suite, doit être écarté le moyen selon lequel la décision en litige serait insuffisamment motivée ;

5. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 que le préfet n'a pas considéré qu'il n'était pas saisi d'une demande de titre de séjour invoquant des circonstances humanitaires exceptionnelles ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

6. Considérant que Mme C... épouseB..., née le 15 août 1962 et de nationalité marocaine, fait valoir que son état de santé nécessite une prise en charge médicale qui consiste notamment en des injections hebdomadaires par une infirmière venant à son domicile et dont le défaut peut entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, que, son époux ayant engagé au Maroc une procédure de divorce, elle n'a plus de proche famille dans ce pays, que ses trois enfants, dont deux sont français, vivent en France et qu'âgée de plus de cinquante ans, elle vit en France chez sa fille, qui a la nationalité française, qui travaille et dont elle dépend matériellement ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 2, le médecin de l'agence régionale de santé de Rhône-Alpes a, par avis du 2 décembre 2014, estimé qu'il existait un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressée à destination duquel elle pouvait voyager sans risque ; qu'il est constant qu'elle n'était présente en France que depuis deux ans et sept mois à la date de la décision en litige ; qu'elle n'est pas dépourvue de tout lien au Maroc, où elle a vécu jusqu'à l'âge de quarante-neuf ans et où résident sa mère, deux de ses soeurs et trois de ses frères ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'obligation faite à Mme C... épouse B...de quitter le territoire français n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport à ses motifs et n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle et familiale, et notamment sanitaire, de la requérante ;

Sur le refus d'accorder un délai de départ volontaire :

7. Considérant, d'une part, que, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point précédent, le refus en litige n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle et familiale, et notamment sanitaire, de la requérante ;

8. Considérant, d'autre part, que Mme C... épouse B...n'établit pas l'existence à son encontre d'une discrimination à raison de son état de santé ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

9. Considérant, en premier lieu, que la circonstance, qu'en méconnaissance du premier alinéa de l'article R. 511-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'interdiction contestée de retour sur le territoire français a été notifiée par voie postale et non par voie administrative, est sans influence sur sa légalité ;

10. Considérant, en second lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 6, l'interdiction en litige n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle et familiale, et notamment sanitaire, de la requérante ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C... épouse B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... épouse B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C...épouse B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Hervé Drouet, président de la formation de jugement,

- Mme Nathalie Peuvrel, premier conseiller,

- M. Samuel Deliancourt, premier conseiller.

Lu en audience publique le 4 avril 2017.

6

N° 15LY03294

mg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY03294
Date de la décision : 04/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. DROUET
Rapporteur ?: M. Hervé DROUET
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : ABOUDAHAB

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-04-04;15ly03294 ?
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